Ce qu'on fait par amour

Froide nuit d’automne
Quand l’espoir a disparu
Rôde la créature


Londres
Un soir d’octobre


— Aïe ! cria Arthur.
La lame avait dérapé et une nouvelle plaie cisaillait maintenant la peau du jeune amoureux. Dans cette obscure cellule, il n’était pas aisé de se raser convenablement.
— Que se passe-t-il, cher ami ?
Arthur sursauta. D’un bond, il se détourna de l’évier inondé de mousse et brandit son rasoir devant lui. Son cœur palpitait. Ses pupilles se dilataient. La nuit tombait à peine et ses yeux n’étaient pas encore accoutumés à ce nouveau train de vie.
— Baissez cette lame, enfin ! souffla une voix familière.
À travers l’obscurité, Arthur parvint peu à peu à reconnaître le visage de Miss Lucy, l’amour de sa vie.
— C’est ridicule ! lança-t-elle sur le ton de la plaisanterie. Quel mal pourriez-vous donc me faire avec ça ?
Avec son rasoir toujours tenu en l’air, prêt à frapper une menace imaginaire, Arthur se sentit tout à coup bien ridicule.
— Il faudrait vous défaire de vos anciens réflexes… le sermonnait régulièrement Miss Lucy. Vous avez une image à soigner, vous n’avez plus à sursauter quand quelqu’un entre dans une pièce. Désormais, laissez aux autres le soin de le faire.
Déposant une serviette chaude sur le rebord de l’évier, Miss Lucy se saisit du rasoir et entreprit d’achever la tâche qu’Arthur avait tant de mal à accomplir seul. Il finirait par s’habituer… Tout comme elle avait su le faire. Son fiancé avait encore tant de choses à désapprendre !
— Ça aussi, c’est une vieille habitude à perdre… lui glissa-t-elle en remuant le rasoir devant son nez.
— Me raser ?
— Mais non, simplet ! s’esclaffa-t-elle.
— Pardon, mais…
— Je lis de l’incompréhension sur votre visage, mon cher ami. Laissez-moi m’occuper de vous et vous apprendrez, le moment venu, que vous disposez en vous-même d’armes bien plus efficaces que cette lame ridicule…
Sur ces paroles, Miss Lucy s’appliqua à parfaire le rasage de son jeune ami. Leurs nouvelles… dispositions ne les dispensaient pas de se tenir frais et présentables en toutes circonstances. Bien au contraire ! Ils avaient des traditions à respecter.
— Le comte serait fâché de nous voir négliger notre apparence, mon cher ami. Il a tant fait pour nous… Réalisez-vous cela ? Notre amour sera éternel…
L’espace d’un instant, Arthur se renfrogna. Certes, cette perspective le réjouissait au plus haut point, mais le prix à payer était si lourd ! Son nouveau cœur ne pouvait totalement s’y résoudre. De même, son sens moral d’antan s’accrochait aux dernières parcelles saines de son âme et le hantait pendant ces journées passées à l’abri de la lumière.
— Je réalise cela, ma très chère amie. Je réalise cela… soupira-t-il.
Miss Lucy achevait son œuvre et passait la serviette encore chaude sur les joues si pâles de son Arthur chéri. La petite plaie ne se voyait déjà presque plus. Seules celles de son cou si délicat ne se refermeraient jamais.
— Mais tout de même ! protesta Arthur. Si seulement…
Miss Lucy plongea ses yeux dans ceux d’Arthur, qui se figea instantanément, laissant sa phrase en suspend.
— Si seulement quoi, mon cher ami ? susurra-t-elle.
Arthur déglutit.
— Si seulement ce cher comte pouvait… Enfin, si ce n’est pas trop demander… Et si cela lui sied…
— Quoi donc, Arthur mon amour ?
Ses épaules s’affaissèrent. La culpabilité le rongeait, mais il ne se sentait pas la force, ni le courage, de poursuivre son idée. Peut-être plus tard. Un autre jour… Enfin, non ! Une autre nuit…
— S’il était possible que le comte fasse installer un miroir dans cette cellule. Ce serait plus commode pour me raser, le soir venu.
Les lèvres de Miss Lucy s’étirèrent en un long sourire apaisant et apaisé. Son cher Arthur ne la décevait jamais. Après avoir méticuleusement rangé ses affaires de toilette, elle indiqua à son fiancé quelle tenue serait la sienne pour cette nuit. Le comte les attendait. C’était son grand soir ! Il fallait qu’il soit beau !
Miss Lucy quitta la cellule en promettant de revenir tantôt l’aider pour son nœud papillon. Débordant de bonheur, elle fit une dernière remarque avant de fermer la porte sur un ton qui se voulait rassurant :
— Un miroir ne vous serait d'aucun secours, mon cher ami. Rappelez-vous : nous n’avons pas de reflet.

