Le Collectionneur de Temps

Hello les miettes! Pas eu le temps de finir mon idée mais j'espère que ça vous plaira! Bonne lecture  

« Hé ! Vous ne pouvez pas faire attention, non ? »

Ivory plaqua une main sur son nez. La douleur était si fulgurante qu’elle en avait presque les larmes aux yeux. Elle le palpa, le remua quelque peu, comme pour s’assurer qu’il était toujours bien en place. Il n’y avait pas de fracture. Il n’y aurait pas même un bleu. Juste une grosse frayeur et un gros malabar furibond qui la fixait. Comme si c’était de sa faute à elle s’il avait ouvert la porte de son échoppe d’un coup de pied et qu’elle se trouvait juste derrière !
L’homme était gros, chauve et couvert de suie. Son tablier de cuir n’avait pas de couleur définie tant les tâches qui le maculaient prenaient toutes les nuances de jaune, marron et rouge. L’espace d’un instant, Ivory fut tentée de vouloir identifier les substances sur ledit tablier. Elle se ravisa. Pour certaines choses, il valait mieux rester dans l’ignorance. De toute manière, elle n’avait pas le temps de se préoccuper de ça. Son interlocuteur au visage cramoisi de colère la pointait du doigt d’un air accusateur, le visage transpirant et le souffle lourd.

« Vous en avez du toupet ! Et qu’est-ce que vous fichiez derrière la porte, d’abord ? Vous n’avez pas vu l’écriteau ? On est fermés !

Ivory ne se laissa pas démonter.

- Cliff Astazac, je vous prie.
- C’est pas ici ! Aboya le type.
- On m’a pourtant dit qu’il résidait ici.
- Ben on vous a mal renseigné, ma jolie. Et maintenant, fichez le camp ! Les honnêtes gens travaillent, vous savez !

Ivory laissa quelques secondes s’écouler avant de répondre, savourant l’instant. Puis, elle ouvrit les deux premiers boutons de sa redingote, juste assez pour laisser apercevoir le haut de sa blouse lie-de vin et l’insigne étincelant épinglé sur le tissu.

- Il se trouve que moi aussi je travaille, cher monsieur. Sourit-elle. Ne m’obligez pas à me répéter. Cliff Astazac.

Au regard effrayé que lui lança le gros au tablier, elle sut qu’elle avait gagné. C’était tout le pouvoir de l’insigne. Ivory n’en revenait toujours pas de constater à quel point un si petit bout de métal chromé parvenait à réduire le plus gueulard des molosses à un chiot penaud. L’homme déglutit, recula d’un pas. Sa voix perdit toute assurance lorsqu’il reprit la parole.

- Ecoutez… Je… Je ne veux aucun problème. Balbutia-il. Cliff a déménagé. Je peux vous donner son adresse. Mais… Vous fermerez les yeux… N’est-ce pas ? »

Ivory ne répondit pas. Face à ce genre de personne, son sourire était sa meilleure arme après son insigne, et son silence pesant valait toutes les menaces. L’homme sortit de la poche de son tablier un morceau de papier gras et y griffonna à la hâte quelques mots. La jeune femme le remercia et tourna les talons sans plus de considération. Elle héla une diligence non loin et donna le papier au cocher. Elle s’empressa ensuite d’essuyer ses mains dans une petite chiffonnette de soie.

Le trajet fut assez long. Du moins, c’était l’impression qu’en avait Ivory. Difficile de l’estimer précisément. La diligence s’arrêta dans un quartier isolé de Sonus Nova, un endroit malfamé où la jeune femme évitait soigneusement de mettre les pieds. Aujourd’hui, elle n’aurait pas le choix. Les rues étaient sales, l’air chargé d’une brume puante qui prenait à la gorge. Les habitations s’y entassaient les unes sur les autres et les fenêtres toujours fermées ne laissaient percer aucune lumière. On ne savait jamais si les habitants étaient présents, encore moins s’ils dormaient. Ivory pressa le pas. Plus vite elle en aurait fini avec cette mission de malheur, plus vite elle pourrait regagner le poste de police, son bureau bien rangé et ses tiroirs de dossiers classés par ordre alphabétique.

La jeune femme finit par s’arrêter devant une porte en bois vermoulu qui donnait l’impression de vouloir s’effondrer sur elle-même. Cela ne l’empêcha pas de toquer vigoureusement pour être certaine de se faire entendre. Moins d’une minute plus tard, un homme se tenait devant elle.

Ivory n’avait pas besoin qu’il se présente pour le reconnaître. Il ressemblait en tous points au portrait en noir et blanc qu’elle avait accroché dans son dossier. Mais c’était tout de même un sentiment étrange de le voir tout en couleur. Cliff Astazac avait les yeux marrons teintés de jaune. Ses cheveux longs noués en queue de cheval négligée, sa moustache et son bouc bien entretenus étaient roux. Il portait un costume légèrement froissé et un haut de forme sur lequel était fixée une impressionnante paire de lunettes rondes. Son sourire était enjoué, bien qu’un peu intrigué. Il ne s’attend pas à me voir, c’est certain. Ivory avait tenu à faire son enquête dans le plus grand secret. Elle salua Cliff d’un ton solennel.

