Tout ça pour une boîte à chaussures

Coucou les miettes! Voilà mon inspiration d'aujourd'hui à la fin très rushée, j'espère que vous apprécierez    Bonne lecture !

La première chose qui me vint à l’esprit, c’est qu’il faisait bougrement froid. Je me serais allongé nu dans la neige, ça aurait été pareil. Je remuai. Mon corps était étrange. Je me sentais raide, un peu comme ces grands mannequins qu’on trouve dans les vitrines des couturiers avec des bras aussi gros que des bûches. C’était pas possible d’être engourdi à ce point ! Je voulais me lever ! C’était quand même pas compliqué ! J’envoyai valdinguer ce qui se trouvait sur moi, un espèce de drap fin qui n’avait servi à rien puisque je me réveillais complètement gelé. C’est que je commençais à m’énerver, à la fin ! Je m’appuyai sur mes coudes pour me redresser.

J’entendis une voix, toute proche de moi.

« Oh là, doucement grand-père ! »

C’est à ce moment que j’ouvris les yeux, furibond. Je découvris face à moi une femme, plutôt jeune. Elle avait une longue tresse auburn nouée sur le côté de sa tête dont le bout venait lui chatouiller le haut des seins. Elle était plutôt petite, un peu rondelette. Mais ce que je remarquai surtout, ce fut son regard. Deux grands yeux gris avec des sourcils bien dessinés qui semblaient plus grands derrière ses lunettes rondes. Et ces petites tâches de rousseur… Ce menton fier, prononcé… Elle ressemblait à…

« Angéline ? C’est toi ? » M’écriai-je.
« Ah non, pas du tout. Il y a erreur sur la personne. Moi, c’est Flore. Mais je ne vous en veux pas, j’ai entendu toute ma vie que je lui ressemblais, donc je suppose que ça doit être vrai. »

Flore ? Je la dévisageai, circonspect. Ce nom-là ne me disait rien du tout. En y faisant plus attention, il y avait bien des différences avec mon Angéline. Par exemple, Angéline n’avait jamais eu de grain de beauté sur la joue gauche, pas plus qu’elle n’avait de petit diamant fixé sur une narine. Qu’est-ce que c’était que ce machin-là ? Et cet accoutrement ? La Flore en question était affublée d’un pantalon bleu avec des trous si grands qu’ils semblaient avoir été causé par un troupeau d’ours en furie. Au-dessus de ça, un chandail en laine verte laissait apparaitre un bout de son ventre.

«Vous êtes qui vous ? » Lançai-je à son intention.

La jeune femme mal fagotée me fixa, agacée.

« Eh ben dîtes, la politesse c’est pas votre fort. En général, on commence par bonjour. Mais bon, je suppose qu’on va devoir s’en contenter. Commençons par le plus simple. Vous connaissez votre nom ?
- Si je connais mon… ? Mais bien évidemment, foutredieu ! M’emportai-je. Je suis Léopold Maximus d’Augourt, comte de Portnelly ! Ce n’est pas la question !
- Ah, parfait ! Dit l’impertinente avec un sourire satisfait. Vous avez conservé votre mémoire. Au moins on gagnera du temps. Et où sommes-nous ?
- Où nous sommes ? Mais ça me parait clair ! Nous sommes, ou plus exactement, vous êtes chez moi ! Le Manoir Portnelly ! Vous n’avez qu’à regarder autour de vous ! Je ne sais pas qui vous a laissé entrer avec ces guenilles sur le dos mais je vais vous sommer de débarrasser le plancher immédiatem… »

