Atelier 17/10/2021 - Ne sors pas la nuit !

Pas évident d’être discrète la nuit quand sa peau luit comme une luciole… Pourquoi l’avait-il retenu si tard ? Alors que son patron savait très bien ce qu’elle risquait si elle était vue dans l’obscurité. Stella soupira. C’était un challenge de plus, mais un challenge qui s’avérait compliqué.

Elle regarda dans la taverne ce qui pourrait l’aider. Sur une chaise, une cape laissée par un client. Elle sentait la bière et la pluie. Ça aurait pu être pire, se dit Stella. Elle l’enfila, encore humide. Les manches étaient beaucoup trop longues, la capuche cachait presque entièrement son visage et la partie inférieure traînait par terre. Une lanterne était posée sur le bar, mais elle ne préféra pas la prendre. Moins elle serait visible, mieux ce serait. Elle passa par la cuisine pour attacher un couteau à sa ceinture, ça pourrait lui être utile.

Elle prit soin d’éteindre toutes les lumières de la taverne avant de se glisser dehors. Ça y est, elle était sortie. Une boule se forma dans son estomac. Peut-être devrait-elle rester dormir ici ? Mais qui s’occuperait de Ris cette nuit ? Allez, elle inspira un grand coup pour se donner du courage et avança d’un pas pressé. Une main relevant sa capuche juste assez pour dévoiler ses yeux, une autre pour relever le bas de la cape.

Il pleuvait, les pavés de la rue étaient glissants. Stella regrettait déjà de ne pas avoir pris la lanterne. Elle n’y voyait rien, distinguait à peine les murs des bâtiments devant elle. Elle percevait seulement sa propre lumière émanant de son visage. Cette dernière empêchait à ses pupilles de s’adapter à l’obscurité. Etant presque aveugle sous une pluie battante, elle ralentit le pas. Il ne valait mieux pas tomber ou se cogner, le bruit les attirait également. Son cœur s’emballa quand elle entendit un grondement. Ici, depuis bien longtemps, les grondements ne faisaient plus penser à l’orage. Elle se couvrit totalement le visage, s’immobilisa et arrêta de respirer. Elle écoutait. Le son de la pluie fouettant les pavés ne l’aidait pas. Elle attendit jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus retenir son souffle. Aucun autre grondement ne se fit entendre. Fausse alerte. Elle reprit sa route d’un pas un peu plus pressé, tant pis pour les pavés glissants, pourvu qu’elle arrive le plus vite possible chez elle.

Dans la précipitation du moment, elle avançait machinalement et ne réfléchissait plus vraiment. Elle étendait ses bras devant elle afin d’éviter les murs. Son souffle devint plus saccadé. Elle ne savait plus si elle était mouillée de pluie ou de sueur. Autour d’elle, l’obscurité était totale. Les rues étaient méconnaissables. Allait-elle dans la bonne direction ? Elle n’en était plus vraiment certaine. Elle passa à côté de ce qui lui semblait être des arbres. « La rangée de chêne » se dit-elle. « Je ne suis plus très loin. ».

Désormais certaine d’être sur le bon chemin, elle accéléra de nouveau le pas. La pluie avait cessé, mais le sol semblait encore plus glissant ici. Le temps de se rendre compte qu’il était jonché de feuilles mortes humides, elle dégringola par terre et heurta violemment les pavés sur la jonction entre le fémur et le fessier. Elle voulut se relever, mais la douleur l’en empêchait. Elle commandait à son corps de bouger, mais celui-ci refusait. « Non, ça ne peut pas être possible, pas ici. » pensa-t-elle. Dans sa chute, sa capuche était tombée, découvrant son lumineux visage. Mais elle s’en fichait, serrant les dents de douleur.

C’est alors qu’un grondement se fit entendre. Stella écarquilla les yeux. Elle se croyait dans un cauchemar, elle ne pouvait croire que c’était la réalité. Est-ce que tout le monde ressentait ça avant de mourir ? L’obscurité se fit encore plus épaisse. Une odeur de brûlé arriva jusqu’à ses narines. Quelque chose de difforme se rapprochait. Elle ordonna une dernière fois à son corps de bouger, mais il refusa, elle se mit à ramper, attrapant du bout des doigts les pavés pour se tirer vers l’avant. Mais les grondements derrière elle lui faisaient comprendre que la créature avançait plus vite qu’elle. Elle sentit enfin un souffle froid tout proche d’elle, mais n’eut pas le courage de se retourner. Elle ferma les yeux  et se recroquevilla sur elle-même, s’avouant vaincue. Elle entendit un bruit énorme, sentit plusieurs coups de vent dans son dos, sa cape lui fut violemment arrachée, manquant de l’étrangler. Le mouvement la fit pivoter sur elle-même dans un cri de douleur. Quand elle ouvrit les yeux, une forme humanoïde se tenait à côté des chênes. Stella put voir clairement son reflet dans ce qui semblait être la lame d’une faux. La Mort était-elle venue la chercher ? Les légendes étaient alors vraies ? La personne face à elle l’attrapa et la porta comme un sac à patate. En moins de deux, elles étaient arrivées chez Stella et Ris allait bien. La jeune femme fut soulagée et serra son enfant dans les bras. Puis, elle put enfin voir le visage de sa sauveuse : Charonne, une des guerrières du village.