La sombre affaire

Jared Coytt se doutait bien que les policiers, postés derrière le grand miroir sans tain, scrutaient chacun de ses faits et gestes. Ils devaient tenter de déceler une once de regret dans son regard, ou peut-être qu’ils souhaitaient entrevoir un sentiment de malaise. Quelque chose qui pouvait les amener à se convaincre qu’il était le coupable.

La porte métallique, à la couleur aussi froide que le ciel en plein ouragan, s’ouvrit à la volée. Un homme d’une quarantaine d’années s’engouffra dans la pièce à vive allure et tapa des deux paumes sur la table déjà bien fragilisée.

- Expliquez-moi ! Que faisait une enfant de seize ans, seule avec vous dans votre appartement, à une heure du matin ?

Jared resta stoïque. Il n’avait pas sursauté lorsque cet homme à la moustache fournie avait surgi brusquement. Il se contentait de fixer le miroir, inspectant la quantité phénoménale de sang sur sa chemise, auparavant blanche et désormais rouge vive. Ce liquide vital n’était pas le sien, mais celui d’une jeune fille à présent décédée.

- Répondez bordel de merde ! hurla l’homme dans son oreille gauche.

Jared daigna tourner la tête dans sa direction, lentement, il répondit :

- Elle n’était pas censée être là. Elle ne devait pas être là.

C’était la stricte vérité. La petite Anna s’était pointée au beau milieu de la nuit, en larmes et trempées.

- Exactement ! Vous… Quoi ? Elle n’a décemment pas pu se rendre chez un inconnu sans raison valable ! Dans ce cas, que faisait-elle chez vous ?

Après avoir donné sa réponse, le policier avait agrippé Jared par le col. Des postillons avaient volé pour finir leur échappée folle sur le visage tuméfié de Jared.

La porte s’ouvrit à nouveau, tandis que l’homme de loi le secouait violemment.

- Peter ! Assez !

Jared fut libéré de ces secousses non désirées. Sa peau le brûlait et cette danse brutale n’avait rien arrangé pour préserver ce qu’il restait de sa condition physique.

Le dénommé Peter alla s’asseoir, en face de Jared. Le nouvel arrivant déposa un dossier sur la table.

- Ouvrez-le, dit-il à Jared.

Ses menottes cliquetèrent quand il leva les mains. Il se saisit du dossier et inspecta son contenu.

Des photos. Trois au total. L’une montrait une vue d’ensemble de son salon, totalement sens dessus dessous. Une autre encore identifiait l’arme du crime, un couteau de cuisine avec une lame de sept centimètres maculée de sang.

Enfin, une troisième qui démontrait toute la violence qui s’était abattue sur Anna. La jeune fille était allongée sur le sol, les jambes écartées avec pour seule protection, une culotte tachée de rouge et par laquelle s’écoulaient sur ses cuisses, plusieurs filets de sang. Son pantalon avait été baissé jusqu’à ses chevilles et ses bottines noires n’avaient pas été défaites. Plus haut, son tee-shirt ainsi que son pull, avaient été découpés en deux pour faire apparaître la poitrine de l’adolescente. De la tête, jusqu’en bas du ventre, la peau de la jeune fille présentait plusieurs marques violacées et entailles profondes d’où s’échappait une nouvelle fois, du sang. Ses yeux étaient rougis, ses lèvres étaient fendues et ses joues étaient mouillées par les larmes.

Ce dernier détail, Jared l’avait deviné car il avait assisté à toute la scène.

- Messieurs, je n’ai rien fait, dit-il calmement.

Peter tremblait sur sa chaise et serrait ses poings posés sur la table. Il était évident qu’il tentait de contrôler la rage qui l’envahissait. Jared pouvait voir dans son regard que l’insigne qu’il portait était la seule chose qui empêchait Peter de lui sauter à la gorge.

Le deuxième policier, légèrement plus âgé que son collègue et possédant une calvitie naissante, avait les mains dans les poches et soupira.

