Un mariage lumineux

"Raymond : Tu es vraiment sûr qu'il faut se marier ?

Armelle : j'ai les alliances. Écoute, après tout le mal qu'on s'est donné pour les avoir, après toutes ses années de recherche, de découragement, d'espoir, on douterait si près du but ?

Ils étaient devant le porche d'un vieux monastère perdu dans la montagne italienne. Le soleil inondait les pavés noircis par le temps, les éblouissant presque. La végétation avait repris ses droits et poussait entre les pavés, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur du petit monument.

Raymond : Tu sais, c'est pas parce-qu'on s'est donné du mal pour obtenir quelque chose qu'on n'a pas le droit d'y renoncer au dernier moment...

Armelle, songeuse, fit rouler les alliances sur le sol du bout de son aile droite. Ourlées de nacre, une douce lumière émanait d'elles. Il s'en dégageait quelque chose de magique et de réconfortant à la fois, c'était difficile à expliquer. Mais rien qu'en les ayant près d'elle, Armelle se sentait déjà plus libre. L'espoir, voilà ce qu'elle ressentait, et l'inconnu qui fait si peur, mais on est créateur de sa vie n'est-ce pas ? Alors c'est inconnu, certes, mais c'est façonnable, toujours.

Armelle, dans un murmure : J'y crois moi tu sais, au pouvoir des alliances, je pense réellement que nous retrouverons notre forme humaine.

Raymond : Mais moi aussi j'y crois ! C'est justement ça ! Est-ce qu'on veut vraiment retrouver notre forme humaine après tout ? Il va falloir se réhabituer à vivre avec des gens, des gens ! Ça fait tellement longtemps... Et puis, nos ailes, on ne pourra plus voler, jamais.

Armelle : On volera différemment, en imagination, en rêve, ou même avec ces grandes voiles colorées perchées dans le ciel. Comment ça s'appelle déjà ? Je ne trouve plus le mot...

Raymond : Un parapente ! C'est vrai ma mie, les humains naissent peut-être tous nus et tous démunis, mais ils inventent de sacré trucs.

Armelle : Oui ! Et puis on aura de nouveau des mains, des doigts, des pouces et même des index qu'on pourra faire danser, pense à tout ce qu'on pourra créer !

Raymond : Ca fait tellement longtemps... On était si jeunes quand la malédiction nous a frappé. J'ai hâte de voir à quoi on va ressembler maintenant qu'on est vieux.

Armelle : Peu importe ta forme, je t'aimerai toujours. La forme importe si peu... On a eu de la chance de pouvoir expérimenter ça de manière si concrète.

Armelle tendit son petit cou et effleura de son bec celui de Raymond.

Armelle : "Je t'aimais tellement quand on nous a jeté le sort, et je t'ai aimé de la même manière après. On change de forme, mais notre âme et notre cœur restent les mêmes."

Raymond : Ils pensaient nous punir, ils nous ont fait un cadeau...

Ils rirent, un rire sonore et claquant, le genre de rire que seule leur espèce pouvait produire.

Armelle : Alors on le fait ? J'ai besoin de savoir que tu es d'accord et sûr de toi, j'ai besoin d'être rassurée. Parce qu'une fois le mariage scellé, le sortilège sera brisé pour toujours et il n'y aura plus de retour possible.

Raymond : On y va, je suis sûr. Un nouveau chapitre commence pour nous, et même si j'ai plein de peurs, j'ai envie d'y aller. Et tant qu'on est ensemble, je suis heureux.

Armelle regarda tendrement Raymond et sourit. De son bec de Mouette, elle ouvrit la page centrale du recueil qui se trouvait à leurs pattes. Se collant l'un à l'autre, ils récitèrent ensemble les phrases inscrites, puis échangèrent leur voeux, chacun avec une patte posée sur l'une des alliances.

"Par cette alliance, je te prends pour époux... pour épouse..."

Une lumière éclatante les engloba d'un coup, surgissant du recueil. Leurs plumes se mirent à scintiller, leurs ailes semblèrent s'allonger tandis qu'ils se sentait grandir et grandir encore comme pour se rapprocher du ciel.
Au loin, une petite fille chantonnait : Une mouette, une mouette...

Un super texte que j'ai trouvé original. J'ai bien aimé l'histoire avec le sortilège. Et l'écriture était bien aussi.

Merci Lian !

Hello ! Je trouve l'idée super originale, bravo !
Le texte est très bien, je suis juste peinée lorsque je vois "c'était difficile à expliquer" car en tant que auteur/narrateur on est justement censé trouver les mots pour faire passer les choses au lecteur. Et j'ai trouvé que "truc" dans le dialogue cassait un peu le style des autres échanges.
Mais bravo à toi !