la maison hantée

La maison craquait de partout comme une vieille carcasse. Avec le vent, elle s’agitait, remuait, tremblait du sol au plafond. La pluie avait gondolé ses murs et elle peinait à respirer. On sentait son étouffement dès qu’on posait un pied à l’intérieur, l’air était pourri, vicié. Ça puait la charogne à vous coller la gerbe, vous faisait dresser les poils de narine jusqu’à ce que l’odeur vous dévore. La puanteur ne vous lâchait jamais, où que vous alliez. De toute façon, ce n’est pas comme si c’était possible de sortir d’ici.
- Ils sont là ! trépigna Bertin. Ils sont là ! Ils sont là !
Ses incisives ressemblaient à la proue d’un navire, avec sa bouche en avant et son menton prononcé. Les yeux pâles, il avait toujours l’air rêveur ou absent. Comme si le monde pouvait défiler devant lui sans qu’il s’en aperçoive. Mais peut-être avions-nous tous cet air-là.
- On va l’faire Nick ? hein ? On va l’faire ?
Il trépignait comme un gosse, son short sale suivant ses petits bonds. La traînée de sang qu’il avait sur sa chemise de scout dessinait un bavoir. Certains l’appelaient « bébé » à cause de ça.
- Oh oui on va l’faire. Mais patience, lui intimai-je en dressant l’index.
Un sourire béat naquit sur son visage. Avec la gorge tranchée qu’il arborait en dessous, ça donnait un drôle d’effet. Un double sourire. Un sourire au carré. Les chairs remuaient comme les branchies d’un poisson.
Je me retournai vers la vitre crade. Une bande d’ados se trouvait devant la baraque, leurs sacs de cours encore sur l’épaule. Deux filles et trois garçons, les bras nus à cause de la chaleur qui régnait. Silence à l’intérieur des murs. Brouhaha à l’extérieur. Le groupe devait se tâter à entrer. A chaque fois, ça leur prenait quelques minutes pour se décider. Avant j’écoutais à la porte ce qu’ils racontaient, la soi-disant « légende de la maison hantée de Craven Hill ». Plus maintenant. Ça avait tendance à m’énerver.
- Mais c’est des conneries, y’a personne là-dedans ! On jette un œil et on sort, promis. On va pas se dégonfler quand même.
- C’est clair. Au pire, moi les fantômes j’les fume. J’les attends ! se chauffa un type à la musculature de patineur.
Une secousse agita l’étagère à côté, comme une ondulation sur une mare. La décharge était partie de moi avant de s’élargir à toute la pièce. Je me calmai aussitôt. Si mes énergies perçaient les murs, le groupe risquait de partir. Maux de tête, malaise, impression qu’il ne faut trouver n’importe quelle excuse pour ne pas rentrer… déjà que je devais envoyer « bébé » à l’autre bout de la baraque pour qu’il garde ses ondes de barje.
Petit déclic provenant de l’entrée. Ça y’est le groupe était là. Pour l’instant, ils regardaient partout en guettant les ombres, frémissant au moindre grincement. Cette scène me rendait toujours nostalgique alors je m’éloignai pour leur laisser de l’espace. La goutte de sueur qui coule long du dos, les murmures qui remplacent vite les paroles, les mains qui plongent dans les poches pour essuyer la transpiration…
- Yes bitch, on l’a fait ! Allez, on prend un truc et on s’casse.
- Nan mais c’est bon Zack, on a dit qu’on entrait, c’est fait. Maintenant on y va.
- Allez, vous allez pas flipper !
Les filles étaient toujours plus prudentes. Ce n’était pas de la peur, juste du bon sens. Le moindre clou effleuré ici pouvait vous filer le tétanos.
Le groupe se dispersa et je choisis de suivre un couple qui se tenait la main.
Trop mignon.
Ils passaient d’une pièce à l’autre en se plaquant des baisers sonores à peu près partout. La fille faisait exprès de se trémousser dans son jean et le gars suivait… elle pouvait l’emmener jusqu’en Chine si elle le voulait.
- T’as vu ce truc ? dit-elle en montrant une figurine sur la cheminée.
Le salon avait été vidé de ses meubles depuis longtemps, mais il restait toujours l’âtre de la demeure. Une statuette en porcelaine était posée sur le rebord. La peinture s’écaillait, mais on distinguait bien les contours d’une femme en robe. Des traces de poussière maculaient son visage austère, mouchetées de taches claires.
- On dirait des empreintes.
Les deux se regardèrent, surpris. Quel était le sens de cette statuette ? Que faisait-elle là ? Pourquoi d’autres personnes l’avaient mise ici ?
Je ricanai doucement. J’adorais leur poser des énigmes.
- Hey les gars ! On a trouvé un truc à ramener.
Ils prirent la figurine et la fille la mit dans son sac. Retour dans le vestibule. Mais personne ne les y avait rejoints. Je me frottai les mains, c’était maintenant que le spectacle commençait.
- Les gars ? Allez, faites pas les cons. On va être en retard chez Jay.
Le silence. Toujours le silence dans cette foutue demeure. Même le bois avait arrêté de grincer et le vent s’était calmé. Le malaise arrivait à ce moment-là, dévorant petit à petit le ventre, mâchouillant les organes jusqu’à ce qu’ils deviennent de la bouillie. Je m’imaginai être un dragon au fond de sa caverne, les mâchoires pleines d’âmes. Le crissement de mes dents ne s’arrêtait jamais, je les frottais l’une contre l’autre jusqu’à ce que les morts disparaissent. Et je continuais après. Affamé.
La fille prit la main de son mec.
- Ils sont sûrement déjà partis. Ils nous font une blague.
Je glissai dans son dos et tendis la main vers ses cheveux. Des cheveux roux, aussi fins que des plumes. Les boucles descendaient en cascade jusqu’à ses épaules. Je les effleurai, tout doucement. Avec une sensualité presque romantique. La gamine hurla.
- Y’a un truc qui m’a touché !
Ses ongles s’étaient plongés dans le bras de son copain. Avant qu’il puisse comprendre ce qu’il se passait, je lui expédiai une tape sur la nuque.
- Oh ! c’est quoi ce bordel !
Il chercha ses amis du regard, au cas où ça serait eux.
[PAS EU LE TEMPS DE FINIR ^^ à la fin, les deux meurent et ils rejoignent les fantômes de la maison]

J'ai adoré ton texte. Pour un premier jet, c'est déjà bien abouti, même s'il n'est pas fini. On voit la patte du maître.

Mais c'est difficile de commenter un premier jet puisque s'il devait être exploité, il serait retravaillé de toute façon.

J'ai bien aimé le texte. C'était vraiment bien décrire, j'avais l'impression d'y être. Cela m'a permis de voir ou je peux améliorer mes textes. L'idée de fin est bien.

L'ambiance est super bien mise en place, on s'y croirait. La caractérisation des personnages, aussi ! Notamment Bertin, j'ai une vision bien gore et très claire de lui.
J'aime beaucoup l'idée de fin également !

Très sympa cette idée, je trouve que tu étais bien inspirée contrairement à ce que tu nous as dit x) Effectivement on sent la maîtrise dès les premiers mots mais est-ce si surprenant venant de notre reine Miette ? 🥰 J'ai bien aimé ton perso principal qui a l'air de beaucoup s'amuser à troller les ados avant de les tuer. Dommage qu'il n'y ait pas plus de temps parce qu'à mon avis le moment de la tuerie aurait été vraiment cool à suivre x)