Atelier 01/10

Julia se réveilla en sursaut, les yeux gonflés par le sommeil. Quelqu’un tambourinait à la porte, d’un toc-toc régulier et ferme. Quel jour était-il, déjà ? La main de la jeune femme se balada sur sa table de chevet à la recherche de ses lunettes. Depuis sa rupture, tous les matins se ressemblaient… 
Ses Atol sur le nez, Julia s’extirpa de ses couettes d’hiver et roula sur le côté. En plus des coups, c’était maintenant sa sonnette qui tonitruait dans l’appartement. “Putain, même pas tranquille le dimanche”, soupira-t-elle en jetant un coup d’oeil à son réveil électrique. 
Elle eut juste le temps d’enfiler un peignoir et de se passer la main dans les cheveux. Cette tignasse, pas lavée depuis quatre jours, emmêlée comme pas possible, lui renvoyait une image peu flatteuse dans le miroir près de l’entrée. 
– J’arrive, j’arrive, dit-elle la langue pâteuse.
La porte s’ouvrit sur deux policiers en tenue, flingue coincé dans la poche de jean. Julia eut un mouvement de recul, jamais elle n’avait eut affaire à la police auparavant. La jeune femme se tenait aux règles ; elle ne conduisait pas alcoolisée et ne crachait plus ses chewing-gum sur le trottoir depuis le lycée. Une minette sans histoires, quoi. 
– Madame Bell, c’est bien ça ? hésita un poil de carotte, avec un accent scottish. Euh, nous avons eu des remontées récemment, – de la part de personnes venues témoigner – et euh, il semblerait que…
– On vous a remarqué en présence de Tom Fletcher, l’interrompit son collègue.
Une hallucination, c’était sûrement une hallucination. Julia n’arrêtait pas de penser à son ex. Dans ses rêves, ou quand elle se brossait les dents, il n’y avait que son nom qui lui venait à la bouche. Elle avait sans doute mal entendu le barbu, voilà tout.
– Je vous demande pardon ? 
– Cet homme, Monsieur Fletcher, vous le connaissez ? s’impatienta le deuxième policier. Le temps joue en notre faveur, madame, nous ne devons pas traîner. Alors si vous avez la moindre information…
– De quoi vous parlez, enfin ? Je n’arrive pas à vous suivre. 
L’écossais fit les gros yeux à son collègue. Comment avait-elle pu passer à côté de l’histoire ? Les faits étaient râbachés à longueur de journée, que ce soit sur BFMTV ou sur la 1.
– Enfin, il se trouve que votre copain, – le mec que vous fréquentez – est accusé d’avoir violé et tué une fillette de dix ans. ça vous rappelle quelque chose, maintenant ? 
– Ne faites pas cet air de chien battu, madame. On en a eu, des affaires avant vous, où la femme était complice d’enlèvement et tout ça. Elles jouaient quand même sacrément bien la comédie, ces criminelles…
Violé et tué ? Ce n’était pas possible, ça ne lui ressemblait pas. Il y a encore un mois, Tom se trémoussait dans son canapé, une bière à la main, les yeux rivés sur son match de foot. 
– On a retrouvé un balai sur les lieux du crime, ensanglanté jusqu’au manche. Avec les prélèvements de la police scientifique, on pense qu’un des bouts ait été utilisé pour le viol. Le bois avait été enfoncé bien profondément dans sa chatte, madame ! Il a perforé un bon nombre d’organes, vous pouvez imaginez ça ? 
Le rouquin donna un coup de coude au deuxième policier, qui semblait au bord de la crise de nerfs. Comme d’habitude, John avait dépassé les limites… 
Maitenant, le barbu débitait tout ce qui lui venait à l’esprit et envoyait une salve de postillons sur le peignoir de Julia. Abassourdie, la jeune femme ne pipait mot, ses chaussons licornes fermement ancrés à son parquet.
– Il est passé à l’acte après l’avoir ramassée sur une route de village ! La petite, son sac sur le dos, avait crié pendant de longues minutes mais personne ne l’a entendu. Il faut pourtant croire que les murs ont des oreilles, d’après certains témoignages… Ensuite il a entamé une sacré boucherie, avec ses outils de bricolage. Le scalpel pour les yeux, la scie circulaire pour les bras, et j’en passe !
La jeune femme se retint à son porte-manteau. Son estomac se tordait au fur et à mesure qu’elle s’imaginait la scène. Une migraine s’était emparée de son crâne, et une envie de gerber lui avait pris les tripes. Non, dégueuler, c’était le mot. 
– Nous avons l’ordre de fouiller votre domicile, résonna la voix de l’écossais. 
Julia sursauta. Elle devait leur claquer la porte au nez, ou bien elle était foutue de chez foutue. Tom avait laissé sa caisse de bricolage dans la cuisine, et dès que les policiers mettraient la main dessus, ils se feraient des idées… 
Les silhouettes bleu marine se baladaient maintenant dans son salon, fouillant les tiroirs, les dessous de litterie… Trop tard. Le poil de carotte avait franchi le seuil de la cuisine. 
La porte de son réfrigérateur s’ouvrit, et un cri retentit à la volée. “Merde, merde”, paniqua la jeune femme. 
Le policier était tombé nez à nez avec le torse congelé de la fillette. 

Salut !