J’avais amorcé un grand geste de la main pour lui montrer toute la splendeur de son environnement. Je m’arrêtai net. La pièce dans laquelle nous nous trouvions avait bien piètre allure, en réalité. Les murs étaient recouverts de tapisseries délavées, les meubles d’une poussière grise épaisse. Des toiles d’araignée pendaient des candélabres disposés aux quatre coins de la chambre. Et le plus surprenant, c’est qu’il y avait aussi tout un équipement que je ne connaissais pas. On avait posé sur un guéridon deux grosses boîtes sombres empilées qui émettaient de la lumière bleuâtre. Il y avait des sortes de lignes de textes dans la boîte supérieure et un petit engin relié par un fil juste à côté posé sur un petit tapis, à peine plus grand qu’une main. C’était loin d’être la seule chose inexplicable. Lorsque je baissai les yeux vers mes jambes, je remarquai que j’étais allongé sur une sorte de table brillante. C’était à cause d’elle que j’avais si froid. Où diable était mon lit ? Et comme si ça ne suffisait pas, je distinguai enfin un amoncellement d’objets disposés en cercle tout autour de moi. Des pétales rouges, une poudre blanche qui ressemblait beaucoup à du sel, des bougies allumées, des mèches de cheveux -ou bien était-ce du crin de cheval ?-, des pages de livres éparpillées et…

Les doigts de Flore claquèrent juste devant mon visage et me firent sursauter.

« Grand-père ? Eh oh ? Vous êtes avec moi ? »

Je levai les yeux vers elle, soudain pris de panique.

« C’est quoi tout ça ? Lui demandai-je, désignant tout le fourbis entassé au sol. Qu’est-ce que vous m’avez fait ? Qui êtes-vous ? Au secours ! »
- Calmez-vous, Léopold. Vous permettez que je vous appelle Léopold ? Ce sera plus court que grand-père ou grand-papy. Je vais tout vous expliquer. Mais avant, respirez un grand coup. Il faut décrasser un peu ces poumons, ils n’ont pas servi depuis un moment. Allez-y, faites-le avec moi. Inspirez. Expirez. »

Elle prit deux-trois inspirations longues pour me montrer la marche à suivre. D’abord sceptique, je suivis tout de même son conseil. Au bout de cinq, j’avais l’impression que ça commençait à marcher. Rassurée de me voir écouter ses instructions, Flore vint s’asseoir au bord de la table et me prit la main.

« Je ne sais pas vraiment ce qu’on dit dans ces cas-là, alors je vais faire de mon mieux. Je vous l’ai dit, je m’appelle Flore, Flore d’Augourt. Je suis votre arrière-petite-fille. Et euh… Je… Vous ai ramené d’entre les morts. Si on peut dire. »

Mort ? J’étais donc mort ? Mais comment était-ce possible ? C’était ridicule ! Pendant un moment, je fus tenté de rire. Mais quelque chose dans l’air sérieux de Flore parvint bizarrement à me convaincre. Alors mon rire se transforma en angoisse. Mort… Et depuis quand ? Que m’était-il arrivé ?

« Vous êtes décédé le 28 octobre 1961, commença Flore qui semblait lire à l’intérieur de ma tête. D’une méningite, d’après ce qu’on m’a raconté, et dans cette chambre en plus. Votre femme, Angéline, vous a suivi onze ans plus tard. Vous aviez trois fils. Philibert, Gustave, et Basile. Vous vous souvenez ?
- Je… Je crois…
- Concentrez-vous, Léopold. Je vais vous parler de Basile, parce que c’est celui que je connais le mieux. Basile, après votre mort, a fait sa vie et s’est marié. Il a eu à son tour quatre enfants, deux garçons et deux filles. Moi, je suis la fille de Vincent, le dernier de ses fils. Je suis votre arrière-petite-fille. Vous comprenez ?

Plus ou moins. Au fur et à mesure que Flore enchaînait les explications, j’avais l’impression de retrouver un peu le fil. Des images me revenaient et se mélangeaient. Je me souvenais un peu de mes fils, de mon Angéline. Et cette Flore-là… Je la regardai sans vraiment la voir. Était-elle vraiment ma descendante ?

- Si tout ça est vrai… Murmurai-je, serrant sa main. Quand sommes-nous ? Quand es-tu née ?
- Nous sommes le 1er mars 2012. M’annonça-t-elle comme si c’était une évidence. Je suis née le 8 janvier 1982.

