La painpauté
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ChristopherLit
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Atelier 30/01/2022 - Selon vos désirs Empty Atelier 30/01/2022 - Selon vos désirs

Dim 30 Jan - 16:01
Selon vos désirs




« Berthier, vous êtes viré !
– Mais enfin, Monsieur, pourquoi ? »

Les fenêtres de l’usine tremblaient à l’annonce de M. Durand. C’était une habitude pour les ouvriers désormais. Il ne se passait pas une semaine sans que trois, voire quatre ouvriers soient renvoyés.

« Vous ne faites pas ce qu’on vous demande, répondit-il, froidement.
– Mais les cadences sont intenables, nous sommes tous éreintés, notre santé est ruinée…
– S’il y en a qui se plaignent, ils n’ont qu’à déposer leur établi ! Vous savez combien de gens voudraient travailler à votre place ? Si vous n’êtes pas capable de faire ce que je dis, quand je le dis, tant pis pour vous ! »

M. Durand avait raison. Il ne manquait pas de demandes d’emploi, la conjoncture jouait complètement en sa faveur. Et sa méthode de recrutement était simple. Soit on respectait ses exigences, soit il cherchait d’autres personnes plus… volontaires. Et avec sa position, personne n’osait vraiment s’opposer à lui. Il impose, il récupère les bénéfices, il fait vivre son entreprise, et ses employés, et se prépare une belle retraite bien méritée, peut-être dans une villa, près d’un village tranquille, avec un petit bal hebdomadaire, où il pourrait chanter. Il aimait ça, chanter.

« Alors, qu’est-ce que vous attendez Berthier, qu’il fasse beau dehors ? Vous êtes vi-ré !
– Vous n’aimez pas beaucoup vous faire contredire, n’est-ce pas M. Durand ? soupira Berthier, dans un calme qui décontenança M. Durand.
– C’est une menace ?
– Disons, une constatation. Vous exigez, on exécute, en somme.
– Voilà, donc je vous demande de partir, et c’est la dernière fois. Cherchez une autre boîte pour paresser. Adieu.
– Au revoir, M. Durand. Ne vous inquiétez pas, à partir de maintenant, tout sera fait selon vos désirs. »

Berthier marmonna quelque chose en se dirigeant vers la porte. M. Durand sentit une légère brise traverser son bureau et un frisson parcourut son échine. Bizarre, toutes les fenêtres sont fermées. De même pour la porte.

« Insupportable, ce problème d’isolation ! marmonna-t-il. Il faudra faire changer les fenêtres au plus vite, ou je ne passerai pas l’hiver dans ce bureau ! »

Berthier souriait. Oui, M. Durand était sûr de l’avoir vu esquisser un sourire.

« Et ça vous fait rire ? s’irrita-t-il.
– Oh, vous n’imaginez pas à quel point !
– Disparaissez ! Et si c’est une menace, ne vous en faites pas ! Je vous poursuivrai ! »

Berthier claqua la porte sans un mot, tandis que M. Durand se leva. Que voulait dire ce tire au flanc ? Il fallait qu’il le sache. Il se précipita vers la porte et l’ouvrit brusquement.

« Berthier !… Berthier ? »

Comment avait-il fait pour partir aussi vite ? Du bureau jusqu’à la sortie de l’usine, il fallait au courir un certain temps. C’était impossible qu’il sorte aussi rapidement ! Il se dirigea vers ses ouvriers :

« Vous n’avez pas vu Berthier ? hurla-t-il à tous les ouvriers.
– Non, il ne vient pas de partir ? demanda Guérin, l’ouvrier le plus proche.
– Si mais je ne pensais pas qu’il aurait été aussi rapide ! Trouvez-le moi ! »

L’ouvrier lui obéit immédiatement et se dirigea vers la sortie.

« Qu’est-ce que tu fais ? demanda M. Durand.
– Je pars à sa recherche comme vous me l’avez demandé ! Pourquoi ?
– Il ne peut pas être déjà dehors, il est forcément caché ici ! Cherche plutôt ici !
– Bien Monsieur ! »

Cependant, il n’arrivait pas se l’expliquer, mais son instinct lui disait que Berthier pouvait peut-être avoir déjà quitté l’usine. Il se précipita vers la sortie, non sans interpeler Chambier, un autre ouvrier.

