Une vie pour une vie

Assise dans son canapé, Geneviève était concentrée sur son tricot. Elle l’avait promis à sa petite fille pour ses vingt ans.
— Mamie…
Sans quitter son ouvrage des yeux, Geneviève répondit à Mylenne d’un ton absent, trop occupée à compter ses mailles.
— Pas maintenant, ma chérie, sinon je vais perdre le fil.
— Je t’en supplie… Mamie…
C’était à peine un murmure, et elle aurait pu ne pas l’entendre si la peur n’avait pas filtré au travers de ses mots.
Une angoisse sourde broya la poitrine de Geneviève. Le souffle court, elle lâcha son tricot et porta la main à son cœur.
Sa petite fille était pâle comme la mort. Ses yeux écarquillés d’horreur la fixaient et hurlaient un appel au secours muet. Des larmes ruisselaient sur ses joues et jusque dans sa bouche grande ouverte.
Et derrière elle, deux hommes, deux odieux personnages, dont l’un maintenait un La terreur l’empêchait de respirer, elle suffoquait, couteau sous la gorge de Mylenne.
— C’est bon la vieille, t’as saisi l’topo ou il faut que j’t’explique ?
— Je vous en prie, ne lui faites pas de mal… je ferais tout ce que vous voudrez, mais…
— Alors, bouge-toi ! Et plus vite que ça, on n’a pas que ça à faire.
Péniblement, Geneviève se leva, priant pour que son arthrite aux genoux ne la fasse pas trop souffrir.
Pas maintenant, alors que sa petite fille était en danger.
Oh, mon Dieu, aidez-moi… je dois la sauver… il le faut…
Elle serra les dents et parvint non sans mal à se redresser.
— Passe devant et pas de bêtise, sinon…
Le couteau sous la gorge de la jeune fille s’enfonça un peu plus dans ses chairs et quelques gouttes de sang commencèrent à perler.
— Où tu caches ton fric, la vieille ? Tu en as sûrement ici, non ? Les vioques comme toi, ils en ont toujours plein les matelas ! Et nous, on compte bien profiter. Et presse-toi un peu, on a pas que ça à faire si tu vois ce que je veux dire.
D’une main vicieuse, il caressa la poitrine de Mylenne sans quitter Geneviève des yeux.
— Oui, oui, j’ai compris. Je vais faire ce que vous voulez.
Il fallait qu’elle trouve quelque chose, une idée pour tirer sa petite fille des griffes de ces prédateurs.
La porte… la porte d’entrée était entrouverte ! Si elle parvenait à leur reprendre la petite, elle la pousserait dehors et fermerait la porte derrière elle.
Elle prit le premier prétexte qui lui passait par la tête. Pour eux, elle n’était qu’une vieille femme, sans défense, trop fragile pour résister. Elle fit ce que ces hommes attendaient d’une personne âgée. Elle se voûta un peu plus et avança à petits pas flageolants. Comme si le trajet l’avait éprouvé, elle reprit son souffle et implora les deux individus d’une voix chétive.
— J’ai besoin de ma petite fille pour me guider. S’il vous plaît, mon pauvre cœur...
L’homme qui retenait Mylenne la repoussa sans ménagement vers sa grand-mère.
— Va donc aider la vielle, et si tu te montres gentille, je m’occuperai bien de toi après.
Avec horreur, Geneviève le vit promener une langue gourmande sur ses lèvres en prononçant ces mots.
Elle s’accrocha au bras de la jeune fille, pesa de tout son poids dessus, et força Mylenne à se pencher vers elle au moment où elles arrivaient devant la porte.
— Quoi qu’il arrive, ne te retourne pas, cours, cours sans t’arrêter et va chercher la police aussi vite que possible.
Avant qu’elle puisse répondre, Geneviève se redressa de toute sa taille et poussa la jeune fille de toutes ses forces contre la porte qui s’ouvrit à toute volée.
— Cours, hurla-t-elle, cours !
Avant que les hommes ne réagissent, elle la referma violemment.
— Je t’aime, ma chérie, murmura-t-elle. Soit heureuse.
De l’autre côté de la porte, Mylenne tambourinait de toutes ses forces sur la porte en hurlant.
— Mamie… mamie, je t’en prie, ouvre la porte. Ne lui faites pas de mal. Je vous en supplie, je ferais tout ce que vous voudrez.
Mais la porte ne s’ouvrit jamais. Horrifiée, Mylenne entendait les cris des deux agresseurs qui s’acharnaient contre sa grand-mère. Elle avait si peur qu’elle ne se souvenait pas du code. Mais le bruit de coups assourdis qu’elle percevait lui transperçait le cœur. Elle entendit les deux hommes cogner violemment sur la porte et prit peur.
Et si jamais la porte cédait sous leurs coups ?
Les derniers mots de sa grand-mère lui revinrent en mémoire. Cours chercher la police.
— Tiens bon, Mamie, accroche-toi.
Elle partit en dévalant les escaliers, alertant tout le monde sur son passage. Et elle courut comme jamais auparavant, portée par la peur et le désespoir, elle avala la distance jusqu’au commissariat sans s’arrêter une seule fois.
Pendant ce temps, les deux hommes n’étaient pas restés inactifs. Eux aussi s’étaient acharnés à ouvrir la porte. Mais en vain, elle était verrouillée, et à présent, seul un code pourrait la rouvrir.
— Ouvre la porte, la vieille ! hurla l’un d’eux, l’écume à la bouche, ouvre tu m’entends, sinon j’te crève !
Il la secouait si fort en lui criant dessus qu’elle en perdit l’équilibre et chuta lourdement sur le sol.
Les deux hommes, furieux devant son refuge, se jetèrent sur elle et la rouèrent de coups. Elle se recroquevilla sur elle-même tout autant pour se protéger que pour gagner du temps.
Et malgré la violence dont elle était victime, elle souriait. Sa petite fille était saine et sauve. Elle avait réussi. Et ces hommes finiraient en prison.
Rendus fous furieux devant le visage de Geneviève qui malgré les larmes et la douleur parvenait à sourire, ils laissèrent libre cours à leur fureur. Avec leur passé, ils étaient bons pour la perpète cette fois, mais la vielle ne s’en tirerait pas comme ça, ça non !
Ils s’acharnèrent contre elle, lardant son corps de coups de couteau encore et encore. Et la vie avait depuis longtemps quitté le corps de la vieille femme qu’ils continuaient toujours à s’acharner sur elle.
Cette fois, quand Mylenne retourna à l’appartement avec la police, elle se souvint du code, mais les agents l’empêchèrent d’entrer. D’une part à cause des hommes piégés à l’intérieur mais aussi à cause de l’odeur qui flottait. Une odeur qu’ils ne connaissaient que trop bien. Derrière eux, Mylenne se mit à hurler et à appeler sa grand-mère. Et les policiers durent s’y mettre à plusieurs pour l’éloigner de la scène. Les deux hommes furent rapidement maîtrisés et emmenés au poste. Restait maintenant à s’occuper du corps.
Mais quand ils retournèrent le corps si atrocement mutilé de Geneviève, ils se retrouvèrent face à un sourire si doux qu’ils en eurent le cœur brisé. Ils comprenaient le drame qui s’était joué ici et le courage que cette vieille dame avait montré en affrontant l’horreur de ses derniers instants. Et malgré le calvaire qu’elle avait enduré, elle avait tenu bon. Une victoire que ces policiers saluèrent avec un profond respect en contempla le visage de cette héroïne qui avait donné sa vie pour sauver celle de sa petite fille.

