La malédiction de Méloïse

Partie 1

Méloïse n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi beau et d’aussi laid à la fois. La perfection des traits du Prince Alwin était gâchée dès lors qu’il ouvrait la bouche, sa voix traînante et ses paroles odieuses la déformant de la plus écoeurante des manières. Même quand il ne disait rien, sa laideur intérieure transparaissait au travers de son expression hautaine et désintéressée.

Méloïse avait bouilli de rage dès l’instant où le Prince avait haussé un sourcil dédaigneux en entendant le discours de son jeune frère. Constantin avait expliqué à son altesse Alwin, en visite princière dans le petit village de Fredulon, qu’il ne souhaitait pas reprendre l’entreprise agricole de leurs parents, mais suivre ses rêves et créer des vêtements si beaux et originaux qu’ils pourraient être portés à la Cour. Le Prince, officiellement venu rencontrer son peuple, l’avait ouvertement rabaissé. Méloïse voyait très bien les rouages tourner dans la tête du régent : moins de récoltes, moins d'impôts pour la Caisse Royale. Le souverain qui leur devait protection n’avait que faire de son peuple. Elle avait entendu les rumeurs. Elles étaient désormais confirmées.

Son frère avait rougi, balbutié, lancé un regard aux alentours en quête de soutien, mais n’en avait reçu aucun. Au contraire, des ricanements s’étaient même faits entendre. Après tout, n’était-on pas censé approuver et trouver très intelligent tout ce qui sortait de la bouche d’un Prince ? Méloïse avait vu rouge. Ce crétin allait le regretter.
Discrètement, elle écarta les doigts, canalisant son énergie, préparant son sort. Le pouvoir gonfla tandis qu’elle le domptait avec des paroles rapides prononcées à voix basse et fervente dans une langue inconnue de tous. Inconsciemment attiré par cet afflux magique, le Prince tourna la tête vers elle. Un sourire enjôleur de la part de la demoiselle et un mouvement de robe suffirent à faire tomber l’idiot dans ses filets. Il s’approcha d’elle, se disant sans doute qu’il venait de trouver la couche dans laquelle il passerait la nuit. Elle savoura l’expression de son visage, qui changea du tout au tout quand il posa la main sur son épaule nue. Trop tard, le sort remontait déjà le long du bras princier, prenant rapidement son être en otage malgré la stupéfaction d’Alwin.

“Soit maudit, Prince Alwin” lui chuchota-t-elle, tels des mots enflammés que l’on susurre à un amant. “Tu seras désormais à la servitude de tous. Dès lors que l’on demandera ton aide, tu n'auras pas d'autre choix que de t'exécuter. Satisfaire ton solliciteur deviendra ton seul et unique dessein. Tu oublieras tes désirs, tes besoins, tu iras jusqu’à perdre la vie s’il le faut”.

Le Prince la dévisagea, incapable de réagir alors qu’elle lui caressait la joue de manière moqueuse avant de s’éloigner avec une démarche assurée malgré des mains tremblantes que personne ne pouvaient voir.

Partie 2

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