Le monde des autres

Les étoiles ont quitté le ciel. Quelle heure est-il ? Les ondes célestes ne m'ont pas rendu visite aujourd'hui. Tout est trop bruyant. Mon lit tangue au rythme du tambourinement. Il est dans ma tête. Il s’amplifie. Il est incessant.

Boom
Boom
BOOM

J'ai la bouche pâteuse. Il fait trop chaud. Je ne peux rien répondre aux monstres qui peuplent mes cauchemars. Ils ont envahi mon monde à présent. Le vrai, celui qui tire sur les muscles et abîme l'esprit. Ils ne partiront plus jamais.

- Qu'est-ce que c'est ?
- Ouvrez la porte Monsieur, c'est la police !

Je les entends derrière la porte qui vocifèrent. Des grognements d'animaux. Leurs ongles grinçants glissent jusque sous ma porte. Toute la hargne déversée s'accroche aux murs, écaille la peinture. Ils vont tout souiller. La lumière n'envahira plus jamais ma chambre. C'est fini à présent, l'eau a croupi et les fleurs ont fané. L'odeur putride qu'ils ont amenée avec eux est la mienne désormais. Une odeur de mort. Il faut que j’enlève mes vêtements avant qu'ils ne me tachent la peau.

Ils ont fini par entrer. Mon refuge est à leur merci. Qu'importe à présent, tout était déjà corrompu. Les meubles renversés se changent en poussière sur leur passage. Pourquoi s'acharner ? Tout s'est déjà envolé de toute façon.

Ils portent le mouchoir au nez. De ce geste, ils me reprochent leur propre puanteur. Leurs corps se faufilent sous mon lit, entre les lattes du parquet, dans les fibres de mes vêtements. Le plus grand me pose tout un tas de questions. Sa voix est étrange. Les mots de ses phrases s’entremêlent, perdent leurs sens. Il ne parle plus le même langage que moi. Son bras qui me maintenait au sol s'est atrophié. Les murs sont au sol à présent. Le ciel est devenu gris. Le cri des hommes s'est tinté de métal et leur peau s'est changée en granit. Une bouillie de cendres s'infiltre jusque dans mes yeux. Il fait si froid.

Les ombres prennent de plus en plus de place. Elles se sont installées aux endroits qui me tenaient autrefois à cœur. Ceux qui étaient beaux et sentaient la lavande. À quoi ressemblaient-ils déjà ? Tout cela est si lointain, plus personne ne doit s'en souvenir à présent. Fait-il déjà nuit ? Il serait déjà temps que j'aille m'endormir. Ils ne me laissent pas m'extirper. Aussi informe sont-ils devenus, il y a toujours un sens à leurs mouvements. Précis. Il suffirait que je ferme les yeux pour que tout disparaisse. C'est si simple. Mais si à mon réveil il n'y avait plus rien ? Qui pourrais-je questionner ? Ma mère peut-être ? Oui, c'est sûr. Elle, en tout temps, a toujours gardé sur elle les précieux souvenirs que je couchais sur sa peau. À mon réveil, elle me rendra tout ce qu'ils m'ont pris. Et les ondes célestes reviendront de nouveau virevolter sur mes fenêtres.

Le ciel se met en mouvement. Que se passe-t-il ? Il se repli sur soi-même, se teintant de rose. La terre tremble et le sol s’affaisse. Les colosses s’alignent face à moi, me privant des rayons de soleil naissants. Comment la lumière est-elle parvenue jusqu'à nous ? Maman ? Elle est là, entre eux, magnifique dans son voile astral. Immobile, comme à son habitude, le regard bas et les jambes ballantes. Le grondement du tonnerre me perce les tympans.

- Pourquoi es-tu avec eux ? Reviens-moi !

Ils veulent me l'enlever ! Je me souviens du placard. Celui où nous nous enlacions. Notre cocon d'amour. Et ça, qu'en ont-ils fait ? Laissez-la donc, monstres ! Il n'y a plus rien à prendre. Elle est parfaite, je m'en suis assuré. Elle n'avait plus besoin d'autre chose que mon amour, alors je l'ai délesté de sa mobilité. Son souffle aussi était devenu superflu. Tout était parfait. Elle a fait de moi un homme, j'ai fait d'elle ma femme. Toutes les nuits, dans les grincements langoureux de notre armoire, à se salir l'un de l'autre. S'ils l’emmènent, elle se détériorera. Ils vont la casser. Il n'y a qu'avec moi qu'elle soit heureuse. Ne partez pas ! Restez ! Qu'adviendra-t-il si elle n'est pas là à mon réveil ? Où partiront nos souvenirs ? Notre amour ? Que restera-t-il ?