Coucou ! j'ai adoré ton texte ! J'ai senti tout l'amour qui unit ces deux femmes ainsi que la tristesse de Mylenne quand elle comprend que sa grand mère est morte. J'aime aussi le retournement de situation : au début j'ai cru que Mylenne allait mourir alors que sa grand mère l'a sauvée !
Sinon petits points à améliorer :
- Comment les deux hommes peuvent entrer dans la maison par effraction et prendre Mylenne sans que Geneviève s'en rende compte ?
- Peut-être qu'avec plus de temps tu aurais pu développer ce que ressent Mylenne à propos du sacrifice de sa grand-mère. Se sent elle redevable ? Est-elle reconnaissante ? A-t-elle honte de ne pas avoir réussi à sauver sa grand-mère ?
- Ce passage n'est pas très clair : Et derrière elle, deux hommes, deux odieux personnages, dont l’un maintenait un La terreur l’empêchait de respirer, elle suffoquait, couteau sous la gorge de Mylenne.
Encore bravo !

C'est absolument déchirant et très bien raconté. Je me suis parfaitement représenté la violence de la scène et le sacrifice de cette pauvre grand-mère, j'en ai eu des frissons ! Hormis les remarques citées plus haut, j'ai peut-être été légèrement perturbée par les alternances de points de vue, il y a des moments où on ne sait pas trop qui parle, si c'est la petite-fille ou la grand-mère. Comment l'une des deux peut connaître le passé des braqueurs ? Tu as été très inspirée en tout cas par cet atelier, un grand bravo à toi. C'est vraiment un très bon texte

Merci beaucoup pour vos commentaires, ça me touche énormément. C'est la première fois que j'ose montrer mon travail. En ce qui concerne le texte, je voulais éviter le "trop de contexte" et du coup j'ai supprimé pas mal de passages pour le rendre plus court. Comme le moment où j'expliquais que les deux hommes s'étaient fait passer pour des gens venus relever le compteur d'eau. Il va falloir que je fasse attention à ça parce que dans ma tête c'était clair ^^ et du coup trop supprimer des passages à rendu le texte un peu confus. En tout cas, merci pour vos retours

Je trouve que c'est très bien écrit ! Et t"as fini 40min avant, incroyable !

