La painpauté
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Malistoires
Malistoires
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Date d'inscription : 07/10/2021
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Atelier du 17/10/21 Empty Atelier du 17/10/21

Mar 19 Oct - 12:02
J’ai choisi le point de vue d’un personnage secondaire de mon tome 2, et essayé de retranscrire l’atmosphère de son lieu de vie le mieux possible sans avoir pu poser le contexte. Je précise que je n’ai pas du tout respecté la contrainte horaire de l’atelier (j’ai terminé et retravaillé le texte après). Je n’ai pas pour habitude de faire lire mes textes, mais la communauté des miettes me semble bienveillante, alors je tente Smile

**

Le jeune homme me tendit mon chapeau. Je voyais bien qu’il hésitait à me dire quelque chose. Il finit par marmonner :

  — Le patron m’a dit de te féliciter pour… Pour ton super boulot. Que tu avais ramené des beaux spécimens bien riches cette semaine, et que t’avais tout intérêt à continuer comme ça.

Il me transmettait visiblement son message à contrecœur. Je lui adressai un sourire rassurant en prenant le chapeau : les commentaires du patron ne me faisaient plus rien. Le jeune homme parut soulagé.

  — Repose-toi bien, me dit-il.
  — Merci, Erkis. A ce soir.

Le Serveur me salua d’un signe de tête poli, souffla la bougie qu’il tenait et souleva le rideau dissimulant la porte.

La sortie de secours était pour moi devenue la sortie principale. Elle débouchait sur une ruelle obscure, adjacente à l’entrée du Cabaret. Cela m’évitait de croiser les derniers fêtards du rez-de-chaussée, à condition bien entendu que la chambre ne soit pas un phare dans la nuit. D’ici, on devinait seulement les lueurs rouges des néons sur la façade du bâtiment, en contrebas.

Après avoir rendu son salut à Erkis et vérifié que la voie était libre, je sortis dans la pénombre. La serrure cliqueta quand le Serveur verrouilla la porte derrière moi.

J’ajustai sur ma tête le chapeau à bords tombants, puis descendis les escaliers en bois, sans bruit. Je pris à gauche, prenant soin de longer les murs.

L’atmosphère désinhibée du Cabaret me parvint clairement lorsque j’atteignis l’angle du bâtiment. Peu de personnes étaient encore présentes à cette heure, ou si elles l’étaient physiquement, leur cerveau embrumé par l’alcool permettait d’en douter.

Juste en face de l’entrée, un couple s’embrassait avec fougue sous la lumière écarlate des néons. Les deux titubaient et faisaient crisser les éclats de bouteille sous leurs pieds. L’alcool semblait les rendre plus heureux qu’autre chose.

Je souris. C’était toujours mieux que les habituels bagarreurs, qui finissaient avec le nez en sang et quelques côtes cassées. Ou que ce type à moitié décharné qui gisait au milieu du chemin, les yeux dans le vague.

Je les dépassai en gardant la tête baissée. Quelques ruelles plus loin, je m’arrêtai pour respirer l’air frais de la nuit.

C’était mon rituel. Chaque matin, j’appréciais les quelques minutes de répit entre la fin de ma nuit de travail et le lever du jour. C’était un moment hors du temps, le seul où j’arrivais à me déconnecter de la réalité.

Loin de l’éclairage rouge vif du Cabaret, on devinait les premières lueurs de l’aube au-dessus des toits irréguliers de la Périphérie. Encore fallait-il assez lever les yeux pour atteindre la cime des bâtiments et espérer apercevoir un bout de ciel. Mais on y arrivait. La musique et les rires ivres ne troublaient plus le silence de la nuit. C’était tellement agréable…

Ma sœur m’avait fait part de ses inquiétudes : « Tu ne devrais pas traîner dans les ruelles seule, qui plus est à une heure pareille ! C’est dangereux, je ne t’apprends rien… Rentre directement, s’il-te-plaît, je serai plus tranquille… ». Je lui avais donc promis de ne plus m’attarder.

Une promesse de plus, une de moins, qu’est-ce que cela pouvait bien changer ? Chacun ses talents, et il se trouvait que j’étais une excellente menteuse. Après tout, ma vie avait commencé par une tromperie.

Bien sûr, je restais prudente. Je ne pouvais pas me permettre de me faire tuer, sans quoi ma sœur ne bénéficierait plus de la protection des Guül. Ceux-ci la forceraient certainement à prendre ma place pour assurer des revenus, et ça, c’était hors-de-question.

Elle avait bien sûr elle aussi connu une enfance malheureuse, mais ma sœur vivait depuis bientôt six ans dans une stabilité relative, nourrie et logée dans une demeure de la famille Guül, où elle exerçait comme couturière parmi quelques autres. Je savais à quel point on oubliait vite la misère lorsqu’on n’y était pas confronté quotidiennement.

Loĭs ne pouvait donc plus comprendre ce besoin de respirer quelques minutes. Et tant mieux. Je souhaitais qu’elle ne comprenne plus jamais. Sinon, c’est que j’avais failli à mon rôle.

Je fermai les yeux et pris une dernière inspiration de cet air encore pur. Avant que les rues ne fourmillent à nouveau d’escrocs et de marchands. Que les cris des plus miséreux ne résonnent par-dessus la foule pressée, ou que les pleurs silencieux des parents qui voient leurs enfants partir à la mine ne teintent l’atmosphère.

La lumière du jour s’était intensifiée, et je distinguai un mouvement sur ma droite. Un vieillard était allongé dans le caniveau, si discret que je ne l’avais pas perçu avant. Il marmonna des paroles incompréhensibles et se retourna face au mur pour se fondre à nouveau dans l’ombre.

J’eus un sourire désabusé. Même dans les moments où l’on se pensait seul et coupé de la misère, il y avait toujours quelque chose pour nous rappeler à l’ordre.

Je perçus un début d’agitation dans la rue voisine. J’avais déjà trop tardé. Il me fallait rentrer à la demeure des Guül, et essayer de dormir un peu.

« Repose-toi bien », m’avait dit Erkis. Lui comme moi savions que ce n’était que formule de politesse, les « Artistes de Nuit » –cette appellation m’avait toujours fait rire– ne se reposaient jamais bien. Mon moment de répit, il était déjà passé, entre ces deux temps que sont la nuit et le jour. La réalité n’avait rien d’un rêve, mais mon sommeil rythmé de cauchemars et d’insomnies n’avait rien de reposant non plus. Heureusement, le maquillage existait pour masquer les cernes.

Je repris ma route, prête à affronter la journée épuisante. Survivre dans la Périphérie était une lutte acharnée, beaucoup y succombaient. Mais j’étais forte. Je savais qu’un jour je m’en sortirai, et que je ne dépendrai plus de rien, ni de personne.


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Atelier du 17/10/21 Empty Re: Atelier du 17/10/21

Sam 29 Jan - 11:07
Hello et merci beaucoup pour ta participation !
Ton texte est très bien écrit et je n'ai rien à te reprocher a priori Very Happy Tu as l'air d'avoir un univers assez vaste et ce petit texte donne envie de lire le manuscrit sur lequel tu travailles. Bravo à toi !

Malistoires aime ce message

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