- Radus
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Date d'inscription : 08/03/2023
2124 - Atelier du 29/01
Mer 8 Mar - 0:25
Bonsoir à tous,
Je suis passé sur un stream béta-lecture des textes de cet atelier, et je me suis dit que j'allais m'y essayer aussi !^^
L'image "forestière" m'inspirait bien, et je me suis retrouvé avec ce qui suit après 1h40.
Je suis bien sûr preneur de vos avis et retours, cela fait un moment que je n'ai pas écrit de fiction !
Nick arriva au chemin menant au Domaine Ashcroft en un temps qui lui sembla étonnamment court pour une distance parcourue d’environ deux kilomètres. Il fit aller le faisceau de sa lampe sur ledit chemin, qu’il pourrait rejoindre après avoir traversé la route. Il ne put réprimer un léger frisson. L’amorce du passage avait été goudronnée, mais la terre simple, nue, prenait le relais au bout de cinq mètres à peine, et promettait à toute âme s’y engageant d’évoluer entouré, de part et d’autre, d’un épais manteau d’arbres. Sous la lumière blafarde de sa lampe, cette matière sombre au sol ressemblait à l’écoulement de sang d’une plaie béante s’enfonçant dans la forêt. Chassant cette idée, il traversa la route et s’engagea sur le passage, la terre craquant sous ses pieds dans l’obscurité de ce soir d’automne.
À peine cinquante mètre plus loin, il arriva devant le portail en fer du Domaine. Ce dernier était arrimé à deux solides piliers en pierre, qui se prolongeaient par un muret d’environ un mètre, lui-même surplombé d’une barrière en fer haute d’un bon mètre cinquante. Il avisa le sentier derrière le portail. Il devait bien faire au moins cent mètres, et Nick ne pouvait que deviner la silhouette du manoir au bout. Il semblait avoir vaguement la forme de ce grand château dans lequel vivaient Tintin et Haddock dans les BD qu’il lisait quand il était gamin chez sa tante française. Il remarqua cependant que de faibles lumières éclairaient certaines des fenêtres. Il se pencha donc sur le bouton de l’interphone et appuya. Il passerait un coup de téléphone au dépanneur de garde, et retournerait à sa Renault Encore, qui ce soir avait dit stop, pour l’attendre. Fin de l’histoire. Il appuya de nouveau sur le bouton d’appel de l’interphone après environ une minute. Toujours rien. Il y avait pourtant quelqu’un, c’était sûr, personne n’aurait laissé les lumières allumées sinon.
Il promena de nouveau le faisceau de sa lampe sur le portail, puis sur la barrière à sa droite. Soudain, le pinceau de lumière n’accrocha plus de reflet sur le métal. À une cinquantaine de mètres, une morceau de la barrière, d’environ un mètre de large, manquait. Nick sourit, et longea le muret jusque-là. Il prit garde de ne pas glisser sur les feuilles déjà tombées des arbres qui l’entouraient. Après quelques secondes d’hésitation devant la barrière éventrée, il enjamba le muret et pénétra sur le domaine en lui-même. L’interphone était peut-être cassé ou débranché le soir, mais il devait absolument passer ce coup de fil. Il résolut de garder sa lampe bien allumée en couvrant la distance qui le séparait du manoir. Autant être vu facilement pour pouvoir s’expliquer si quelqu’un sortait pour lui demander ce qu’il faisait là.
Il avançait prudemment. Là aussi, le sol était couvert de feuilles mortes déjà tombées des arbres, et semblaient être restées humides suites aux récentes pluies. Il se décida vite à obliquer vers l’allée principale. Il craignait que le tapis de feuilles ne lui cache un trou ou une flaque de boue dans laquelle ses chaussures pourraient s’enfoncer pour parachever cette journée maudite. Une légère brise souffla et fit claquer les bords de son imperméable sur ses cuisses, alors que les arbres autour de lui craquaient et bruissaient sous l’effet du vent. Il avait choisi de l’enfiler et de relever le col pour protéger son cou, mais ne l’avait pas boutonné. Il portait déjà sa chemise, son gilet et sa veste, inutile d’attraper une suée de tous les Diables en ajoutant un imperméable boutonné.
Il avait couvert la moitié de la distance entre la grille et le manoir quand il décida de faire une petite pause. Personne ne sortait pour voir qui était le propriétaire de cette lampe qui remontait l’allée du Domaine. Étrange. La brise était retombée, mais choisit de souffler de nouveau à ce moment. Nouveau claquement des bords de son imperméable, et nouvelle agitation du manteau forestier qui enveloppait le chemin. Les bruits allaient et venaient autour de lui, entre les chênes, les amandiers et les hêtres. Nick remarqua que cela aurait presque pu passer pour des chuchotements, des secrets échangés entre ces organismes végétaux pour la plupart plus vieux que lui.