J'adore la mamie. Sa façon de penser et son courage ! Je pensais aussi que la petite fille allait mourir xD
J'aurai bien aimé lire plus d'émotions de Mylenne, c'était un peu rapide.

Je suis d'accord, j'aurais dû plus développer les sentiments de Mylenne, je me suis plus pencher du côté de la grand-mère alors que le but de l'exercice portait plus sur les sentiments de celui qui reste en vie. Mon gros défaut c'est que la plupart du temps je n'écris que du point de vue de personnages masculins et là je me suis essayée aux rôles féminins et j'avoue que ce n'est pas facile. Merci pour ton commentaire, j'en sais un peu plus sur moi et ma façon d'écrire

Je trouve que les personnages sont très bien ! Rien ne m'a paru bizarre.
Bravo alors si c'est difficile pour toi ! Le texte est super

Bravo pour ton texte ! Je l'ai trouvé bien écrit et l'émotion monte tout au long de la lecture.

Au niveau du fond, le texte fonctionne plutôt bien même si j'ai été un peu désarçonnée par les changements de point de vue. Je pense que si les paragraphes avaient été mieux marqués, je m'y serais plus retrouvée. A moins que je n'ai plus l'habitude des points de vue omniscients ^^' (très possible aussi)
Je me suis aussi posé la question du comment ces hommes avaient pu entrer dans la maison/appartement?

Je crois qu'on te l'a déjà dit, mais ce passage est peu clair, comme si tu avais voulu le remanier et que tu t'étais arrêtée en chemin:
"Et derrière elle, deux hommes, deux odieux personnages, dont l’un maintenait un La terreur l’empêchait de respirer, elle suffoquait, couteau sous la gorge de Mylenne."
C'est une petite chose, qui en général est rapidement corrigée à la relecture

Je viens de voir le passage en question, et oui, c'est une erreur de ma part. En fait je voulais supprimer le passage "la terreur l'empêchait de respirer, elle suffoquait" et je me suis ratée ^^ ça m'embête de faire des erreurs aussi bête parce que même en ayant relu le texte plusieurs fois, je ne l'ai pas vu

Bonjour ! J’ai trouvé ton texte très bien !
Il y aurai juste quelques petites choses à éclaircir de mon côté :

- Tu as donc fait plusieurs personnages B (les 2 hommes et Mylenne) mais lequel est prédominant ? On pourrai penser que c’est la petite fille de Genièvre, mais celle-ci n’assiste pas à la mort puisque elle est au commissariat.

- Si ce sont les deux hommes "le" personnage B : les émotions sont peut-être un peu trop survolées. Tu aurais pu insister sur leur colère face à Genièvre qui a fait échouer leur plan en le montrant par, par exemple : leurs visages fermés et leurs mains serrées sur leurs couteaux, etc.

Sinon très beau texte j’ai trouvé intéressant le fait que tu aies utilisé plusieurs point de vue différents.
J’ai failli pleurer pour Mylenne ; tu as réussi à transmettre les émotions (je ne pleure pas souvent devant un texte alors bravo !)

J'avoue que je suis passée un peu vite sur les personnages secondaires, et mes fautes d'inattentions (comme refuge au lieu de refus) n'aide pas à la compréhension du texte. J'avais tellement de chose à dire que j'en ai peut-être bâclé la moitié. Et effectivement, je pense que j'aurai pu plus montré la réactions des deux hommes.

Hello !
Bravo pour ton texte il est vraiment super ! Les remarques que j'avais ont déjà été notées donc je ne vais pas les redire lol
Encore bravo et merci !^^

hello ! Bravo pour ton texte ! J'aime beaucoup l'idée, c'est bien raconté, je trouve que tu retransmets bien l'émotion tout au long de la scène.

priant pour que son arthrite aux genoux ne la fasse pas trop souffrir. : drôle d'idée à ce moment-là je pense.

Et presse-toi : magne-toi

toute sa taille et poussa la jeune fille de toutes ses forces : beaucoup de "toute"

Elle entendit les deux hommes cogner violemment sur la porte et prit peur. : peut-être développer un peu plus la description de ce qu'il se passe, faire attention aux répétitions, parler des vibrations de la porte, du sang qui coule en dessous.

Rendus fous furieux devant le visage de Geneviève : déjà dit au paragraphe d'avant.

Merci pour ta participation !