(Carte Tarot Hermite)

(Hermite, "endroit" : introspection, sagesse, patience, intériorisation, recherche.) J'ai fait ce que je pouvais avec ça !

Aponi ferma les yeux pour se concentrer, ralentit sa respiration. Il faut que ça marche, songea-t-elle en écoutant les battements irréguliers de son cœur. Elle eut bientôt l’impression d’absorber la nuit qui l’entourait. Tout était sombre.

Le bruit des animaux nocturnes baissa en intensité jusqu’à devenir imperceptible. Aponi remua précautionneusement les doigts, puis les paupières. Elle prit une lente inspiration, espérant vaincre l’inquiétude qui serrait sa gorge. Ça ne changea guère son état, bien au contraire. Mais tant pis, elle n’avait pas le choix.

Aponi rouvrit doucement les yeux, mâchoire serrée, puis étouffa un hoquet de surprise. Le noir complet, sans la lueur de la lune que filtrait le toit, sans le ronflement rassurant de la cheminée. Rien d’autre que l’obscurité et une fraîcheur plutôt agréable. Aponi se pencha vers le sol et y tendit timidement les doigts. Le contact – ou plutôt l’absence de contact lui déclencha un frisson.

Oui, elle était au bon endroit. Elle hocha la tête pour elle-même et avança à petits pas dans la vaste salle de son propre esprit.
Je finirai par le trouver, se dit Aponi tout en progressant dans le noir, une main tendue pour vérifier un potentiel obstacle. Quelle idiote, bien sûr qu’il n’y avait pas d’obstacle matériel dans cet endroit ! Malgré tout, elle devait se raccrocher à son faible sentiment de confiance pour continuer sa recherche.

Comment reconnaître ce qu’elle cherchait ? Cette question la laissait dans une confusion pénible. Elle avait l’impression d’être aveugle et de nager en plein océan, sans savoir si elle trouverait de quoi s’accrocher. Pourtant, c’était bel et bien ce qui se passait.
Yeux grands ouverts et sens en alerte, Aponi tentait de repérer la moindre chose qui indiquerait son trésor.

Il peut adopter n’importe quelle apparence, se souvint Aponi. Elle secoua la tête, lèvres pincées. Voilà qui m’aide beaucoup.
Aponi se détendit un peu plus tandis qu’elle avançait. Néanmoins, il n’y avait toujours rien. Aucune image, aucun bruit. C’était peut-être le plus perturbant ; ses pas n’émettaient pas le moindre son.

Elle hésita un moment, puis s’arrêta, pivota sur elle-même pour sonder l’obscurité. Même sa propre respiration était silencieuse. Aponi s’accroupit, comme pour devenir invisible, ou peut-être faire semblant de ne faire qu’un avec cet endroit. Peut-être était-ce la clef. Après tout, on ne lui avait donné que peu d’information sur son trésor.

Évidemment, rien ne se produisit. Frustrée, Aponi se releva d’un bond et se remit en route.
Y avait-il une fin à cet endroit ? Une limite ? Aponi se sentit pâlir en pensant qu’elle pouvait tout aussi bien marcher des heures, des jours ou bien même des années sans trouver quoi que ce soit. Mais elle pouvait toujours partir, ce qui signifiait aussi abandonner. Et ça, elle ne pouvait plus se le permettre.

Aponi ravala les prémices de sanglots et se força à réfléchir. Elle leva les yeux vers le voile noir et tenta de visualiser quelque chose, n’importe quoi. Rien.
Elle se reporta alors sur le sol, les « murs », mais rien ne se matérialisait. Et si ce n’était pas visuel ? Aponi tendit une main devant elle, concentrant ses forces sur un quelconque objet ou matière. Mais le vide enveloppait toujours ses doigts.

Mue par son instinct – ou peut-être la crainte de revenir sans rien –, elle continua d’avancer tout droit, changeant parfois de direction.

Sa famille dépendait d’elle, abandonner sa recherche venait à les condamner.
Une pointe douloureuse perça sa poitrine, mais Aponi s’obligea à l’ignorer. Sa famille… Non, elle ne pouvait leur faire subir un drame une deuxième fois. La détermination l’emporta alors sur sa peur, bien qu’elle reste teintée d’incertitude.

Aponi pressa le pas, défia sa peur. Elle repensa à son corps physique quitté un peu plus tôt, avant d’entrer dans ses pensées. Étendu sur le lit recouvert de couvertures rêches... Elle visualisa son propre visage ; il était serein, confiant. Probablement à l’opposé de ce qu’il était réellement, mais ce mensonge rassura Aponi.

Elle s’arrêta net, manquant de perdre l’équilibre sur le sol immatériel. Une lueur dorée émanait au loin. Aponi cligna plusieurs fois des yeux pour s’assurer que c’était bien réel. Après tout, elle ne serait pas étonnée que la folie la guette.
Aponi se surprise à sourire alors qu’elle se dirigeait vers la lueur. Cette dernière se fit plus intense à mesure qu’elle approchait.
Le doute s’évapora immédiatement lorsqu’Aponi put la toucher. La lumière émettait une faible chaleur et semblait parcourir son corps entier. Tous ses doutes s’évaporèrent alors ; elle avait trouvé ce qu’elle cherchait.