« Monsieur Astazac, je me présente, Inspectrice Ivory Norell. Je suis mandatée par le Haut Préfet de Sonus Nova en personne.

Cliff pâlit. Il serra les poings, mais s’employa à garder un ton poli.

- Que puis-je faire pour vous, Inspectrice ?
Ivory fouilla les poches de sa redingote pour remettre à Cliff une enveloppe scellée par un sceau de cire rouge.
- J’ai ici un document qui m’autorise à perquisitionner votre domicile de fond en comble. Je suis venue pour cela.
- Une perquisition ? Mais enfin, pourquoi ? S’affola Cliff.
- Nous avons reçu des plaintes, monsieur Astazac. Plusieurs personnes vous accusent de cacher des artefacts anciens et illégaux. Le Haut Préfet souhaite vérifier que ces accusations sont fondées.
- Mais c’est ridicule ! Je n’ai pas...
- Et si vous me laissiez en juger par moi-même ?

La question d’Ivory resta en suspens. Cliff hésitait. La jeune femme voyait les tremblements de ses doigts qu’il tentait vainement de cacher. Elle devinait les rouages de son cerveau tourner à vive allure à l’intérieur de son crâne, évaluant ses options, cherchant la moindre échappatoire. Cliff la laissa pourtant entrer, plus raide qu’un tronc d’arbre.

- Après vous, Inspectrice. Murmura-t-il sombrement. »

Lorsqu’Ivory pénétra dans la pièce, une odeur forte de cannelle lui monta à la tête. Elle avait en horreur ces parfums bons marchés dont tout le monde se plaisait à asperger les murs de sa maison. Elle se força à ne pas en tenir compte pour atteindre au plus vite son objectif : la cave de Cliff. D’après les témoignages, c’est à cet endroit que se trouvaient les objets du délit. Ils étaient même assez précis, suffisamment pour que l’enquêtrice sache avec certitude où elle devait concentrer ses recherches. Elle descendit l’escalier de pierre, suivie de près par Cliff qui respirait lourdement dans son dos. Elle ne tarda pas à trouver ce qu’elle était venue chercher.

La cave était éclairée par de nombreux candélabres aux bougies dégoulinantes de cire. Là, sur des étagères fixées à même les murs de pierre, sur des tables recouvertes de nappes, dans des caisses de bois, se trouvaient des horloges. Il y en avait de toutes les tailles, des énormes, des moyennes, des petites. Certaines étaient en cuivre, d’autres en argent. Certaines avaient des aiguilles ornées de décoration, d’autres n’en avaient même plus. Ivory ne pouvait pas estimer le nombre exact de pendules qu’elle avait sous les yeux. Elle distinguait même parmi les horloges quelques sabliers, des montres à goussets, des cadrans solaires. L’inspectrice resta sans voix. Les témoignages avaient parlé d’une masse incroyable d’objets, mais ce qu’elle voyait dépassait tout.

Ce temps durant lequel elle resta immobile à contempler l’étendue du délit suffit à Cliff pour verrouiller la porte de la cave, les enfermant tous les deux. Ivory reprit ses esprits, mais trop tard. Elle se saisit du revolver accroché à sa ceinture.

« Monsieur Astazac, je vous ordonne de rouvrir cette porte ! »
- Je peux tout expliquer. Répondit-il simplement.

Cliff s’avança au centre de la pièce. Son expression était un mélange de résignation et de crainte.  Ivory le tint en respect.

- Il n’y a rien à expliquer, monsieur Astazac. Vous répondrez de vos crimes devant le Haut-Préfet. Je vous arrête pour possession et recel d’artefacts du temps !
- Je vous en prie, Inspectrice Norell. Ecoutez-moi ! Je promets de me rendre et de vous suivre sans opposer de résistance, mais je veux que vous m’écoutiez d’abord ! Nous courrons un grand danger. Depuis que le Haut Préfet a arrêté le temps et interdit tous les objets pouvant le mesurer, Sonus Nova n’a plus aucun sens ! Je veux seulement nous rendre notre passé glorieux. Posez votre arme, inspectrice. Je vous promets que je ne tenterai rien de stupide. »

(Et donc là en gros je voulais que Cliff se lance dans un récit qui explique que le temps à Sonus Nova est devenu illégal parce qu'il faisait trop de mal aux gens et les stressait trop. Donc le Haut Préfet a décidé qu'on ne parlerait ni ne mesurerait plus jamais le temps qui passe pour laisser les gens vivre leur vie sans stress, mais évidemment ça crée plein de problèmes. Voilà voilà ^^)

Rah, dommage qu'on ne connaisse pas son explication ! Ca sent bon l'ambiance steampunk, et ça, c'est grave ma came ! J'adorerais me trouver dans cette cave avec tous ces rouages et ces horloges <3