- Je vous en prie Monsieur Coytt, votre implication dans cette affaire n’est plus à prouver. Onze coups de couteau, ainsi que de multiples contusions sur le visage et le corps. À l’heure où nous parlons, le médecin légiste pratique encore l’autopsie d’Anna Wolck et…

Il s’interrompit pour observer son collègue. Peter s’agitait encore sur sa chaise et n’allait bientôt plus pouvoir rester en place. L’homme à la calvitie s’en était rendu compte.

- Peter. Sors de la pièce.

- Non ! Tom, je…

- C’est un ordre, répliqua Tom. Tu ne devrais même pas être ici. Sors. Je ne le répéterais pas.

Peter lança un dernier regard emplit de mépris à Jared, puis il quitta la pièce en faisant claquer la porte avec force.
Tom se racla la gorge.

- Notre médecin légiste nous a déjà communiquer certains éléments.

Il avait baissé la voix et jetait un coup d’œil au miroir sans tain, avant de fixer à nouveau Jared.

- Anna Wolck a été sauvagement violée tout en se faisant rouer de coups. Elle se serait défendue comme elle le pouvait en frappant son agresseur, et à en juger par votre tête, je ne peux que confirmer cette hypothèse. Ce que je veux maintenant, c’est savoir si vous aviez prémédité le viol et le meurtre. Était-ce le cas Monsieur Coytt ?

Jared était perplexe. Devait-il tout raconter à ce policier, ou ne rien dire et essayer de s’en sortir ?

Quelques minutes s’écoulèrent et Tom commença à prendre la direction de la sortie.

- Attendez, intervint Jared. Je vais tout vous dire.

Tom s’installa en face de Jared, sur la chaise.

- Je ne vous ai pas menti, déclara Jared. Anna à tambouriner chez moi aux alentours de minuit vingt…

*

- Jared ! Jared ouvre-moi ! C’est Anna, pitié, je sais que t’es là !

Jared se leva de son canapé et alla ouvrir la porte. Anna déboula devant lui, trempée et complètement affolée. Elle avança jusque dans sa cuisine et se retourna pour lui faire face.

- Il est devenu fou, fondit-elle en larmes. Quand il a appris la liaison, il m’a frappée et… Regarde !

Anna souleva ses longs cheveux blonds et présenta sa nuque à Jared. Une brûlure de cigarette marquait sa peau blanche.

Jared se précipita pour la prendre dans ses bras et Anna ne put réprimer ses sanglots.

- Ça va aller. Je vais arranger tout ça Anna. Je te le promets.

Vlan !

La porte d’entrée s’ouvrit avec fracas. Quatre jeunes hommes se ruèrent sur Jared et Anna.

Jared tenta de s’interposer entre eux et Anna mais le premier qui avait foncé sur lui, envoya un crochet du droit qui le déporta sur sa droite. Il s’écrasa lourdement au sol.

- Maîtrisez-le ! ordonna le troisième gars à être entré.

Ses trois complices se jetèrent sur Jared et le frappèrent sans retenue. Le propriétaire des lieux se retrouva neutralisé en un rien de temps. Il était à genoux, chaque bras immobilisé par deux types cagoulés, un dernier derrière lui qui maintenait sa tête droite et désormais bien amochée.

- Arrête Tyler ! s’écria Jared à l’intention du jeune homme qui étranglait au sol la petite Anna. Qu’est-ce que tu fais bon sang ?

- Ta gueule enfoiré ! vociféra Tyler. Cette pute ne mérite que ça !

Jared tenta de se libérer mais les trois brutes le maintenaient fermement. En plus de ça, il reçut une nouvelle salve de coups.

Anna hurlait et se débattait mais Tyler la frappa au visage à plusieurs reprises. Puis il se saisit d’un couteau posé sur le rebord et trancha le haut de ses vêtements en deux. Il continua de la battre avant de lui baisser son pantalon.

