Oeil pour oeil, dent pour dent

Une odeur de terre s’engouffra dans les narines de Ren, en même temps que du sang dégoulinait de son menton. Déchiqueter ses proies fraîchement tuées était son casse-croûte habituel. Un frisson de plaisir parcourut son corps, il en était à sa partie préférée. Le cartilage se brisait dans sa bouche et fondait sur sa langue. Il en eût la chair de poule. — Tambira, t’as intérêt à déguerpir d’ici, et vite ! beugla son père. Et que j’te reprenne plus à manger de la viande crue comme ça.
« Et merde, soupira Ren, voilà le concierge Olen qui se mêle de c’qui le r’garde pas ».
— Je chasse p’pa, c’est pas un crime, hein ? Je l’fais pour le bien de ton village.
Le chef empoigna les cheveux épais de son fils. Des touffes de tignasse se déchirèrent entre ses mains, fibres marrons lui lacérant la peau.
— Imbécile, je t’ai demandé de faire circuler la pétition, dit-il en reniflant.
Ren gigota, et s’échappa de son emprise par à-coups. Le vieux avait de la morve plein le nez. Des stalactites s’y formaient comme dans une grotte de calcaire.
L’adolescent se massa le crâne, et son propre sang se mélangea à celui de la bête. Les racines de ses cheveux saignaient d’un rouge criard. C’était comme si un pot de peinture s’était renversé sur sa tête.
— Si t’obtiens assez d’signatures d’ici la tombée de la nuit, j’oublierai ce p’tit incident. Tu m’as bien compris, fils ?
Ren foudroya son père du regard, et lui arracha la pétition des mains dans un grognement. La feuille était déchirée par endroit, une pliure recouvrait le titre : Gloire à la religion polythéiste !
« Ridicule, se dit Ren, cette pétition est d’un ridicule. Des croyances de mauviettes, voilà c’qu’est le polythéisme ».
Olen s’éloigna de la forêt. Des branches de chênes avait déchiré son vêtement en coton, ce tissu ample caractéristique des habitants d’Ayoum.
— Vieux croûton, lâcha Ren en traçant un trait sanglant sur le torchon. Ça t’apprendra, à lécher l’cul du seigneur !
Le poly de la pétition fut remplacé par un mono visqueux. Les grumeaux du sang déformaient les lettres, mais on distinguait toujours l’écriture en pattes de mouche de l’adolescent.
Ren dégaina son arc en bois massif, un cadeau de son passage à l’âge adulte. Du haut de ses seize ans, il avait déjà abattu un cerf, et avait été sacré « détenteur de la maturité ». La nouvelle avait fait le tour du village pendant des semaines. Gonflé de fierté, Ren avait gardé le feuillet des actualités, celui avec son portrait à la une.
Confiant, l’adolescent enfonça une de ses flèches dans le papier moite. Il banda son arc. De nouveau, il serait célèbre et une page du journal lui serait dédiée !
« J’dirai au dessinateur d’repasser les traits de mes biceps, la prochaine fois. Comme ça, ils auront l’air bombés ! »
Paf.
La flèche se planta dans de la paille. La hutte du seigneur avait maintenant une pétition contraire à la religion du village, figée sur son toit. Quelle chance que la baraque de cet hypocrite soit sur la colline, ça f’rait une sacré polémique ! Gloire à la religion monothéiste qui brillait sous les éclats du soleil, impossible pour les habitants de louper ça.
Ren dépouilla la carcasse du sanglier, un sourire aux lèvres. Pour fêter ça, il la rongerait jusqu’aux os.

Coucou Asuka, bravo pour ton texte^^
Ton Ren me fait vraiment peur, je me suis demandé s'il n'était pas un loup-garou quand j'ai lu qu'il déchiquetait une carcasse et la mangeait comme ça, crue.
Ton texte est sympa et se lit bien, on retrouve les éléments de la fiche personnage.
J'ai juste du mal à comprendre cette histoire de pétition: s'ils doivent être polythéistes, à quoi sert cette fameuse pétition?
Bravo pour ton texte.

Coucou Ginevra, merci pour ton retour

C’est cool si tu as trouvé que mon Ren respectait les infos de la fiche personnage. Sa sale manie à manger des bêtes crues est assez dégoûtante, c’est vrai, ça fait un peu psychopathe ^^’
Pour la pétition, je l’ai pas expliqué car je préférais raconter l’histoire sans trop rentrer dans les détails, mais du coup c’est juste pour confirmer les croyances de Ren. En gros, le père tient à ce que son fils prône la religion polythéiste pour satisfaire le seigneur. Et comme Ren et Olen sont un peu les « gros poissons » du village, ils ont le pouvoir d’influencer les autres, donc leur opinion est importante.
Réponse un peu longue, mais j’espère que tu as compris l’idée

Je pense avoir compris, mais dans un texte plus travaillé, il aurait fallu un peu plus de contexte. Bon, en 1h30 et 1000 mots, ça devient vite plus complexe

Bravo pour ton texte ! La narration est bonne, la caractérisation marche bien, le rythme est bon. Juste un peu bizarre la manière d'amener la religion, manque de naturel.

Déchiqueter ses proies fraîchement tuées était son casse-croûte habituel. : la construction ne marche je pense

voilà le concierge Olen : un peu moderne le mot "concierge" et lourd de rappeler son nom

Le chef empoigna les cheveux épais de son fils. Des touffes de tignasse se déchirèrent entre ses mains : inverser "cheveux" et "tignasse" aurait été bien je pense

C’était comme si un pot de peinture s’était renversé sur sa tête. : un peu trop exagéré, du coup je n'y crois pas

avait été sacré « détenteur de la maturité » : un peu lourd

Aussi, je trouve qu'il y a un décalage entre le fait qu'il y ait un journal avec un dessinateur, des pétitions, une présentation du polythéisme, dans le monde de Ren.

Merci pour ta participation !