Ce sont eux les plus surpris de te voir ici, se dit-il, amusé.
Machinalement, il releva son bras gauche afin de voir, à la lumière de la lampe que tenait sa main droite, quelle heure il était. Il fronça les sourcils, circonspect.
21h24.
Il avait eu l’impression de marcher vite entre la voiture, quittée vers 19h50, et le domaine. Ces impressions pouvaient être trompeuses, et il n’était pas le plus grand athlète du Monde, mais il restait en bonne forme physique, merci pour lui. Il n’avait pas pu s’écouler près de deux heures entre la trahison de sa Renault Encore et cet instant précis. Coinçant la lampe entre ses dents, il chercha la molette pour remonter sa montre, et remarqua qu’elle était déjà tirée pour effectuer un réglage.
Elle a dû frotter contre ta manche et avancer toute seule, rien de plus !
Il remonta sa montre d’une heure, et remit en place la molette avant de récupérer la lampe de sa main droite. Voilà qui était mieux. Il reprit sa marche, mais se figea presque aussitôt. Quelque chose de chaud coulait de sa narine gauche. Il porta la main vers cette sensation désagréable mais familière, et jeta un coup d’œil à ses doigts. Il saignait du nez. Rejetant la tête en arrière, il coinça de nouveau la lampe entre ses mâchoires et tira en vitesse son mouchoir de sa poche de pantalon. Le tissu vint avidement récolter son sang, s’en gorgeant petit à petit tout en permettant de juguler l’écoulement. Au bout de ce que Nick considéra être une minute, il retira le mouchoir et remit sa tête dans une position normale. Le saignement ne reprit pas. Après avoir remis son mouchoir dans sa poche et de nouveau libéré ses dents de leur mission de porte-lampe, il jeta de nouveau un coup d’œil à sa montre. C’était une mauvaise habitude qu’il avait quand il ressentait pointer le stress, et que ses proches ne manquaient pas de pointer du doigt.
21h24
Nick resta hébété. La molette était cette fois bien en place, mais il avait surtout bien vu la trotteuse. Elle avait passé le zénith du cadran quand il avait posé les yeux sur sa montre, mais elle se déplaçait trois fois trop vite. Et dans le mauvais sens. Nouveaux craquements et bruissements parmi les arbres. Les végétaux avaient repris leur conversation. Cette fois, Nick frissonna. Oui, ces chênes, ces amandiers, ces hêtres frissonnaient autour de lui. Mais son imperméable ne bougeait pas. Il n’y avait cette fois pas de vent.
Il se retourna, nerveux. Le dialogue s’intensifia entre les arbres, emplissant l’air de façon régulière. Lancinante. Il reconnut alors le vrombissement qui l’avait tant fait espérer quand il était proche de sa voiture, croyant à un passant salutaire, et qui en cet instant le terrifia. La lune, soudain, sembla percer un peu plus entre les arbres, éclairant le chemin qu’il avait parcouru depuis la barrière. Plus de trou dans cette dernière, la clôture était complète, infranchissable, et de toute façon trop lointaine. Entre elle et lui, il vit en effet que les feuilles bougeaient. De fins filaments se glissaient sous ce parterre de mort, fondant vers Nick. Il pivota instinctivement et courut vers le manoir, le vrombissement sur ses talons. Il accéléra, alourdissant ses propres pas pour éviter de glisser. Il savait que s’il tombait dans cette allée, ces choses sous les feuilles l’attraperaient, tordraient son corps, briseraient ses os, le transformeraient en une forme grotesque.
Le manoir était à quelques mètres, deux volées de marches le séparaient de la porte. Il trébucha à la fin de la première de ces volées, et s’étala de tout son long sur le palier intermédiaire. Il sentit alors une énorme masse passer au-dessus de lui, frôlant son dos et son crâne, et l’entendit fracasser la pierre des marches de la deuxième volée. Il roula sur sa droite, se retrouvant brièvement sur le dos puis de nouveau sur le ventre. La masse s’abattit avec fracas à l’endroit précis où il était tombé. Profitant de ces quelques secondes de flottement, il se releva, escalada sans problème la seconde série de marches et se jeta de tout son poids sur le battant, qui s’ouvrir sans souci. Dans un éclair, Nick se retourna et saisit la porte pour la claquer derrière lui. Il put alors voir ce qui l’attaquait : les filaments qu’il avait devinés sous les feuilles – des racines, bordel ! – s’étaient dressées et regroupées. Elles s’entremêlaient, se nouaient pour former des racines plus grosses, battoirs d’écorce bardés d’épines de près de trente centimètres de diamètre. Il referma lourdement le battant et vit une gâche dans laquelle il enclencha la serrure. Les poings de mort s’abattirent sur le battant avec frustration, mais la porte tint bon.
