Un phare dans la nuit

Image choisie : la forêt lugubre.


Suivre le rire d’une voix inconnue au cœur de cette forêt lugubre était sans doute la pire idée du monde, mais Arthur n’a pas d’autre option. Il a promis à Morgane qu’ils retrouveraient leur chemin, qu’ils rentreraient chez leurs parents, et ce rire, aussi malsain soit-il, est devenu leur seul phare dans la nuit.

— J’ai l’impression que ça vient de cette maison… marmonne-t-il en baissant sa lanterne.

Sentir la présence de Morgane dans son dos lui donne des forces. Arthur se sent investi de la mission de la guider et de la protéger. Depuis que les arbres morts et la brume ont remplacé les clairières et le chant des oiseaux, Morgane n’a plus dit un mot.

— Tu as vu toutes ces fenêtres ? chuchote le garçon. On dirait une sorte de manoir… Comment se fait-il qu’il soit perdu en pleine forêt ? Je ne vois pas de lumière dans les étages. Essayons de nous approcher… Il fait froid et humide ici. S’il n’y a personne à l’intérieur, ça nous fera un abri pour la nuit.

Le manoir n’a pas l’air accueillant. [LUPI : "C'est là qu'il fallait le décrire pour montrer pourquoi il n'est pas accueillant ! Idiot !"] Mais il l'est sûrement plus que ce sombre marécage habité par des fantômes ou infesté de parasites…

— Tout a l’air mort ici, souffle Arthur.

Le silence de Morgane ne l’inquiète pas. Arthur sait qu’elle n’est pas très loquace. Si rester collée derrière son dos en le tenant par la taille la rassure, alors soit ! Il avancera et elle le suivra. La lanterne à pétrole éclaire la longue tignasse de cheveux blonds du garçon qui glisse à pas lents vers le manoir. Tendant de temps en temps l’oreille, il entend la faible respiration de son amie et le flic flac de ses petits pieds dans les nappes d’eau verdâtre.

— Tu entends ça, Morgane ? Le rire. Il devient plus fort…

La lune éclaire le manoir par-derrière. Toujours aucune lumière à l’intérieur. Les arbres morts étendent leurs ombres vers Arthur. Il progresse à pas de loup. Une brise légère caresse lentement les feuilles mortes et réveille les arbustes noirs. Un petit vent glacial qui hérisse le poil. Tout semble mort dans cette brume.

— Ma lanterne va bientôt s’éteindre… explique Arthur. Espérons que l’on trouvera de quoi faire un feu à l’intérieur. Tous les volets sont baissés. La toiture est délabrée. Je pense qu’on ne nous en voudra pas si on récupère un peu de bois…

Comme pour lui répondre, le rire se fait soudain plus sonore.

— Tu entends ça !? frissonne Arthur.

Silence.

Une branche morte craque sous son pied.

Arthur tend l’oreille.

Rien.

Dernières survivantes, faiblement accrochées à la cime des arbres, des feuilles ternes bruissent au-dessus de sa tête.

Haute et solide, sûrement taillée dans un bois noble, vestige d’une époque plus faste, la porte d’entrée ne paraît pas fermée. Le petit rire se fait entendre à nouveau. Arthur plisse les yeux en levant sa lanterne. De là où il est, la porte lui semble légèrement entrebâillée.

— Nous ne sommes qu’à quelques pas… murmure Arthur. Ce manoir est sinistre, mais pour le moment, nous n’avons pas de meilleure chance de survie.

La brise s’éteint doucement ; la brume autour du manoir s’intensifie.

— Morgane, écoute-moi. Il y a quelque chose de malsain dans l’air. Je crois qu’on nous observe… Il vaut mieux ne pas traîner dehors. Je compte jusqu’à trois et on court jusqu’au manoir, d’accord ? Allez. Un !... Deux… Morgane ?

Pris de panique, Arthur se retourne. Derrière lui, ses pupilles ne perçoivent que la nuit. Instinctivement, ses mains cherchent dans son dos le contact de celles de Morgane. Il n’est pas fou ; elle le tenait par la ceinture !

— Morgane ! crie-t-il. Morgane !?

Du fin fond du manoir, le rire se fait entendre. Plus puissant que jamais. Du rez-de-chaussée jusqu’à la mansarde, toute la bâtisse se met à trembler.

— Morgane… ? gémit Arthur, les pieds dans l’eau.

Le rire, plus faible, se précise. D’une voix tonitruante et sardonique, il passe à une voix plus claire, plus cristalline. Le rire d’une enfant.

— Morgane… répète faiblement Arthur. Je vais nous sortir de là, Morgane.

Alors qu’Arthur, reprenant courage, marche d’un pas décidé vers le manoir, une voix sordide sort de la nuit et lui susurre :

— Arthur… À qui tu parles ?

Glauque, tout ce que je déteste haha, heureusement que l'extrait est court ! Mais c'est super bien écrit ^^

Des petits points, des petits points, toujours des petits points
On l'a lu ensemble, donc tu sais déjà ce que j'ne pense avec mes commentaires en live !

ça donne froid dans le dos... on ne sait même pas qui lui parle à la fin ^^'

Waouh! J'ai frissonné tout le long ! Mais quel talent, Rosa J'ai de la peine pour ce petit Arthur qui essaie de se montrer courageux dans un lieu aussi cauchemardesque, on a envie de lui faire un câlin pour le réconforter. Je m'attendais un peu à la disparition de Morgane, je me suis dit qu'elle devait être une sorte d'esprit malsain. Je me suis même demandé si Arthur ne l'avait pas imaginée tout simplement. C'est tellement bien écrit, comme toujours. J'adorerais te voir faire du glauque plus souvent x)

J'adore ! Tu arrives vraiment à instaurer une atmosphère inquiétante et j'ai tout de suite été happée par l'histoire ! On retrouve bien ton style fluide qui se lit tout seul <3
Si je voulais chipoter un petit peu je dirais qu'il y a juste un enchainement de phrases qui m'a arrêté sur le texte. En soit, elles sont bien, mais à la suite, leur structure est peut-être trop similaire :
"Dernières survivantes, faiblement accrochées à la cime des arbres, des feuilles ternes bruissent au-dessus de sa tête"
"Haute et solide, sûrement taillée dans un bois noble, vestige d’une époque plus faste, la porte d’entrée ne paraît pas fermée."
Voilà, c'est tout, chipotage terminé
Encore bravo pour ce super texte !

Merci à toutes pour vos gentils commentaires <3
Et merci à Lupi pour m'avoir flingué IRL (voir commentaire ajouté dans le texte) ^^"

Yo !
Scène très bien, de l'action, de la tension qui monte, personnage attachant. Lupi a raison, ça aurait été cool de décrire la maison. Aussi, j'ai eu l'impression que les dialogues de Arthur pouvaient ressembler à de l'audiodescription :

— Nous ne sommes qu’à quelques pas… murmure Arthur. Ce manoir est sinistre, mais pour le moment, nous n’avons pas de meilleure chance de survie.

ça ne fait pas très naturel je trouve. Mais sinon, bravo à toi c'est vraiment super !

Merci pour ta participation !