Atelier du 17 octobre L'homme dans la rue

Je pensais que cette soirée serait la meilleure de toute ma vie. Je m’étais trompée.

Je devais aller au concert de mon chanteur favori. Cela faisait des mois que j’attendais ce jour. D’autant que je n’aurais jamais pensé qu’il ferait un concert dans une ville aussi paumé que la mienne. Alors naturellement, j’étais persuadée que rien ne pouvait gâcher cette soirée.

Seulement, je venais de rater le dernier bus. Mes parents ne pouvaient pas m’y emmener car ils profitaient de mon absence pour un diner en amoureux au restaurant.

Je n’avais donc pas le choix d’y aller en courant et prier pour arriver à l’heure.

En vérité, si je devais être honnête avec moi-même, je n’avais aucune chance. Le concert démarrait dans moins d’une heure et c’était impossible pour moi d’arriver dans les temps. D’autant plus que je n’étais pas sportive ; j’allais sûrement m’écrouler en chemin.

Mais je m’en fichais. Je voulais plus que tout au monde aller à ce concert alors hors de question d’abandonner sans avoir fait mon maximum.

J’inspirai avant de me lancer dans ma course à pleine vitesse.

Il ne me fallut pas plus de dix minutes pour être essoufflée. Mes poumons me brûlaient déjà et mes jambes me soulevaient à peine.

Ce fut donc sans surprise que mes pieds s'emmêlèrent dans je ne savais quoi, ce qui me fit m’étaler de tout mon long. Je restais à terre ; je n’avais pas la force de me relever.

Un rire résonna dans mes oreilles. Je me redressai d’un coup. Et regrettai après avoir subi un vertige.

Je me mis en position assise et observai les alentours. Il n’y avait personne. Pourtant, j’étais sûre d’avoir entendu un rire tout près. C’était impossible que la personne en question fut cachée, les lampadaires éclairaient si bien qu’on y voyait comme en plein jour. A la seul différence que les lumières étaient jaunes.

Comme pour me contredire, les lampadaires choisirent ce moment précis pour grésiller. Les plus loins de moi s’éteignirent, ce qui me mettait en valeur. J'appréciais le fait d’être le centre de l’attention, mais actuellement… c’était trop étrange.

Je me relevai. Avec une telle obscurité, je ne pouvais pas continuer mon chemin sans trébucher toutes les deux secondes. Je pouvais définitivement dire adieu à mon rêve.

D’autres lampadaires s’éteignirent. Je me recroquevillai sur moi-même. Oh non, je n’aurais jamais dû partir ! Je me retrouvai seule, à moitié dans le noir et je n’osai pas rentrer chez moi par peur de me tromper de chemin.

— Tu as besoin d’aide ? fit une voix d’homme.

Je sursautai et me tournai vivement. Un homme qui semblait avoir la vingtaine émergea de l’obscurité. Il souriait avec une telle douceur que je rougis.

— J’espère que je ne t’ai pas fait peur. Tu as l’air perdu, je me trompe ?

— Un peu, je l’avoue. Les lampadaires se sont éteints et j’ai peur de me tromper de chemin en rentrant chez moi…

— Je comprends. Je ne peux pas t’aider à rentrer chez toi, mais il y un hôtel à quelques rues. Je peux te payer une chambre.

Je fronçai les sourcils. Mes parents m’avaient toujours appris à me méfier des inconnus. Et sa proposition ne m’inspirai pas confiance. Après tout, pourquoi m’aiderait-il ?

— J’imagine qu’il y a une condition…

— Plus ou moins.

J’eus un mouvement de recul. L'homme avait gardé son sourire. Il fourra sa main dans sa poche intérieur et sortit un objet que je ne vis pas à cause de l’obscurité.

— Dis moi seulement ce que tu en penses. Si ta réponse me convient, je te paierais l’hôtel. Sans rien d’autre, promis.

Je fronçai à nouveau les sourcils alors qu’il tendit le bras pour me permettre de voir l’objet. Mon sang se glaça. C’était un couteau.

— Qu’est-ce que… tu fais avec ça ?

— Ne t’en fais pas, il ne te fera pas de mal si tu n’en penses pas mal. C’est mon ami. Et le seul. Tu sais, à chaque fois que je le montre à quelqu’un, ça finit en hurlement et effusion de sang… Personne ne m’accepte…

Je reculai à nouveau. Il baissa la tête et le bras, l’air déçu.

— Tu as peur de lui ?

— Non ! Non pas du tout ! J’étais… j’étais surprise ! C’est t-tout !

Je décidai de rentrer dans son jeu, malgré mon piètre jeu d’acteur. Mais je ne voulais pas savoir ce qu’il me ferait si je le contrariais.

Il releva la tête et son regard s’illumina.

— Vraiment ? Il est beau pas vrai ? Tu veux le toucher ?

— O-oui ! Oui ! Il… Il est beau ! Beaucoup trop beau pour que… qu’une personne comme moi puisse le… le toucher !

Je cachais mes mains tremblantes dans mon dos. Je priai intérieurement pour que cela fut suffisant pour le convaincre.

Son sourire s’agrandit.

— Pas besoin d’être aussi modeste ! Mais je ne vais pas te forcer… Suis moi ! Je t’emmène à l’hôtel !

Il passa à côté de moi en trottinant. Je retins ma respiration, prête à contrer une attaque. Mais il me dépassa sans rien faire. Je le suivis, toujours méfiante.

Comme promis, il m’amena à l’hôtel et paya. Puis, sans un mot de plus, il partît.

Dès que je franchis la porte de ma chambre, je me laissai tomber contre celle-ci et pleurai. Je ne savais pas comment je m’en étais sorti. Cependant, j’avais retenu une chose, plus jamais je ne comptais me balader seule en pleine nuit.