Le Serpent et le Cactus - Ôde au Désert Libre

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En quarante lunes, Flinn avait vu défiler tous les vents d’été et leur cortège de poussière. Carmins, parmes ou ocres, chaque nouvelle tempête déplaçait son lot de sable sur cet océan de dunes. Derrière les barreaux de sa cage, il ne pleurait plus, ne cherchait plus aucune issue. Restait droit devant lui l’appel du Désert libre.

Hypnotisé, il imaginait la vie par-delà les monticules. Il se mit même un jour à prier ce Dieu sable de lui ouvrir un passage dans son manteau crème. A force de prières, il se laissa happer par tout cet or. Le Désert le laissa entrer. Comme un vieil ami, il vint la main tendue lui ouvrir sa cage. Comme un vieil ami, il lui promit de l’accompagner dans son prochain voyage par-delà l’immensité. Comme un vieil ami, il le guida à travers ce monde, libre et confiant.

De l'autre côté des barreaux, le temps des peines avait passé et le Désert et sa boule de feu lui réchauffaient le cœur. Son second, le vent Khamsin, le gonflait d’euphorie lorsqu’il décidait d’improviser une danse endiablée dans ses boucles blondes. D’abord engourdi d’être si longuement resté prostré, il se mit ensuite à courir et explorer chaque pan de ce sable merveilleux, libre. Il serait bientôt loin et n’aurait plus jamais à porter de chaînes.

Le Désert lui montrait son talent pour former les œuvres les plus étranges grâce aux ombres du sable. Il lui faisait découvrir des roches d’une autre Terre qui tenaient en équilibre et il lui expliquait même comment imaginer les choses les plus improbables grâce aux ondulations de la chaleur. Il lui suffisait de regarder comment cette illusion d’eau reflétait les montagnes mordorées. Sauvage et ardant, le Désert était l’ami de tous les possibles.

Et puis l'enthousiasme de la liberté céda à la préoccupation. Le Désert s’était lassé de son nouvel ami et devint muet et inhospitalier. Autour de lui, pas âme qui vive sinon quelques rares pachydactylus qui l'observaient avec des yeux aussi ronds que ces collines vides. Le Khamsin à force de danses avait fini par lui érafler la peau et la chaleur quant à elle, rendait son esprit lourd et brumeux. Dans la sécheresse ambiante, lui qui volait presque quelques heures plus tôt commençait à sentir ses jambes ramollir.

Après la panique, le désespoir. L’astre céleste avait commencé à entamer sa descente, et l'atmosphère se chargeait doucement d’humidité promettant l’arrivée du froid. Ses jambes ne le portaient plus et dans une once de lucidité la peur le prit soudain aux tripes. Il décida alors de s’arrêter pour questionner l’immensité dans la perspective de devoir y passer la nuit.

Il pensait qu’au fond il s’éteindrait probablement seul, n’ayant pu goûter à nouveau à sa vie d'antan. En creusant un trou dans le sable pour récupérer quelques gouttes dans la nuit naissante, il surprit une conversation bien étrange.

Un serpent et un cactus débattaient avec animation. Ravi de découvrir une once de vie dans ce désert aux confins du monde, il s’approcha prudemment pour ne pas perdre une miette de la conversation.

- Et pourtant mon ami, tu en aurais tant à partager! Tu te gonfles avec l’âge à mesure que tu stockes mais tu n’en as pas besoin... Dans ce monde tout est question de partage de ressources, sinon il ne resterait plus que des vieux cactus comme toi. La diversité rend la vie meilleure, tu sais donc que tu pourrais redistribuer à tous pour améliorer l’état de notre désert. Pourquoi s'entêter ?

Flinn cligna des yeux, il ne rêvait pas, ce tout petit serpent, dressé sur ses appuis venait de clamer ses idéaux à la barbe d’un gros cactus grincheux. Du haut de ses épines il pinça les lèvres de mépris et jeta un regard à ses pieds.