2012 ? Je pris le coup de massue en pleine poire. Si j’avais été vivant, je serais probablement mort une deuxième fois sous le choc. Et j’avais la sensation que ça n’allait pas s’arranger par la suite… Je me décidai à poser la question qui me trottait dans la tête.

- Pourquoi je suis là au juste ?
- Ça, Léopold, c’est entièrement votre faute ! Sans vouloir vous vexer… »

Flore croisa les bras, me lança un regard plein de reproches. Avec cette mine-là, je devais bien avouer qu’elle me ressemblait un peu. Il y avait bien du tempérament d’Augourt dans ces sourcils froncés. D’un signe de tête, je lui demandai de continuer son histoire. Elle ne se fit pas prier.

« Vous savez, je n’aurais jamais cru devoir faire ça un jour. Risquer mon boulot en volant un cadavre à la morgue pour le ramener dans une grande baraque poussiéreuse, devoir chercher tout un rituel de réincarnation, tout ça… On n’est pas vraiment branchés spiritisme, résurrection des morts et rituels magiques dans cette famille, pourtant. On trouve vraiment de tout sur Internet c’est dingue.
- Inter-quoi ?
- Euh… Oubliez ça pour l’instant, d’accord ? Je n’avais pas le choix de toute façon. Je n’irai pas par quatre chemins, Léopold. Vous devez m’aider à sauver le Manoir Portnelly. Vous l’avez bâti de vos propres mains et il a toujours été dans la famille depuis. Le problème, c’est qu’il coute cher à l’entretien et au chauffage ce mastodonte ! Entre nous, vous aviez vraiment besoin de construire huit salles de bains et trois cuisines ? Enfin bon, ce n’est pas le sujet. Notre famille est écrasée de dettes. A votre époque, on était encore considérés comme des bourgeois respectables avec un petit peu de sang noble qui remonte à très longtemps. Mais ce n’est plus le cas à notre siècle. Nous allons bientôt devoir vendre la propriété. Mon père, Vincent, ne peut plus assumer les traites tout seul. Ma tante Léonie est partie s’installer au Venezuela avec son mari, mon oncle Joseph flambe tout l’argent qui lui reste au poker et mon autre tante Diane fait partie d’une troupe de cirque qui voyage dans tout le pays. Il n’y a que mon père qui s’obstine à vouloir garder ce manoir alors qu’il se ruine un peu plus chaque mois.
- Mais je ne vois pas en quoi…
- Vous savez pourquoi il y tient autant à ce manoir Portnelly ? C’est parce que, de votre vivant, vous vous êtes amusé à laisser tout un tas de petits messages planqués un peu partout dans les meubles. Ah, vous aimiez bien les raconter vos histoires du temps où vous étiez percepteur d’impôts ! On en a trouvé toute une collection avec les années. Et si on en est là aujourd’hui, c’est à cause de votre boîte à chaussures ! Vous vous souvenez de votre boîte à chaussures ? Dans vos messages, c’est là-dedans que vous dîtes avoir caché des poignées entières de joyaux qu’un bijoutier vous a offert en paiement et que vous vous êtes -passez-moi l’expression-  bien mis dans la poche. Je ne vous juge pas, mais toujours est-il qu’à cause de vous et de vos récits mystérieux, mon père et son père avant lui se sont mis dans la tête de retrouver ces fameux joyaux. Ils ont eu beau retourner toute la maison pendant toute leur existence, ils n’ont jamais pu mettre la main sur cette foutue boîte à chaussures ! Ah ça valait bien le coup de faire des énigmes en vous prenant pour un seigneur pirate ! Mais si vous vouliez qu’on le retrouve votre trésor, vous auriez dû nous donner des indications claires ! C’est pour ça que vous devez m’aider. Il n’y a que ces joyaux qui nous permettront de rembourser nos dettes. Alors, Léopold vous êtes partant ? »

J'ai beaucoup apprécié, avec quelques difficultés au début. Certaines phrases de narration y étaient un peu trop longues à mon goût, mais je pense qu'une virgule ou deux suffiraient à régler le problème .