Reprenant difficilement son souffle, Nick s’éloigna de son point d’entrée, et regarda le hall autour de lui pendant près de trois minutes. Un plafond très haut s’offrait à sa vue, un grand escalier central menant à une coursive en mezzanine qui faisait le tour du hall et était soutenue par des arches richement ouvragées. Le tout était éclairé par un grand lustre à petites ampoules, et chaque porte qu’il pouvait voir était encadrée d’appliques. Le tout diffusait une lumière discrète, conférant au lieu une aura aussi élégante qu’oppressante, que ne faisait que renforcer le tic tac d’une horloge de grand-père que l’intrus ne pouvait que deviner en haut des escaliers. Nick s’engagea sur le grand tapis sombre qui menait aux marches, et les gravit avec prudence. Il commençait à ressentir la retombée d’adrénaline : ses mains tremblaient légèrement, ses yeux allant rapidement de gauche à droite comme pour embrasser du regard son nouvel environnement. Il arriva sur la mezzanine, et se retrouva donc devant la fameuse horloge de grand-père. Il focalisa son attention sur cette belle pièce d’artisanat. Cela l’aidait à retrouver son calme. Elle était taillée dans un bois de toute évidence riche, son pendule était visiblement en or. Le sang de Nick se glaça néanmoins quand il posa les yeux sur le cadran. Le mouvement de balancier était bien là au cœur de l’horloge, il l’entendait, il le voyait à travers la porte. Les secondes s’égrenaient, à n’en pas douter. Nick était prêt à parier que tous les mécanismes d’horlogerie remplissaient leur office. Le cadran, pourtant, tel un implacable Œil du Temps, ne cillait pas, semblant sonder Nick. Il n’avait pas de trotteuse. Il indiquait 21h24 depuis que Nick le regardait.
Je suis passé sur un stream béta-lecture des textes de cet atelier, et je me suis dit que j'allais m'y essayer aussi !^^
L'image "forestière" m'inspirait bien, et je me suis retrouvé avec ce qui suit après 1h40.
Je suis bien sûr preneur de vos avis et retours, cela fait un moment que je n'ai pas écrit de fiction !
2124
Nick arriva au chemin menant au Domaine Ashcroft en un temps qui lui sembla étonnamment court pour une distance parcourue d’environ deux kilomètres. Il fit aller le faisceau de sa lampe sur ledit chemin, qu’il pourrait rejoindre après avoir traversé la route. Il ne put réprimer un léger frisson. L’amorce du passage avait été goudronnée, mais la terre simple, nue, prenait le relais au bout de cinq mètres à peine, et promettait à toute âme s’y engageant d’évoluer entouré, de part et d’autre, d’un épais manteau d’arbres. Sous la lumière blafarde de sa lampe, cette matière sombre au sol ressemblait à l’écoulement de sang d’une plaie béante s’enfonçant dans la forêt. Chassant cette idée, il traversa la route et s’engagea sur le passage, la terre craquant sous ses pieds dans l’obscurité de ce soir d’automne.
À peine cinquante mètre plus loin, il arriva devant le portail en fer du Domaine. Ce dernier était arrimé à deux solides piliers en pierre, qui se prolongeaient par un muret d’environ un mètre, lui-même surplombé d’une barrière en fer haute d’un bon mètre cinquante. Il avisa le sentier derrière le portail. Il devait bien faire au moins cent mètres, et Nick ne pouvait que deviner la silhouette du manoir au bout. Il semblait avoir vaguement la forme de ce grand château dans lequel vivaient Tintin et Haddock dans les BD qu’il lisait quand il était gamin chez sa tante française. Il remarqua cependant que de faibles lumières éclairaient certaines des fenêtres. Il se pencha donc sur le bouton de l’interphone et appuya. Il passerait un coup de téléphone au dépanneur de garde, et retournerait à sa Renault Encore, qui ce soir avait dit stop, pour l’attendre. Fin de l’histoire. Il appuya de nouveau sur le bouton d’appel de l’interphone après environ une minute. Toujours rien. Il y avait pourtant quelqu’un, c’était sûr, personne n’aurait laissé les lumières allumées sinon.
