Le dernier souffle

Le couloir était sombre et n’en finissait pas. Des râles étouffés venaient derrière les portes fermées. Une odeur d’urine m’agressait les narines. J’arrivai devant de sa chambre. Un brancard avec un sac mortuaire attendait le long du couloir.

Mon père m’accueillit avec un sourire qui lui fit mal. Sa peau était vitreuse et blanche. Il murmura des paroles en grimaçant. Je tendis l’oreille.

- Merci d’être venu, mon fils prend ma montre sur la table, elle est à toi.

Il termina sa phrase en crachant du sang.
Sa montre n’avait jamais quitté son poignet. Elle rythmait sa vie. Il aimait répéter.

_ Il vaut mieux être en avance qu’être en retard.

Mon père adorait cette montre et en prenait soin. C’était un cadeau de mon grand- père. Il lui avait offert pour ses quinze ans, pour la réussite à son brevet des collèges. C’était sa grande fierté. Il m’avait appris l’heure avec. C’était les jours heureux, quand la maladie n’était pas encore arrivée dans sa vie.

Mon père toussa plus fort et vomi du sang. Ses yeux se révulsèrent en arrière. La lumière dans la pièce se fit plus sombre. Ma vue se troubla par mes larmes. Il se tint la poitrine de douleur et lâcha un long râle. La lumière de ses yeux disparut. Les bruits des chambres voisines se turent. Il n’était plus qu’une statue immobile.

Les brancardiers arrivèrent pour libérer la place. Je leur criai au visage :

_ Vous ne pouvez pas respecter le deuil des gens !

Je les repoussai dans le couloir.

Je restai un moment au chevet de mon père en sanglotant. Je tenais fort sa montre dans ma main. Son tictac s’arrêta avec le dernier souffle de mon père