Atelier 30 01 2022 - Sortilège

Tenaillé par la faim, le chasseur avait décidé de passer la nuit dans son affût pour se donner toutes les chances de ramener du gibier. À l’aube, le fusil chargé sur les genoux, il avait aperçu la bête fabuleuse aux bois disproportionnés. Sur son front, une pierre rouge irréelle étincelait. Il avait pourtant tiré, aveuglé par le soleil naissant.
Le lendemain, l’homme s’était réveillé le corps douloureux, le front scié par une migraine tenace. Il avait ouvert une boite de boeuf en conserve qu’il avait arrosé d’une pinte de café noir. Après quelques minutes, il avait rendu son repas et se gavait de fruits secs dont il broyait les coquilles entre ses paumes dures comme de la corne. Un matin, recroquevillé sur le sol de la cabane, il avait découvert ses pieds couverts de boue et d’égratignures. Le jour suivant, il avait bu un verre d’eau salée avec gourmandise. Après un long silence inquiétant, un voisin lui avait rendu visite. Il l’avait trouvé nu, à quatre pattes dans son potager, dégustant les feuilles persistantes des fruitiers. Alors qu’il l’appelait par son nom, l’homme s’était enfui dans les bois où, malgré les recherches par la population locale et les services de secours, il ne fut jamais retrouvé. Aujourd’hui encore, le voisin qui avait alerté la police jure que le disparu portait des cornes de cerf et une curieuse pierre rouge au milieu du font.

Le chasseur de primes tenait le médaillon dans le creux de sa main. La jeune fille sur le portrait le fixait d’un air sage. Il avait suivi sa piste jusqu’à un tunnel dans lequel il avait rampé en pestant contre les fugueuses et les gouvernantes négligentes, avant de tomber dans une rivière et d’être entraîné dans les entrailles de la terre par un siphon.
Affamé, il avait troqué son chapeau contre des huîtres avec un morse bavard. Le lendemain, il avait attrapé un lapin blanc pour son souper. Cette Alice ne lui échappera pas, il ne rentrera pas sans elle.