Pour l'émotion, j'avoue que j'hésite pas mal. Au début je pensais plutôt à la surprise, mais la fin ne me paraît pas trop y correspondre? Peut-être le dégoût ou la peur ? Je sèche un peu là   

Sinon, ton texte est bien et facile à comprendre, mais il manque un peu d'aération dans sa mise en page je pense. Surtout qu'on a les monologues très crus d'un des agents, qu'il faut compenser et isoler un peu plus dans le texte à mon sens 

Alors, je pense que l'émotion est la peur (qui est l'émotion du personnage à la fin). Ta nouvelle est vraiment chouette. Le style est percutant je trouve, même si la scène n'est pas réaliste et qu'il y a des incohérences. Elle m'a bien fait sourire malgré la description du meurtre un peu dégeu :-)

Texte facile à lire/écouter, je l'ai beaucoup aimé. Si, comme @Céhah j'hésite entre les différentes émotions qui nous étaient proposées.

L'émotion du lecteur est bien là en tout cas: la compassion pour la jeune femme victime d'une rupture: Depuis sa rupture, tous les matins se ressemblaient… / ou encore: Cette tignasse, pas lavée depuis quatre jours

La surprise et le dégoût peut être quand elle apprend ce dont son ex-copain est accusé.
La peur qu'on découvre la caisse de bricolage de Tom

Mais alors la fin prend le lecteur par surprise: que fait le torse de la fillette dans le frigo ?

Et surtout, le lecteur se pose des questions (ce qui n'est pas un mal) sur la chute: la réaction étrange de la femme: “Merde, merde”, paniqua la jeune femme.
Son exclamation fait penser au lecteur qu'elle était au courant de la présence du Torse de la fillette dans le réfrigérateur

J'ai plutôt bien aimé le texte dans son ensemble, mais je dois avouer que je sèche complètement sur l'émotion principale qui doit ressortir par rapport aux autres. J'étais comme les autres, j'étais partie sur la surprise mais la fin donne une toute autre interprétation et nous envoie carrément sur la peur d'être découverte. Mais dans ce cas, elle ne peut pas prétendre que c'est impossible que son compagnon fasse un truc aussi horrible vu qu'elle sait qu'elle a littéralement un torse dans son frigo Sinon, c'est assez fluide à lire ça s'enchaîne bien! Merci à toi ^^

Intéressant comme texte.
Je bute aussi un peu sur l'émotion, je penche pour le dégout (vu comment les horreurs sont décrites) mais ca pourrait tout aussi bien être la surprise.
Apres je ne suis pas sur que des policiers ai un langage aussi peu procédurale.

Hello, je pense que l'émotion à trouver était le dégoût, mais je me trompe peut-être.
Globalement, l'écriture est fluide, mais je pensais qu'elle ne voyait plus son copain depuis leur rupture. Je sais que le contexte n'est pas le plus important, mais je tique sur les incohérences.
Sinon, on ressent bien d'autres émotions dans le texte: la tristesse pour sa rupture, la surprise quand elle découvre les policiers sur le pas de sa porte, le dégoût quand on lui décrit par le menu la sauvagerie du meurtre, la peur enfin quand on fouille chez elle. La plume est percutante et fait qu'on les ressent bien. Par contre, c'est vrai qu'on ne rentre malheureusement pas dans les critères de l'atelier...
Bravo pour ton texte. J'ai l'impression d'avoir laissé un commentaire super négatif, alors que j'ai plutôt bien aimé.

Merci à tous pour vos retours, vous m'avez fait des remarques constructives, très différentes les unes des autres, mais je prends en compte tous vos avis
Aussi, l'émotion que j'avais tiré au sort était le dégoût (bravo à ceux qui ont trouvé)


Céhah : je prends note concernant l'aération du texte, c'est vrai que j'écris pas souvent des monologues comme ça mais c'est bon à savoir

maelinn : je suis entièrement d'accord avec toi pour les incohérences, j'ai du mal à faire des scènes réalistes des fois (surtout quand ça touche à la police/justice, j'ai aucune connaissance de toutes les procédures qui sont appliquées dans ces domaines-là).

ninja-janine : j'avais envie de faire une chute à la fin, même si ce n'était pas prévu à la base, donc j'ai un peu bâclé les explications. En gros, Julia est gentille en apparence mais a aidé Tom à enlever et tuer la fillette (ça on l'apprend par déduction quand le torse de la fille est retrouvé dans le frigo, mais c'est pas forcément très très clair).

Sayuri.K : tu y étais presque, l'émotion était le dégoût. Mais je trouve que la frontière entre peur et dégoût est subtile comparé à celle de la joie et de la tristesse, par exemple, donc c'est vrai que ça peut être trompeur des fois. Je ne suis pas une experte dans l'horreur, donc j'ai tenté le gore pour dégoûter le lecteur mais c'est pas ma zone de confort :/

Yoomise : bien trouvé pour l'émotion ! Je suis d'accord avec toi pour les policiers, ils ne parleraient sûrement pas comme ça dans la vraie vie (et ne traineraient pas aussi longtemps sur le seuil d'une porte avant d'agir)... J'ai commencé à réfléchir aux incohérences seulement après avoir fini le texte :/ Pendant l'atelier, je me suis surtout concentrée sur la forme/l'écriture et pas forcément sur le fond de l'histoire, ce qui coince un peu du coup.

Ginevra : bravo, tu as trouvé l'émotion principale. Merci pour ce compliment à propos de mon style, ça me fait très plaisir. En fait, j'avais imaginé que la rupture datait seulement d'une semaine, mais peut-être aurais-je dû l'espacer un peu plus ou le préciser dans le texte. Le texte contient pleins d'incohérences, ça m'arrive souvent quand j'ai si peu de temps pour imaginer une scène. Ton commentaire n'est pas négatif, c'est justement grâce à des remarques qu'on s'améliore alors je prends tout ce qui se présente


Encore merci d'avoir pris le temps de lire mon texte et de le commenter !