Impressionné par un tel résultat en 1h30, c'est beaucoup d'écriture pour une histoire en plus très claire et lucide. J'ignore si tu comptes garder votre idée quelque part, mais je t'y encourage si tel est le cas.

Comme quoi j'ai réussi à te lire malgré la flûte qui m'est restée haha

Merci à toi Frexantin et déjà bravo pour avoir réussi à te plonger dedans malgré cette flûte infernale Moi il m'a fallu du calme pour avoir ma pleine concentration pour découvrir les textes des autres ^^

Je partage ton avis sur les phrases longues, c'est quelque chose que je travaille énormément dans mon écriture parce que j'ai tendance à avoir ce défaut. Là évidemment il n'y a pas eu de correction mais avec plus de temps j'aurais raccourci quelques-unes d'entre elles, surtout vers la fin où là j'ai plus joué le chronomètre que la réflexion. Malgré tout contente que l'idée t'ait plu je me suis bien amusée à l'écrire

Merci d'être passé par là

J'aime beaucoup cette histoire ! J'espère qu'on verra un jour la suite de cette chasse au trésor (ça serait drôle que Léopold ne se souvienne plus des détails, et se retrouve à chercher lui aussi)

Bravo pour ce texte ! Comme ton personnage, on recolle les morceaux petit à petit et c'est surprenant comme scénario. Je suis un peu restée sur ma faim, j'avais envie de lire la suite ^^

Merci beaucoup vous deux !

@Marie, je n'ai pas eu le temps de le préciser mais en effet j'avais prévu que Léopold ait de gros trous de mémoire. Et je me tatais même à dire qu'il avait carrément inventé cette histoire de joyaux pour se la raconter vu qu'il se prenait pour un grand aristocrate. Ça aurait été drôle du coup de voir que Flore s'est donné tout ce mal pour rien

@misstic, oui c'était l'idée ^^ Je n'ai pas eu le temps de mettre tout ce que je voulais. Notamment que le corps de Léopold n'a plus rien à voir avec celui qu'il avait à la base, mais le chrono m'a stoppée. Contente que ça t'ait plu

J'ai adoré l'idée de ce texte, je ne m'y attendais pas. C'est très bien écrit et fluide. Je me demande s'il va lui dit ou se trouve la boîte ou bien qu'il est tout inventé. Cela serais horrible étant donné que Flore a pris énormément de risque pour rien. J'ai adoré quand il se réveille et qu'il la voit ainsi que l'état de la pièce.

Merci beaucoup pour ton message J'hésitais vraiment entre les deux options donc très sincèrement je n'ai pas de réponse... Dans un cas, on aurait une quête assez loufoque avec lui qui retrouve peu à peu ses souvenirs et dans l'autre un bon gros bordel où il devrait trouver une solution pour aider Flore malgré sa connerie... Ça mériterait réflexion ^^

J'ai beaucoup aimé le texte et j'aurais bien aimé lire la suite! Le grand père a un sacré caractère, les dialogues sont fluides et les descriptions sont efficaces, bien joué! Comme dit plus haut, c'était inattendu et l'idée est originale, surtout avec la boite à chaussures et la résurrection faite par l'arrière petite fille. J'ai juste eu un peu de mal à rentrer dans l'histoire au tout début, mais une fois qu'on est dedans, on ne s'arrête plus!

Merci beaucoup Allya Oui je voulais un grand-père bougon qui râle beaucoup Le début n'est pas forcément facile, je suis d'accord je donne très peu d'éléments pour s'immerger. Avec plus de temps j'aurais sans doute fait ça un peu mieux ^^

Hello ! Bravo pour ton texte ! Il est agréable à lire, tu fais très attention au rythme et tout s'enchaîne très bien !
Tes images sont bien trouvées aussi !
La description de l'ordinateur coince un peu selon moi. Je trouve que les dialogues à la fin sont trop longs (mais manque de temps j'imagine). A part ça, bravo à toi et merci pour ta participation !