Le sommeil me gagne. Les secousses ont cessé. Tout était pourtant si doux.

Je t'aime

Wouaaaaah... Ce texte est ouf ! Mais alors, c'est d'un glauque ! Là, je crois effectivement que tu t'es surpassé !   

Pour l'émotion, je suppose que c'est le dégoût, car tout y correspond, du champ lexical (ultra bien maîtrisé d'ailleurs, bravo !) au sujet même (et surtout à ce dernier paragraphe). Maintenant, j'ai juste un tout petit doute avec la peur, sentiment que je crois percevoir un peu chez ton personnage. Mais le dégoût me paraîtrait tellement plus logique !

J'ai juste relevé une petite erreur : "Il se repli sur soi-même" au lieu de "Il se replie sur lui-même'', mais c'est vraiment pour chipoter.

Pour le reste, bravo pour ce texte ! Même s'il est effectivement archi malsain !  

Wow, je ne m'attendais pas du tout à ça! J'ai été un peu paumée au début, j'avoue je me suis dit que le héros planait un peu. Mais après oui, tu comprends assez vite ce qui se passe et ça devient très glauque, moi j'aime beaucoup Par contre, je ne peux définir une seule émotion prédominante. On pourrait dire le dégoût par rapport à ce qui se passe, mais si tu prends le point de vue du personnage j'irai plus sur la peur vu qu'il voit les flics comme des monstres et qu'il a peur qu'on lui enlève sa... Dulcinée, dirons-nous x) Très original en tout cas, bravo à toi!

C'était pas mal du tout ! Plutôt bien écrit. En effet la fin est glauque ! Au début j'ai cru que j'avais mal compris et finalement en lisant les commentaires non
Pour l'émotion je dirais aussi le dégoût. Même si la fin laisse un doute avec la colère...

Félicitations, tu as écrit un beau texte  

Waouh! Bravo pour ton texte. Il m'a un peu déstabilisée mais dès la première lecture il m'a plu, à la deuxième lecture j'ai un peu mieux compris. Mais j'adore la manière dont tu as écrit ce texte, il m'a touchée. Beaucoup d'émotion, en tout cas, merci beaucoup.

Très beau texte ! J'ai vomi à la fin. C'est un compliment =D

Merci beaucoup pour vos retours, ca fait chaud au cœur.
En effet, l'émotion est le dégout, j'avais un peu peur de la survoler d'ailleurs, du coup j'ai rajouter un peu de "sale" à la fin pour bien marqué le coup. Tant mieux si vous l'avez décelé

@Céhah Cette phrase sonnait mal et je trouvais pas ce qui clochait, t'as mis le doigts dessus c'est exactement ca ! Merci

@FunkyToc C'est pile poil l'émotion, parfait  

J'ai dû le lire deux fois, et je suis pas encore sûre d'avoir tout compris
Je suis d'accord avec Sayuri, pour moi le personnage ressent de la peur, mais ce texte inspire le dégoût ! En revanche il est très bien écrit, bravo à toi !

Wow c’est giiiiiga glauque, et j’ai étrangement eut beaucoup de plaisir à lire ton texte (ce qui m’inquiète pas mal par ailleurs)

J’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois sur certaines phrases, non pas parce que j’avais du mal à comprendre mais bien l’inverse (avec à noter comme réaction principale “Mais non. Mais noooon. Mais noooooooooon”)

Tu as réussi à transmettre le dégoût que ressent le personnage pour ces envahisseurs (avec un penchant peur sur la deuxième partie), et le truc marrant c’est qu’en tant que lecteur on se retrouve tout autant dégouté que ton personnage, mais absolument pas pour les même raison (et le titre retranscrit parfaitement ça)
Bravo à toi!

Je crois qu'on a le dégoût !
J'aime vraiment beaucoup, c'est glauque et malsain à souhait. On ressent bien la folie de ton protagoniste et à quel point il est psychiquement dérangé !
Bravo pour ton texte.