- Diantre! Qui es-tu pour me donner des leçons ? Ta langue siffle donc de jalousie ami des sous-terrains! Pendant que tu ondoies dans les bas-fonds, profitant des rayons du jour pour te dorer les écailles, moi je travaille. Mon eau, je la mérite, elle me permet de me développer, de réaliser mes rêves et de m’élever toujours plus haut. Briller plus près du soleil, plus solaire que tu ne le seras jamais.

- Ensemble je suis sûr que nous pourrions nous élever encore plus haut. Un rêve seul est un rêve triste, vivre pour nos propres élans nous fait oublier le reste du tableau.

- Mais de quel monde me parles-tu ami sifflant ? Nous vivons dans un désert aride où tout n'est que survie! Chaque jour est un poids et il ne reste presque plus personne ici. Alors ça au moins, laisse-moi rêver en paix.

- Tu te trompes, le monde est là, il est partout autour de toi ami cactus. Mais à force de rêver de grandeurs et de liberté tu t’es perdu en rêve. En stockant de l’eau tu te développes et tu t’élèves mais tu cultives aussi des épines et une peau plus dure que la pierre. Chaque jour tu deviens plus laid et plus triste. Et le pire c’est que ne sais même plus que tu n’es pas seul. Tu vois le ciel au-dessus de toi que tu cherches à atteindre ? Avais-tu seulement remarqué ces insectes qui créent des sillons sous tes racines pour porter de l’eau dans ton sol ? Avais-tu remarqué la noblesse des traces de pas de ces mammifères plus grands que toi qui ont partagé ta nuit il y a de cela deux lunes ? Ou encore, ne sens-tu pas la vie dans l’onde de cette graine frêle qui pousse vers la lumière dès la fraîcheur du soir reparu ? Tu passes à côté de la beauté et tu n’es pas seul, mais tu as oublié.

Le serpent braqua sa tête minuscule vers Flinn qu’il venait de remarquer.

- Et toi, petit être perdu, est-ce que tu veux rentrer chez toi ?

Un hochement de tête et un éclair lancinant. C’est là le seul spectacle qu’il laissa à son ami le Désert libre.

J'ai beaucoup aimé ton texte, bravo ! Tu as un style vraiment particulier et très agréable à lire, on dirait à certains moment lire un conte ou une fable. J'ai par contre eu l'impression que certaines phrases étaient parfois un peu longues et perdaient de leurs force évocatrice. Mais sinon j'ai hâte de lire tes prochains écrits

Il y a une ambiance très Petit Prince dans ton texte je trouve. C'est très poétique, très imagé et ça fait penser un peu à l'univers du rêve. Il y a aussi comme une sorte de réflexion philosophique entre le cactus et le serpent c'est vraiment quelque chose de très particulier comme le disait Yoomise ^^ Pour ma part, j'étais un peu perdue dans l'avancée du texte qui s'élevait peut-être un peu trop haut pour moi, j'ai un peu perdu Flinn dans toute cette beauté poétique. Mais la plume est fluide, ça c'est incontestable, ça se lit bien En résumé, une lecture qui me sort de mes habitudes et que j'ai appréciée, donc bravo à toi et merci !

Autour de lui, pas âme qui vive sinon quelques rares pachydactylus qui l'observaient avec des yeux aussi ronds que ces collines vides. => J'adore

J'étais complètement hypnotisé par ton descriptif, jusqu'au dialogue que je sentais moins fort et élaboré. Ta plume est magnifique et j'apprécie tes inspirations poétiques qui m'ont ouvert le cœur :-) Merci !

Hello ! Bravo pour ton texte, j'ai beaucoup aimé. Même si certaines phrases sont un peu longues, je trouve que le rythme est toujours là. Ton texte est très évocateur, le vocabulaire est bon et les dialogues sont une surprise vraiment sympa.

Restait droit devant lui l’appel du Désert libre. : pas très clair la phrase.

Merci pour ta participation !