Atelier d’écriture 28/05

J’ai tiré les cartes du pape, de la force, et de la tempérance. J’ai choisi la force, je me suis surtout inspirée de l’illustration.



That’s life
(That’s life)
That’s what all the people say
You’re riding high in April, shot down in May
But I know I’m gonna change that tune…

J’écrasai ma clope contre l’affiche du cirque de l’Oregon.
— Va te faire foutre, cirque de merde, me surpris-je à dire à voix haute.
Des cendres s’émiettèrent sur le slogan pourri de la publicité : Ça, c’est du cirque ! J’éclatai de rire. Un monticule grisâtre dans la face, c’était tout ce que méritait ce clown dégueulasse en première page.
Entre mes doigts jaunes, je tripotai ma clope écrasée. Ils m’avaient fourgé la caravane en trop, celle dont on se servait pour les représentations de dernière minute. Des lambeaux de bois dégoulinaient des murs et le plancher avait été rafistolé, ça se voyait aux nuances différentes des lattes. Sans oublier l’odeur de renfermé, d’une puanteur qui me faisait plisser les narines à chaque inspiration.
Un miroir et une coiffeuse à bas prix étaient disposés dans un coin en plus de cartons, pleins à craquer d’accessoires. J’en avait la migraine, de ces balles aux couleurs pétantes et de ces perruques ridicules.
— Putain !
Le matériel kitsch à 5$ valsa contre un dressing de costumes. Mon coup de pied fit trembler la caravane, et la radio s’écroula au sol. Frank Sinatra n’aura plus qu’une voix grésillante pour l’éternité.
— Eh, ça va là-d’dans ? beugla une voix d’homme derrière la porte. T’as pas intérêt à faire l’maligne dans ta roulette, tu passes dans deux minutes !
Je balançai la cigarette dans un des cartons fourre-tout, et glissai mon paquet d’herbes dans mes chaussures de rechange. Un dernier coup d’œil dans le miroir, et come on.
Des LED fluorescentes entouraient mon visage fatigué. Mes yeux bouffis pleuraient du mascara, déversé sur mes joues pâles. On aurait dit une droguée punk avec mon piercing sur les lèvres, et mes biceps gonflés. « Tout va s’arranger, pas vrai ? me dis-je. Papa va venir me chercher et me ramener à la maison, comme avant. » Je fixai ma boite de maquillage de mauvaise qualité, cadeau de mes 13 ans. « Dans tes rêves, Jessie. Ton père t’a laissé pour cette nana aux seins bombés comme des melons. Il t’a abandonné. »
Je déboulai dans le chemin de terre qui menait au chapiteau. Mes bottes s’enfoncèrent dans de la boue, mais je m’en fichait. Tout c’que j’avais à faire, c’était sourire, fouetter ces foutues bêtes et amuser la foule.
Je m’approchai des cages, étroites comme des chiottes de train. Comment ces bestioles aux centaines de kilos rentraient là-dedans ? Un lion, affalé sur les barreaux, me dévisageait d’un regard vide. C’était Aliénor, le doyen de tous les félins du cirque. On le sortait à chaque numéro de domptage, pour impressionner les enfants.
La vérité c’était qu’il était pas beau à voir avec son œil en moins et ses cicatrices sur sa fourrure. Mais bon, ça passait quand on était dans les tribunes, loin de la scène.
Je caressai son museau meurtri. En position de force, je savais qu’il ne me ferait pas de mal. Avec les années, il avait appris à ne plus faire de mal.
Un liquide chaud coula sur mes doigts. Je relevai la tête, interloquée. Des larmes se formaient dans le creux de l’unique œil d’Aliénor, et se brisaient au contact de ma peau. « Bordel. Jess, tu as vraiment un boulot de merde. »
J’essuyai ses pleurs avec mes ongles vernis. Que pouvais-je faire de plus ?
— Je sais q’c’est pas juste, murmurai-je, mais c’est la vie.
Je sais pas pourquoi, mais ça me rappelait justement une chanson.

That’s life
(That’s life)
That’s life and I can’t deny it
Many times I thought of cutting out but my heart won’t buy it
But if there’s nothing shaking come this here July…

Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai un faible pour les personnages qui jurent et les narrations un peu haut en couleur comme celles-ci, du coup j'ai vraiment passé un très bon moment Je trouve l'ambiance de ton texte particulièrement réussie avec cet univers de cirque miteux et ton héroïne dompteuse qui déteste être là. Un très bel atelier, Asuka ! Ça mériterait une suite, qu'on voit si Jessie arrive à changer de vie Rien à reprocher pour ma part, j'ai adoré. Merci à toi

Coucou Sayuri, merci pour ce retour positif
Je suis contente que le personnage et le ton de la narration t’aient plu, lors de cet atelier j’ai vraiment changé mes habitudes d’écriture.
Tant mieux si tu as passé un bon moment aux côtés de Jessie, dont le caractère ne matcherait pas avec tout le monde je pense !

Moi je veux une suite pour voir si Aliénor change de vie. x)
Très beau texte.

Bravo pour ton texte ! Le ton est super, la narration est très bien rythmée, très plaisant à lire, l'émotion à la fin est top. Même le personnage est bien retransmis, caractérisé très rapidement.
++++++
Merci pour ta participation !