Jugement dernier

[J'avais comme cartes la Force, le Chariot et la Justice. J'ai choisi la Justice ^^]

« L’Enfer se trouve sur terre. »
C’est qu’il se murmurait dans les villages aux alentours du coin perdu parmi les montagnes. Chacun avisait les voyageurs de ne pas s’y aventurer. On leur racontait qu’il y fort longtemps, le roi avait tenté d’envoyer des hommes pour en reprendre le contrôle. Leurs cadavres mutilés jonchaient le pied de la montagne le matin suivant.
Dieu et ses représentants les avaient depuis longtemps laissé laissant les rennes au Diable.
Le pauvre voyageur, assez orgueilleux pour passer outre l’avertissement, gisait dans son propre sang. Ses assassins le dépouillait tranquillement, Olivier caché dans une ruelle les observant. Le voyageur n’était pas méchant, au fond, il avait été plus qu’heureux de partager des victuailles avec lui et lui parler du monde extérieur. L’enfant n’avait rien pu faire d’autre que fuir en voyant le danger arrivé. Son frère lui avait rabâcher qu’ici il ne fallait penser qu’à soi.

— Il n’a pas fait longtemps.

Olivier sursauta. Son frère derrière lui sourit avant d’ébouriffer ses cheveux.

— Tu ne devrais pas regarder ça, le sermonna-t-il. Quand tu fuis, tu retournes chez nous directement.
— Les gens morts sont partout ! répliqua l’enfant. J’ai l’habitude.

Il agita sa main en direction de ce qui se rapprochait plus à des charognards qu’à des des humains.

— Tu me dit de fuir mais toi tu fais ça !
— Je survie, pour nous deux. C’est pas pareil.

Il passa un bras autour de ses épaules pour le détourner du sinistre spectacle.

— On y va.

Comme à leur habitude, ils traversèrent avec précaution le réseau de ruelles. Quand il lui ordonnait de fermer les yeux, Olivier s’exécutait. Il entendait les cris, se laissait guider par son frère.
Ils se faufilèrent dans le bâtiment qui leur servait de repère. Ils s’installèrent dans leur coin, une petite pièce plongée dans l’obscurité. Quelques misérables rayons de soleil se faufilait entre les planches qui condamnait une des fenêtres. Alors, pour rester un peu dans la lumière, une lampe à huile avait été allumé entre les deux. Olivier balbutiait avec joie de ce qu’il avait apprit du monde extérieur à son frère. Ce dernier montrait son investissement dans l’histoire avec des « ah bon ? » et des « woaw » tout en affûtant ses poignards.

— Et on pourra aller se baigner ! finit Olivier.
— Bien sûr. On fera tout ce qu’on a toujours rêver de faire.

Un jour, les deux frères réussiraient à sortir de cette ville. Un jour, tous les deux seront heureux, sans plus de mort et de danger. Olivier fixa la pièce entre ses doigts. Le voyageur lui avait donné, lui aussi en avait eu besoin.

— On va faire quoi dehors ? Il y a besoin d’argent là-bas aussi.

Son frère s’arrêta. Pour la première fois depuis une demi-heure, le silence reprit sa place dans la pièce.

— Je trouverais un travail, finit-il par le rassurer. De toute manière, on va bientôt partir.
— Promis ?
— Promis.

Olivier ramena ses jambes contre lui, observant son frère exécuter sa besogne.

— Tu m’apprendras à me battre ?
— Dehors, tu n’en aurais pas bes…

Des cris s’élevèrent à l’extérieur, en majorité des insultes. Il se leva pour se diriger vers la fenêtre qui donnait sur la place. Entre deux planches, il arriva à distingue des hommes en armures scintillante, leur casque recouvrait leur visage, leur donnant tous l’aspect de clones. La femme au milieu, ne portait rien d’autres qu’une longue robe rouge, un tissu bleu était posé ses épaules. Olivier resta un instant subjuguer par sa beauté. Son visage fin était éclairé par deux pâles yeux bleu. Son long cheveu blond était attaché en une natte.

— Encore des voyageurs, lança son frère à côté de lui. Olivier, éc…

Les lances des chevaliers s’abattirent sur le pavé en un boum qui ramena le silence parmi eux.

— Silence ! clamèrent-ils à l’unisson. C’est l’heure de votre jugement !

La femme leva le bras, pointant du doigt un homme dans la foule.

— Pour vos crimes, c’est l’enfer qui vous attend.

Le rire du condamné résonna puis il l’insulta gaiement.

— … Alors vas-y je t’attends connasse ! À moins que ce soit un de tes fils de pu…

Le reste de sa phrase finit étouffer. Il s’éleva au-dessus de la foule, une corde dorée autour du cou. Il se débattit, la foule éruptant en panique.
Son frère écarta Olivier avant de se précipiter sur son sac.

— On part, maintenant !

L’enfant attrapa quelques affaires, les fourrant dans son sac avant de sortir avec son frère. Olivier n’aurait jamais cru que cet endroit aurait pu être plus horrible qu’avant. Les chevaliers attrapaient les personnes ou les empalaient de leur lance. Son frère avait agrippé son poignet. Les pendus s’accumulaient. La voix de la femme s’élevait toujours parmi la panique.
Ils traversèrent les ruelles à la hâte, échappant à la vigilance de tous. La forêt apparut à l’horizon, leur route de sortie.
Ils allaient vraiment partir.

Son frère éclata de rire alors que les deux s’éloignaient sur le chemin.

— Enfin on est li…
— Pour vos crimes, c’est l’enfer qui vous attend.

Les mots résonnèrent dans les oreilles d’Olivier comme un glas. Il eut à peine le temps de voir le visage paniqué de son frère. L’instant d’après, sa main quittait le poignet d’Olivier et ses pied la terre-ferme.
Olivier se rendit à peine du cri qui avait quitté sa gorge. Ils devaient partir. Son frère voulait juste le protégé. Il se jeta à genoux devant la femme, sans se rendre compte que son frère était déjà parti. En pleure, il lui supplia de lui rendre son frère. Il lui donnerait tout ce qu’elle voudrait. Elle le fixa puis souris. D’une main, elle lui ébouriffa les cheveux et repartit, son armée au talon.
Le monde se brouilla devant Olivier. La rage bouillonnait dans les tripes.
Même s’il devait y perdre son âme.
Même s’il devait devenir le diable.

Un jour il la tuerait.