Mort insensible

Le sang déborde de ses lèvres qui tremblent. Il se répand dans le creux de ses fossettes qui les creuses jusqu’à son menton. J’observe cette coulé derrière une vitre, celle de mes songes. Pourquoi n’arrive-je pas à ressentir ce qu’il faut éprouver? Pourquoi je ne parviens pas à donner suite à cet acte ignoble?

Ses yeux plongent dans les miens. Ces rubis qu’autre fois trouvaient en mon voile blanc un réconfort désintéressé. Je la voyais grandir un moi par la porte ouverte de son regard et me demander si j’aimais cela. Non je n’aimais pas. Pas question d’avouer par contre. La vie qui l’anime est si vorace que même après les coups de couteau, j’arrive encore à sentir son extension se propager à l’intérieur. Derrière les larmes, la souffrance et la résilience, elle m’offre toujours la possibilité de la rejoindre. Peut-être, aujourd’hui, dans l’espoir que je tente de la sauver à mon tour. Cela dépend de moi, elle le sait. Et comprend qu’il est trop tard pour cela.

Le couteau à la main je regarde le rouge carmin y glisser - je l’ai si facilement planté - et rejoindre le sol dans la flaque qui s’étend à mes pieds. Je recule. Ne pas laisser de trace, ne rien montrer qui puisse m’impliquer. Bien que c’est un fait: je serais le premier suspect. L’époux tue sa promise, lui promettant ainsi l’amour éternelle. L’amour jusqu’à ce que mort s’en suive. Comme quoi, il y a du romantisme dans l’action de tuer la personne aimée. L’être qu’on emmène à l’église et qui, quelques heures plus tôt, nous disait oui.
Ses mains se détendent et flottent hors de son ventre. La vie s’échappe doucement du corps qui décline successivement. La douleur remplacée par le froid, de même que le noir et le rien prendront d’autorité leur place. Qu’il ne reste que néant et désespoir: je lui inflige. Elle qui a voulu percer, décortiquer, résoudre ce qui m’habite. Elle en mourra. En essayant de faire de moi son défi, je pris à la lettre sa quête. Tu comprendras lorsque tes yeux s’éteindront, se fermeront et recouvriront le tableau. Continueras-tu a y voir des visages splendides? Ne revient pas pour me le dire.
Lorsque je lui fait dos, je perçois une énième fois mon nom franchir le pas de sa langue.
Jack…

Je soulève la trappe qui conduit à l’évacuation des selles. Le couteau transperce la surface fuyante des eaux usées. Il frotte dans le tuyaux. Je lâche le battant qui recouvre le trou.
Je presse le boutons du robinet. Sous l’eau gelée, je passe mes mains. Le sang tourbillonne dans l’évier jusqu’au siphon. Elle se coupe une fois le bouton relevé. J’essuie le surplus sur mon pantalon et rentre les mains dans mes manches.

La poignée serrée par ma main cachée, je m’apprête à la tournée quand un dernier soupir me pousse à contemplé le corps frêle. Si jolie dans sa robe rouge qui s’étire au delà de tout tissus. Ses muscles frissonnent, son bras voudrait me rejoindre. Retenir mon attention, me tenir par le col et crier à l’aide. Mais sa descente est amorcée. La lumière décline et sa peau blanchie. La porte s’entre ouvre et je me faufil dans la brèche. Seule, elle restera jusqu’à ce que je décide de faire quelque chose. De hurler à la mort pour savoir qui à tué ma femme.
Jouer avec le monde comme j’ai joué avec l’âme de cette jeune femme.

Délicate, la main ganté de cuire noir extirpe une rose blanche du bouquet. Sans épine, sans danger, je vois qu’elle a tout de même du mal à s’en défaire. Entre ses doigts, la fleure reste pincée un instant avant de fendre l’air de la fosse. Quelques pétales ont volée hors du sépale. Sur le bois lustré, ils embrassent la pauvre fille en-dessous.
Une trainé humide et assombrie roule sur la joue peinturée de belle maman. Sortie de derrière les verres teintés, elle caresse son visage jusque sur son menton. Veuve, je me tiens à ses côtés, où se trouve normalement le père de la défunte. Il faut un homme pour solidifié l’équilibre de cette femme esseulée. Je tend la main et débarrasse le bouquet de son emprise.
Allez vous assoir. Je m’occupe des détails.
Jack… Merci, sanglote-t-elle.
Ça me rappelle quelque chose…
Le moment fatidique de la rupture. Le moment de remise en question quand elle me gifla.
REVEILLE-TOI! AIME-MOI ENFIN! Avait-elle implorée.
Mais je n’aime pas. Je ne possède pas. Et je ne me contraint pas.
Alors sur la feuille du croque mort, je signe d’une main sûre les mots qui selleront notre unions. Les paroles qu’ils graveront dans le marbre sculpté pour ma femme.
« Pour que jamais tu ne sois un mystère, Rose. Toujours regrettée. Jack. »
Dans le vase en terre cuite, je plante les roses blanches. De jolies boutons d’éclat entouré de lys. Aux quels je rajoute une rose rouge. Une tâche qui ne s’en ira jamais.
Insensible…

Je n'ai pas compris le déroulement complet de la scène mais ça a l'air bien sombre cette histoire.
"Comme quoi, il y a du romantisme dans l’action de tuer la personne aimée."
Je n'aime pas le fait de romantiser le meutre, après c'est un ressenti personnel, chacun est libre d'écrire ce qu'il souhaite et je comprends que c'est la vision direct du personnage.
Enfin contrairement au personnage principal je ne suis pas restée insensible, j'ai trouvé l'ambiance dérangeante et intrigante. Bravo !

Bravo pour ton texte ! Le contexte est difficile à saisir mais je pense avoir compris que le personnage n'est pas un enfant de cœur. Si j'ai eu du mal à ressentir une quelconque émotion, j'étais bien plongée dans l'ambiance sombre et ambiguë de tes scènes.
Merci beaucoup pour ton récit^^