Il promena de nouveau le faisceau de sa lampe sur le portail, puis sur la barrière à sa droite. Soudain, le pinceau de lumière n’accrocha plus de reflet sur le métal. À une cinquantaine de mètres, une morceau de la barrière, d’environ un mètre de large, manquait. Nick sourit, et longea le muret jusque-là. Il prit garde de ne pas glisser sur les feuilles déjà tombées des arbres qui l’entouraient. Après quelques secondes d’hésitation devant la barrière éventrée, il enjamba le muret et pénétra sur le domaine en lui-même. L’interphone était peut-être cassé ou débranché le soir, mais il devait absolument passer ce coup de fil. Il résolut de garder sa lampe bien allumée en couvrant la distance qui le séparait du manoir. Autant être vu facilement pour pouvoir s’expliquer si quelqu’un sortait pour lui demander ce qu’il faisait là.
Il avançait prudemment. Là aussi, le sol était couvert de feuilles mortes déjà tombées des arbres, et semblaient être restées humides suites aux récentes pluies. Il se décida vite à obliquer vers l’allée principale. Il craignait que le tapis de feuilles ne lui cache un trou ou une flaque de boue dans laquelle ses chaussures pourraient s’enfoncer pour parachever cette journée maudite. Une légère brise souffla et fit claquer les bords de son imperméable sur ses cuisses, alors que les arbres autour de lui craquaient et bruissaient sous l’effet du vent. Il avait choisi de l’enfiler et de relever le col pour protéger son cou, mais ne l’avait pas boutonné. Il portait déjà sa chemise, son gilet et sa veste, inutile d’attraper une suée de tous les Diables en ajoutant un imperméable boutonné.
Il avait couvert la moitié de la distance entre la grille et le manoir quand il décida de faire une petite pause. Personne ne sortait pour voir qui était le propriétaire de cette lampe qui remontait l’allée du Domaine. Étrange. La brise était retombée, mais choisit de souffler de nouveau à ce moment. Nouveau claquement des bords de son imperméable, et nouvelle agitation du manteau forestier qui enveloppait le chemin. Les bruits allaient et venaient autour de lui, entre les chênes, les amandiers et les hêtres. Nick remarqua que cela aurait presque pu passer pour des chuchotements, des secrets échangés entre ces organismes végétaux pour la plupart plus vieux que lui.
Ce sont eux les plus surpris de te voir ici, se dit-il, amusé.
Machinalement, il releva son bras gauche afin de voir, à la lumière de la lampe que tenait sa main droite, quelle heure il était. Il fronça les sourcils, circonspect.
21h24.
Il avait eu l’impression de marcher vite entre la voiture, quittée vers 19h50, et le domaine. Ces impressions pouvaient être trompeuses, et il n’était pas le plus grand athlète du Monde, mais il restait en bonne forme physique, merci pour lui. Il n’avait pas pu s’écouler près de deux heures entre la trahison de sa Renault Encore et cet instant précis. Coinçant la lampe entre ses dents, il chercha la molette pour remonter sa montre, et remarqua qu’elle était déjà tirée pour effectuer un réglage.
Elle a dû frotter contre ta manche et avancer toute seule, rien de plus !
Il remonta sa montre d’une heure, et remit en place la molette avant de récupérer la lampe de sa main droite. Voilà qui était mieux. Il reprit sa marche, mais se figea presque aussitôt. Quelque chose de chaud coulait de sa narine gauche. Il porta la main vers cette sensation désagréable mais familière, et jeta un coup d’œil à ses doigts. Il saignait du nez. Rejetant la tête en arrière, il coinça de nouveau la lampe entre ses mâchoires et tira en vitesse son mouchoir de sa poche de pantalon. Le tissu vint avidement récolter son sang, s’en gorgeant petit à petit tout en permettant de juguler l’écoulement. Au bout de ce que Nick considéra être une minute, il retira le mouchoir et remit sa tête dans une position normale. Le saignement ne reprit pas. Après avoir remis son mouchoir dans sa poche et de nouveau libéré ses dents de leur mission de porte-lampe, il jeta de nouveau un coup d’œil à sa montre. C’était une mauvaise habitude qu’il avait quand il ressentait pointer le stress, et que ses proches ne manquaient pas de pointer du doigt.