Génial ! J'ai tout de suite été embarquée dans ton univers et ton récit, j'avais l'impression d'être plongé dans un roman. Dommage que tu n'aies pas eu le temps de finir. Mais bravo à toi d'avoir déjà écrit autant en si peu de temps

lupinae a écrit:Rah, dommage qu'on ne connaisse pas son explication ! Ca sent bon l'ambiance steampunk, et ça, c'est grave ma came ! J'adorerais me trouver dans cette cave avec tous ces rouages et ces horloges <3

Merci beaucoup Oui c'est totalement l'ambiance que j'ai voulu créer, le thème m'a très vite fait penser au steampunk finalement et je me suis dit que c'était l'occasion rêvée d'en faire hors de mon premier jet ^^ Sans avoir trop développé l'idée, je voyais Cliff comme une sorte de collectionneur obsédée par la réparation des horloges pour en trouver une qui remet le temps en place. C'est sans doute ce qu'il aurait expliqué à Ivory si j'avais mieux géré mon temps

Azulys a écrit:Génial ! J'ai tout de suite été embarquée dans ton univers et ton récit, j'avais l'impression d'être plongé dans un roman. Dommage que tu n'aies pas eu le temps de finir. Mais bravo à toi d'avoir déjà écrit autant en si peu de temps

Merci à toi d'avoir pris le temps de me lire ton message me touche beaucoup <3 Contente que ça t'ait plu

J'ai adoré ton texte ! L'univers a l'air super intéressant et la fin est arrivée trop vite à mon goût, j'ai envie d'en savoir plus ! xD Comment font-ils pour vivre dans une société où le temps n'est plus mesuré ? J'imagine que ça doit poser pas mal de soucis ^^"
En tout cas j'ai beaucoup aimé la façon dont tu as traité le thème et l'ambiance un peu steampunk qui se dégage de ton texte !
Pour ce qui est du style, ta plume est fluide et très agréable à lire, les phrases s'enchaînent toutes seules ! Et bravo pour avoir réussi à écrire autant en si peu de temps !

Bravo pour ce texte !!
J'aime ta manière de caractériser les personnages, en un rien de temps on se les représente bien.
Ta plume nous porte et on a bien envie d'en lire plus, ce sera super efficace dans un roman ;-)

J'adore ton histoire ! L'ambiance est super intéressante, Ivory a l'air d'avoir une sacrée personnalité. Je me demande quel camp elle finirait par choisir, celui de Cliff ou celui du Haut-Préfet... Je l'imagine bien se rebeller contre sa hiérarchie
Ta plume est toujours aussi agréable à lire
Bravo à toi !

Merci à vous trois

@MarieDraws25 Alors j'avoue qu'en 1h30 je n'ai pas vraiment creusé l'idée d'une société qui fonctionne sans temps mesuré. Il doit y avoir un nombre monstre de problèmes à pointer du doigt, là comme ça j'aurais sans doute mis l'accent sur le fait que les gens travaillent jusqu'à l'épuisement vu qu'aucune heure ne leur dit quand s'arrêter, tout le monde marche à l'envie donc pas moyen d'organiser quoi que ce soit. Évidemment faudrait trouver des moyens de compenser tout ça pour avoir une société qui fonctionne mais je ne suis pas allée jusque là

@misstic, merci ça me touche beaucoup J'ai tellement peur d'ennuyer avec mes longues phrases parfois contente que ça se lise bien. Y'a plus qu'à finir un roman maintenant (facile)

@Marie_jda : Probablement celui de Cliff j'aurais tendance à mettre Ivory de ce côté spontanément Mais dans un vrai roman travaillé, je pense que j'aurais donné un espèce de côté louche à Cliff pour ne pas le transformer en gentil héros qui veut seulement sauver le monde x) J'aime bien quand les gens ont un côté sombre et des motivations cachées Merci beaucoup d'être passée me lire

Bravo pour ton texte, il est super chouette et se lit vraiment tout seul ! C'est rythmé, on prend plaisir à suivre l'héroïne et à découvrir l'univers. En plus, l'histoire a l'air chouette.
Juste deux trucs :
J'ai l'impression que ta narration se mélange dans l'ordre des actions à un moment : "Ivory laissa quelques secondes s’écouler avant de répondre, savourant l’instant. Puis, elle ouvrit les deux premiers boutons de sa redingote," [et ensuite dialogue alors qu'il est dit qu'elle répond avant d'ouvrir son manteau]
Et aussi, je trouve bizarre qu'elle ait reçu des plaintes sur le gars, en particulier sur sa cave, mais qu'elle n'ait pas son adresse.
A part ça, bravo à toi !

Merci beaucoup Christelle J'ai regardé le Replay d'hier pour avoir tes commentaires ^^ Je n'avais absolument pas remarqué cette accumulation de sourires dans le texte maintenant je ne vois que ça xD Pour le coup de l'adresse, oui c'est peut-être un peu flou. En fait je pensais ça parce que du coup il y aurait eu des plaintes sur Cliff donc il aurait déménagé précipitamment mais du coup oui j'aurais peut-être dû l'expliquer ou le tourner autrement. Et avec le temps je n'ai pas trop relu donc oui il y a ce problème de mélange des actions. Mais vraiment contente que le texte t'ait plu j'ai beaucoup apprécié ton retour. Merci