Une balade en vélo

- Oh, que c'est beau. Je ne savais pas qu'on pouvait avoir une telle vue sur la ville. Tu viens souvent ici ?

C’était notre petit sanctuaire rien qu'à nous. Elle en avait entendu parler d'une amie et m'avait bassiné pour qu'on s'y balade. Un week-end qu'il faisait beau, on avait pris nos vélos pour s'y promener. C’était un délicieux après-midi, le monde entier faisait des manières pour nous offrir le moment le plus doux qui soit. Le soleil chauffait la peau, les oiseaux sifflaient sur notre passage et les passants étaient tous plus souriant les uns que les autres, comme complices de notre bonheur. Aujourd'hui, elle redécouvre ce paysage pour la première fois. Son regard est le même qu'autrefois, pétillant, balbutiant d’émotions.

- Tu crois que les gens dans les maisons là-bas peuvent nous voir d'ici ?

La même question, avec la même intonation. Je m'en souviens précisément. L'un des instants que je garde le plus précieusement au creux de ma mémoire. Son petit visage pâle, les yeux grands ouverts, à remettre ses cheveux en place. Toute l'innocence du monde prit dans les serres de sa beauté. A ce moment précis, ma réalité s’était ébranlé. Mes certitudes et ma confiance en moi s’étaient effondré, vaincu par l'arme la plus risible qui puisse exister. Ce simple petit bout de femme fébrile, ingénue, ne s’était pas rendu compte que ses quelques mots m'avaient détruit à jamais.

D’être de nouveau confronté à ce spectacle m'arrache le cœur. Ce n'est pas la nostalgie qui m’étreint, mais le fait que, malgré l'exacte similitude de ces deux moments, je n'arrive pas à ressentir la même émotion. Tout est si terne, si froid, si banale. Le soleil qui m’était apparu ce jour-là est devenu bien fade à mes yeux. J'aurai voulu plus que tout échouer à nouveau sur les rivages de mon amour.

- Continuons un peu plus loin, il y a un endroit que je voudrais te montrer. Ce n'est qu'a quelques minutes d'ici.

- Ne me dis pas qu'il y a plus belle vue qu'ici. Il m'avait semblé que tu étais plutôt du genre casanier en plus, tu caches bien ton jeu dis donc. Comment tu as découvert cet endroit déjà ?

- Une connaissance, il y a longtemps, m'y avait amené.

- Elle a vraiment bon goût ta connaissance.

Son vélo suit le mien malgré mon allure. Je suis un peu trop rapide pour son rythme, elle me rouspète gentiment. En quelque sorte je la prive de profiter de l'instant dont elle s’était tant délecté autrefois. Je lui vole cette allégresse qu'elle ne revivra plus jamais. Mais il me faut impérativement retourner à cet endroit. Que je sache, que je sente, que je m’imprègne à nouveau.

- Que c'est mignon ! C'est ici que tu voulais m’emmener ?

Nous voici au pied de mes souvenirs. A cette petite balançoire, perdu entre les arbres, donnant sur l'horizon. Le soleil couchant d’alors avait scellé notre liaison, du bout de nos lèvres, à ces paroles que nous avions signées au creux de nos cœurs. « Je t'aimerais pour toujours. » Que dire de plus.

Son souvenir se superpose à elle pour ne former plus qu'une entité. Les mains liées entre elles, les yeux fuyants et le visage rougi, elle a déjà compris ce qui va arriver. Elle qui est d'habitude si volubile s'est faite plus petite que tout. Une poupée de porcelaine prête à se briser sous le poids de l'excitation. Elle m'avait confié, bien plus tard, que malgré ma maladresse d'alors c’était le moment le plus merveilleux qu'elle avait passé en ma compagnie. Ma main effleure sa joue, prête à reproduire l'émotion qui va la marquer. Nos lèvres s’épousent sous le crissement des feuilles d'automne. Je la sens frissonner entre mes bras. Son poids s'effondre sous notre baiser. J'en avais oublié sa légèreté, comme un voile de lin agrippé à mes épaules.

Et puis plus rien.

Mes larmes me ramènent à ma réalité, cette scène n'a plus rien avoir avec ce que j'ai vécu jadis. La femme que j'ai tant aimé est devenue quelconque. Tous ses défauts me reviennent au visage à travers notre enlacement. Celle qui m'a brisé le cœur, qui est parti pour un autre malgré toutes nos promesses, c'est celle-là même que je vois à présent. La jeune fille d'autrefois s'est évanoui, elle ne s'est pas simplement figé dans le temps mais aussi dans ma mémoire. Qu'importe les années que j'ai remonté pour la retrouver, la personne que j’étais alors, qui l'aimait passionnément, n'existe plus. La douleur qui m'envahit est bien plus déchirante que toute la mélancolie que j'aurais gardé. A vouloir la retrouver j'ai brisé la magie que j'avais gardé pour elle, au fond de mon cœur. Je lui préfère son souvenir.

Heya !
Plutôt cool et bien écrit ! On sent plutôt bien son désespoir en plus. Je pensais au début qu'elle avait perdu la mémoire et qu'il essayait de lui rendre, mais... C'est un timetravel sortit de nul part, n'est-ce pas ?
Yuni.

C'est trop triste
L'idée est bien sympa, même si quand ils s'embrassent on voudrait que ça colle entre eux ( bah moi j'aime bien quand ça fini bien)

Merci pour vos retours !

@Yuni Stark J'ai hésité à l'écriture entre la perte de mémoire ou le voyage temporel, mais j'ai trouvé que la seconde option avait plus de force et correspondait plus à l'émotion que je voulais véhiculer.

@Henrietta_blabla Ahah la jolie histoire est déjà arrivée entre eux

Hello ! Très bonne idée de texte, tu amènes de bons éléments, tu trouves de belles images qui font passer les sentiments que tu veux transmettre.

Elle en avait entendu parler d'une amie / Un week-end qu'il faisait beau : pb se syntaxe

le monde entier faisait des manières : pas la bonne expression je pense

- Tu crois que les gens dans les maisons là-bas peuvent nous voir d'ici ? : pb de syntaxe

petit visage pâle : bizarre de la décrire ainsi

Le soleil couchant d’alors avait scellé notre liaison, du bout de nos lèvres, à ces paroles que nous avions signées au creux de nos cœurs. : avec ces paroles ?

prête à reproduire l'émotion qui va la marquer.: bizarrement dit

Merci pour ta participation !