21h24
Nick resta hébété. La molette était cette fois bien en place, mais il avait surtout bien vu la trotteuse. Elle avait passé le zénith du cadran quand il avait posé les yeux sur sa montre, mais elle se déplaçait trois fois trop vite. Et dans le mauvais sens. Nouveaux craquements et bruissements parmi les arbres. Les végétaux avaient repris leur conversation. Cette fois, Nick frissonna. Oui, ces chênes, ces amandiers, ces hêtres frissonnaient autour de lui. Mais son imperméable ne bougeait pas. Il n’y avait cette fois pas de vent.
Il se retourna, nerveux. Le dialogue s’intensifia entre les arbres, emplissant l’air de façon régulière. Lancinante. Il reconnut alors le vrombissement qui l’avait tant fait espérer quand il était proche de sa voiture, croyant à un passant salutaire, et qui en cet instant le terrifia. La lune, soudain, sembla percer un peu plus entre les arbres, éclairant le chemin qu’il avait parcouru depuis la barrière. Plus de trou dans cette dernière, la clôture était complète, infranchissable, et de toute façon trop lointaine. Entre elle et lui, il vit en effet que les feuilles bougeaient. De fins filaments se glissaient sous ce parterre de mort, fondant vers Nick. Il pivota instinctivement et courut vers le manoir, le vrombissement sur ses talons. Il accéléra, alourdissant ses propres pas pour éviter de glisser. Il savait que s’il tombait dans cette allée, ces choses sous les feuilles l’attraperaient, tordraient son corps, briseraient ses os, le transformeraient en une forme grotesque.
Le manoir était à quelques mètres, deux volées de marches le séparaient de la porte. Il trébucha à la fin de la première de ces volées, et s’étala de tout son long sur le palier intermédiaire. Il sentit alors une énorme masse passer au-dessus de lui, frôlant son dos et son crâne, et l’entendit fracasser la pierre des marches de la deuxième volée. Il roula sur sa droite, se retrouvant brièvement sur le dos puis de nouveau sur le ventre. La masse s’abattit avec fracas à l’endroit précis où il était tombé. Profitant de ces quelques secondes de flottement, il se releva, escalada sans problème la seconde série de marches et se jeta de tout son poids sur le battant, qui s’ouvrir sans souci. Dans un éclair, Nick se retourna et saisit la porte pour la claquer derrière lui. Il put alors voir ce qui l’attaquait : les filaments qu’il avait devinés sous les feuilles – des racines, bordel ! – s’étaient dressées et regroupées. Elles s’entremêlaient, se nouaient pour former des racines plus grosses, battoirs d’écorce bardés d’épines de près de trente centimètres de diamètre. Il referma lourdement le battant et vit une gâche dans laquelle il enclencha la serrure. Les poings de mort s’abattirent sur le battant avec frustration, mais la porte tint bon.
Reprenant difficilement son souffle, Nick s’éloigna de son point d’entrée, et regarda le hall autour de lui pendant près de trois minutes. Un plafond très haut s’offrait à sa vue, un grand escalier central menant à une coursive en mezzanine qui faisait le tour du hall et était soutenue par des arches richement ouvragées. Le tout était éclairé par un grand lustre à petites ampoules, et chaque porte qu’il pouvait voir était encadrée d’appliques. Le tout diffusait une lumière discrète, conférant au lieu une aura aussi élégante qu’oppressante, que ne faisait que renforcer le tic tac d’une horloge de grand-père que l’intrus ne pouvait que deviner en haut des escaliers. Nick s’engagea sur le grand tapis sombre qui menait aux marches, et les gravit avec prudence. Il commençait à ressentir la retombée d’adrénaline : ses mains tremblaient légèrement, ses yeux allant rapidement de gauche à droite comme pour embrasser du regard son nouvel environnement. Il arriva sur la mezzanine, et se retrouva donc devant la fameuse horloge de grand-père. Il focalisa son attention sur cette belle pièce d’artisanat. Cela l’aidait à retrouver son calme. Elle était taillée dans un bois de toute évidence riche, son pendule était visiblement en or. Le sang de Nick se glaça néanmoins quand il posa les yeux sur le cadran. Le mouvement de balancier était bien là au cœur de l’horloge, il l’entendait, il le voyait à travers la porte. Les secondes s’égrenaient, à n’en pas douter. Nick était prêt à parier que tous les mécanismes d’horlogerie remplissaient leur office. Le cadran, pourtant, tel un implacable Œil du Temps, ne cillait pas, semblant sonder Nick. Il n’avait pas de trotteuse. Il indiquait 21h24 depuis que Nick le regardait.
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