« Plus vite ! À force de traîner ça n’avancera jamais ! Tu veux garder ton emploi non ? »

À sa grande surprise, Chambier s’exécuta immédiatement. Finalement, sa politique de gestion de son équipe fonctionnait du tonnerre sur certains ! Il ne l’avait pas vu travailler aussi vite depuis qu’il l’a embauché, il y a deux semaines ! Mais il y avait plus important maintenant pour M. Durand. Où était passé ce maudit Berthier ?

Il passa au moins une bonne heure à le chercher dans tout le quartier. Sa voiture était encore là, il devait toujours être dans le coin, à se lamenter de ne plus avoir de travail. Mais il était introuvable. Il avait essayé de le trouver près du port… pas là. Près de la gare… pas là non plus. Dans l’entrepôt… encore et toujours pas là ! Fatigué de marcher dans les environs, il se résigna.

« C’est bon, j’abandonne, je ne vais pas me casser le dos pour un type comme lui ! »

En rentrant, il vit Chambier, toujours actif, et inarrêtable.

« C’est bien Chambier ! Voilà, ça c’est ce que j’attends de mes gars ! Tu vois Fernand, tu ferais bien de prendre exemple sur lui ! »

Fernand s’exécuta immédiatement. C’était assez gratifiant de voir que sa méthode portait enfin ses fruits. Mais quelque chose l’irrita bien vite.

« Guérin ? Qu’est-ce que tu fais sous la presse ?
– Eh bien, Monsieur ! Je fais ce que je peux pour trouver Berthier !
– Et tu ne fais que ça depuis une heure ?
– Euh… vous me l’avez bien demandé !
– Mais vous vous moquez de moi, ici, ou quoi ? »

Un rire général couvrit le bruit des machines.

« Je ne vous comprendrai jamais ! Le travail, c’est être efficace, ce n’est pas rester toujours à la même tâche, ad vitam aeternam ! Alors autant Chambier et Fernand, ils s’améliorent, mais à côté, vous me faites des choses impossibles. Vraiment, vous allez finir par me tuer ! »

Soudainement, le martèlement des outils s’atténua. Seul, le bruit des machines donnait l’impression qu’il y avait encore de la vie dans cette usine. Mais à cette vie, mécanique, s’installait une ambiance de mort. M. Durand réalisa que tous les ouvriers avaient arrêté, un outil à la main, tous tournés vers lui. Une clef de douze menaçante, un maillet implacable, une scie intraitable… tout semblait dirigé vers lui, prêt à le charcuter, l’écrabouiller, le briser.

« Mais enfin, vous êtes malades ? » s’exclama M. Durand, qui lentement reculait vers la sortie.

Ils avaient l’air en effet mal en point, le teint livide. Il était temps de fuir. M. Durand se précipita vers sa voiture, les ouvriers à ses trousses. Il démarra et rentra le plus vite possible chez lui.

« Ne passez pas au rouge ! » hurla-t-il dans sa voiture.

Et il fut chanceux, le trafic joua en sa faveur. Il était tranquille chez lui.

« Déjà de retour ? demanda Mme Durand.
– Oui, un contretemps. Donne moi le bottin, s’il-te-plaît.
– Tout de suite. »

Sans un merci, il prit l’annuaire, et le feuilleta. Il fallait qu’il retrouve le numéro de Berthier. Il le retrouva très vite et s’empara du téléphone. Il fallait absolument que Berthier soit chez lui, pour qu’il comprenne ce qui était arrivé.

