La ville naine

Les pieds plein d’échardes, Wylen s’arrêta un instant sur le bord de la route. La semelle en bois de ses chaussures s’était décomposée au fil du voyage et seules les lanières de tissu la maintenaient accrochées. La naine passa une main lasse sur ses chairs à vif. La peau de son talon, pourtant robuste, n’était plus qu’un amas sanguinolent. Heureusement, le voyage arrivait à son terme.
De loin, Myogard ressemblait à un flanc de montagne comme un autre. Les pics acérés menaçaient les nuages comme une armée de lances pointées vers le ciel, tandis que les anfractuosités donnaient l’impression qu’un géant s’était déchaîné avec un marteau, tapant ici, cognant là. Et au milieu du champ de bataille, une cité affrontait toutes les probabilités. Un climat austère, avec un vent qui vous rasait la tête et une terre boueuse incapable de retenir la moindre graine. Tout le long de la route, les convois n’arrêtaient pas de se relayer pour approvisionner la ville. Les roues de l’un d’eux chassèrent Wylen dans le fossé, où elle manqua de se tordre la cheville. Sa cape de voyage était toute crottée maintenant. Et dire que c’était un cadeau de sa maîtresse pour la protéger du froid mordant. Rouge de honte, elle essuya tant bien que mal le tissu alors que les marchands qui la dépassaient s’esclaffaient. Elle n’arrivait pas à la taille de la moitié d’entre eux, les bêtes avançaient sans se soucier d’elle. La naine se décida à rester en bordure du fossé pour éviter de se faire écraser.
- De loin, je l’avais prise pour une pierre ! rigola un adolescent, qui marchait derrière son père.
Wylen cacha ses cheveux roux dans sa capuche et fit mine de ne rien avoir entendu. Mieux valait être une pierre qu’une naine. Le moindre de ses pas était étudié pour rester la plus discrète possible, et emmitouflée dans son manteau gris, on pouvait se demander quel drôle de rocher pataugeait ainsi sur le côté, les chaussures pleines de neige fondue.
Un frisson la saisit lorsqu’elle se retrouva devant la muraille. Les blocs de pierre avaient été taillés directement dans la montagne, réputée indestructible. Même le souffle des dragons n’avait pas réussi à effriter ces sommets mille ans auparavant. Les ancêtres de Wylen avaient conquis la roche, avant de la maîtriser et d’élever leur art au niveau de la perfection. Entre leurs mains, la moindre pierre devenait aussi malléable que de l’argile. Ils la façonnaient, la modelaient, lui insufflaient la vie. Les doigts de la naine se posèrent sur une gravure géométrique, toujours aussi nette malgré la course du temps. L’immuable affrontait ici le déchainement. La cité serait éternelle comme les montagnes, en dépit de toutes les attaques des éléments. La neige recouvrait les toits pourtant, et les bourrasques fonçaient sur les portes de la ville comme des chevaux fous. L’entendre se fracasser contre la pierre taillée, mordre les motifs géométriques, arracher la poussière, et avoir l’impression d’être en sécurité car rien ne ferait jamais tomber ces murs. La naine renifla, émue malgré elle. Elle n’était pas du genre à pleurer pour un rien, la vie lui avait laissé bon nombre de rides et de cicatrices, malgré son jeune âge. Mais c’était la première fois qu’elle venait ici et elle avait l’impression d’être chez elle.
Elle dut jouer des coudes pour entrer à l’intérieur. Les voyageurs étaient tous pressés de s’abriter, surtout qu’une tempête menaçait de s’abattre. Le ciel devenait sombre, menaçant. Rapidement, les éclairs allaient tonnèrent et on se demanda si ce n’était pas une avalanche. Les habitants étaient habitués, mais les étrangers eux, avaient peur qu’un morceau de maison ne les écrase. Un mouvement de panique s’empara de la foule, qui refusait de marcher près des murs. Wylen en profita pour dépasser le groupe, elle, elle savait que la cité n’allait pas s’effondrer. Impossible.
Les humains avaient creusé des fenêtres dans les habitations depuis la conquête de la ville, trois siècles auparavant. Les nains avaient la réputation de vivre dans le noir, enfermés dans des demeures sans ouvertures dans lesquelles il fallait se faufiler comme dans un terrier. C’est ce qu’on avait toujours dit à Wylen, mais lorsqu’elle passait devant les maisons, elle reconnaissait des gravures semblables à celles de la muraille qui entouraient des balcons, des portes, et même de grandes terrasses. Les nains de l’époque ne semblaient pas vivre comme des bêtes, au contraire. Les rues larges étaient encombrées d’étalages de marchandises, de badauds et de spectacles. Une poignée de nains s’y trouvaient. L’un d’eux récurait les chaussures des passants pour une piécette, son patron en train de vendre des lacets derrière. Plus loin, un autre était grimé comme un monstre pour effrayer les enfants. Les petits humains hurlaient de rire avant de lui lancer des épluchures de légumes. Wylen préféra s’éloigner de cette scène, le cœur serré. Elle avait eu de la chance d’être achetée par sa maîtresse, elle était bonne avec elle. Ses largesses lui avaient même permis de se rendre ici, aujourd’hui, pour ce jour triste.
- Pousse-toi de là, la naine ! gueula un type en la bousculant.
Difficile de pousser une naine, même en y mettant toute sa force. Wylen fit semblant d’être déséquilibrée pour ne pas envenimer la situation et s’excusa platement.
- Ils ne sont vraiment pas dégourdis ceux-là, chuchota une femme à son époux.
- C’est une naine ma chère, ils sont gros, sales et feignants de surcroît !
- Une naine ? Voulez-vous dire qu’il s’agit d’une femme ?
Wylen s’enfuit, un foulard devant son visage pour masquer le duvet blond qui recouvrait ses joues. Il en avait profité pour repousser le temps du voyage, elle qui passait des heures à traquer le moindre poil sur sa peau. Sa course l’entraîna dans les méandres de la ville jusqu’à une place dégagée, surplombée par une statue immense. La pierre taillée représentait une femme, la main tendue vers l’est et le visage baigné des derniers rayons de soleil. Le tissu était plissé par vagues délicates qui descendait jusqu’aux pieds.

[En bas de la statue il y a un échafaud et on apprend que Wylen est venue ici parce que son frère est exécuté pour vol mais je n’ai pas eu le temps de finir, les descriptions m’ont trop pris la tête T_T]

Qu'est-ce que c'est triste ! T.T Et du coup, en lisant le passage entre crochets, je le trouve encore plus triste. Les descriptions sont poignantes et permettent d'installer une super atmosphère ! Bravo.

j'ai beaucoup aimé ton texte que je trouve poignant, prenant et triste.
je trouve que tes description nous aides à nous immerger dans ton univers.
Heureusement que tu as ajouté ces deux ligne à la fin parce que j'aurai été déçu de ne pas connaitre l'objectif de la naine

Bravo j'ai adoré

Ton histoire est vraiment poignante, on ressent de la tristesse et de l'injustice pour Wylen. J'ai adoré tes descriptions qui sont très vivantes et qui retranscrivent bien l'atmosphère de la ville.
Bravo !

Les descriptions sont chouettes mais j'ai du mal à rester concentrer dessus, je m'égards souvent ^^' Et les dialogues sont vraiment cools !

Hello,
Un texte très touchant avec des descriptions par touches.
Une triste raison de se rendre dans cet endroit.