Salut! Bravo pour ton texte.
J'aime beaucoup ce vampire hésitant et transi d'amour. La narration dévoile les choses petit à petit, c'est très appréciable.
J'ai bien aimé en tout cas

Petit mot au passage : vous aurez bien entendu reconnu la figure du vampire et deviné l'allusion au comte Dracula. Arthur et Lucy sont des personnages du roman de Bram Stoker. Ce petit texte est une version alternative de leur relation amoureuse

J'aime beaucoup la douceur qu'on ressent entre les deux personnages malgré la certaine hésitation d'Arthur. Était-ce le bon choix ? Mais ouiiii Arthur, il faut pleinement vivre...enfin, je veux dire, tu m'as compris... x3

J'ai tout de suite reconnu les personnages, haha ! Cette chère Lucy Westenra et son Arthur Holmwood J'apprécie d'autant plus la référence parce que le Dracula de Stoker fait partie des romans que j'adore relire pour la énième fois de temps en temps. Je suis attendrie du coup que tu aies pensé à les réunir dans d'autres circonstances c'en est presque mignon. Arthur qui découvre sa nouvelle vie de vampire et les inconvénients qui vont avec ^^ Surtout que tu as écrit ça en 45 minutes comme tu l'avais dit sur le chat. Juste, respect. Je suis toujours bluffée par ton talent Bon, au cas où ce n'était pas assez clair, j'ai adoré Bravo !

Super texte ! Comme Ginevra, j'ai bien aimé que les éléments soient amenés progressivement, ça laisse le temps de se poser la question de la créature en question ^^ (et non, j'ai pas lu ce livre, honte à moi !)

Toujours se raser avant de sortir dans le grand monde

Daikitumichi a écrit:Super texte ! Comme Ginevra, j'ai bien aimé que les éléments soient amenés progressivement, ça laisse le temps de se poser la question de la créature en question ^^ (et non, j'ai pas lu ce livre, honte à moi !)

Je n'ai jamais pu passer le chapitre 2 ou 3 si ça peut te consoler x3

J'ai beaucoup aimé ton texte Moi aussi j'ai apprécié que les informations soient amenées au fur et à mesure et qu'on ne sache pas immédiatement quelle est la créature en question (sauf pour celles et ceux qui auront la référence^^). Le rythme est bien maitrisé, ça se lit tout seul

Bravo à toi !

Ils sont trop choux tous les deux <3 J'ai beaucoup aimé le vampire trop humain qui n'a pas encore pris ses marques, et le fait qu'on ne comprenne vraiment de quoi il s'agit qu'à la fin.
En plus, j'apprends que tu as écrit tout ça en 45 minutes ? Je suis impressionnée !
(honte à moi, je n'ai pas lu Dracula... sort et s'enfuit loin)

Un haïku au début ! J'aime bien l'idée XD !

Sinon ton texte est fluide et le fait de ne pas révéler de quelle créature magique il s'agit avant la fin, nous tiens en à haleine !

Bravo pout ton texte !

Hello ! bravo pour ton texte ! Il se lit très bien, est bien rythmé et tu rends bien compte de ton personnage. Les dialogues sont très bien.
Merci pour ta participation !