« Berthier, j’écoute ?
– Dites-moi ce qui se passe !
– Ah, M. Durand ! Vous n’êtes pas content ? Vos employés vous obéissent au doigt et à l’oeil pourtant.
– Ne vous moquez pas de moi ! Dites-moi ce qui se passe.
– Comme je vous l’ai dit. Vous exigez, et on exécute, c’est bien ce que vous voulez dans la vie, n’est-ce pas ?
– Vous voulez, dire, que mes ouvriers veulent me tuer ?
– Ah oui, c’est fâcheux. Disons qu’apparemment, vous ne savez pas bien choisir vos mots.
– Alors je vais bien les choisir cette fois-ci. Quoi que vous m’ayez fait, vous allez immédiatement me retirer votre sortilège ! Je crois que vous êtes allé assez loin !
– Si vous croyez que ça marche comme ça sur celui qui vous a ensorcelé, vous prenez vos rêves pour des réalités. Ah, mais ne serait-ce pas déjà ce que vous êtes en train de faire ?
– Qu’est-ce que vous avez l’intention de faire alors ? De me faire chanter ?
– Ah, c’est ce que vous souhaitez ? »

M. Durand réalisa son erreur.

« Attendez, je ne voulais pas vraiment dire... »

Mais Berthier avait raccroché. Son épouse se précipita vers la sortie.

« Mais enfin, chéri ! Qu’attends-tu ? On va être en retard !
– Mais… en retard pour quoi ?
– Pour ton concert ! Ça fait des semaines que tu en parles ! »

Puis, devant l’air ahuri de son époux, elle s’impatienta :

« Mais enfin ! Aznavour ! Oh, et puis j’ai pas le temps de jouer avec toi, dépêche-toi ! J’ai trop hâte de te voir réinterpréter ses grands titres. ‘Désormais’, ‘Emmenez-moi’… »

M. Durand blémit.





Dernière édition par ChristopherLit le Dim 30 Jan - 16:28, édité 3 fois

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Ecrivain_escargot
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Atelier 30/01/2022 - Selon vos désirs Empty Re: Atelier 30/01/2022 - Selon vos désirs

Dim 30 Jan - 16:13
Excellent !! J'ai adoré ma lecture Christopher ^^

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Daikitumichi
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Dim 30 Jan - 17:32
Waaah, j'ai adoré ! Le rythme de l'histoire était fou, j'avais vraiment l'impression d'être poursuivie à la place de M. Durand xD Et la fin, eh bah... CHEH ! Quoique c'est trop gentil à mon goût, j'aurais vraiment préféré qu'il finisse écharpé Twisted Evil

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Rosario_gnd
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Atelier 30/01/2022 - Selon vos désirs Empty Re: Atelier 30/01/2022 - Selon vos désirs

Dim 30 Jan - 17:45
J'adore la chute ! ^^

Ça se lit rapidement et c'est drôlement efficace Wink

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Sayuri.K
Sayuri.K
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Atelier 30/01/2022 - Selon vos désirs Empty Re: Atelier 30/01/2022 - Selon vos désirs

Dim 30 Jan - 20:41
Eh bien je commence ma découverte des textes de l'atelier d'aujourd'hui avec toi et franchement j'ai bien aimé 😄 Ça se lit super bien, j'ai bien rigolé en imaginant Durand courir dans tous les sens pour retrouver son employé ^^ Attention à ce qu'on souhaite, car on risque bien de l'obtenir c'est ce que j'avais en tête tout le long 🤗 Merci pour le partage, c'était chouette !

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ChristopherLit
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Atelier 30/01/2022 - Selon vos désirs Empty Re: Atelier 30/01/2022 - Selon vos désirs

Lun 31 Jan - 8:52
Merciiiii, pour tous vos retours Atelier 30/01/2022 - Selon vos désirs 1f60a . Y a pas mal de choses que je voulais rajouter, mais le temps manquait, je vais peut-être compléter l'histoire. Pas aujourd'hui finalement, mais une autre fois !

Daikitumichi aime ce message

MarieDraws25
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Atelier 30/01/2022 - Selon vos désirs Empty Re: Atelier 30/01/2022 - Selon vos désirs

Lun 31 Jan - 20:07
J'ai beaucoup aimé ! On rentre vite dans le récit et ça se lit super bien ! Bravo ! C'est bien fait pour M. Durand mais j'avais quand même un peu de peine pour lui à la fin même si tout ce qui lui arrive reste très drôle ! Ça lui apprendra à choisir ses mots avec plus de précaution ! xD
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