Jared criait mais il se prenait plusieurs coups au visage dès qu’il émettait un son.

Tyler viola Anna sous ses yeux, impuissant. Le calvaire dura plusieurs minutes et quand le violeur eût son compte…

Il inséra la lame du couteau à l’intérieur de l’appareil génital d’Anna.

L’espoir quitta définitivement Jared, tandis que la pauvre Anna déchirait son cœur avec ses cris d’agonie.

- On ne se moque pas de moi impunément, lâcha Tyler en regardant Jared. Tu voulais protéger cette salope, hein ? Franchement tu me déçois !

Tyler asséna d’autres coups de couteaux à Anna Wolck. Puis il prit la fuite avec ses trois acolytes, laissant Jared aux abois.

Jared se précipita pour porter secours à la jeune fille brisée, mais il était déjà trop tard. Elle n’avait pas supporté le dernier accès de colère de Tyler et sa folie meurtrière avait eu raison d’elle. Néanmoins, Jared la tenait dans ses bras, anéanti par la perte d’une si jeune personne.

*

La porte de la salle d’interrogatoire s’ouvrit une nouvelle fois quand Jared finit son récit.

Peter attrapa encore le col de Jared pour le secouer et Tom se précipita pour essayer de retenir son collègue.

- Le nom de ce Tyler ! s’emporta Peter. Donne-moi son nom !

- Peter ! Calme-toi !

Tom réussit à faire lâcher prise son collègue.

- Je veux le nom du meurtrier de ma fille ! s’époumonna Peter.

Jared posa ses coudes sur la table et enfouit sa tête dans ses mains.

- Il s’agit de Tyler Coytt, son petit ami, finit-il par avouer. Mon petit frère de dix-sept ans et membre du gang des Serpents du Chaos.

Peter fit volte-face et s’élança vers la sortie mais Jared se leva de sa chaise et envoya la table s’écraser contre le miroir sans tain.

- Ce n’est pas tout, poursuivit Jared. Anna avait une liaison avec un autre jeune homme, extérieur au gang et elle… Elle était enceinte…

S’en était trop pour le père de la victime. Peter s’effondra au sol en se tenant la poitrine.

- Je crois qu’il fait une crise cardiaque ! s’écria Tom.

Horrible scène que celle du meurtre d'Anna, c'était le passage le plus dur à lire Mais toute cette violence et les émotions des personnages sont très bien décrites. Le personnage de Jared est intriguant dès le départ et tu as su maîtriser le suspens tout au long de ta scène pour qu'on ait envie d'avoir les informations en même temps que les policiers. Je le redis, horrible scène et horribles circonstances pour un assassinat. Mais je pense que pour un meurtre dans le cadre d'un gang, c'est comme ça que ça se déroulerait. Bravo à toi pour ce texte en tout cas j'ai bien aimé !

Merci pour ton commentaire Sayuri C'est exactement ce que je recherchais à montrer et faire ressentir dans cette scène. Je regrette d'avoir manqué de temps et j'ai dû écourter la scène sur le meurtre de Anna justement mais si tu as ressenti les émotions négatives telles que je me les imaginaient alors c'est parfait pour moi ah ah :p

Au plaisir !

Ben moi je suis bien contente que tu n'aies pas eu le temps de décrire davantage la scène de crime sur Anna xD j'ai eu bien assez d'images horribles comme ça omg !
Ton écriture est fluide et très agréable à lire, j'ai apprécié apprendre les éléments au fur et à mesure du récit, c'était un texte super à lire merci beaucoup ! (mais beurk xD)

Bravo pour ton texte ! C'est bien écrit et glauque à souhait, le suspense est bien maîtrisé, ça s'enchaîne plutôt bien. J'ai bien cru au début que Jared avait tué la petite Anna et j'ai envie d'en savoir plus sur cette affaire sombre.
Je suis moins convaincue par la crise cardiaque du policier à la fin, je me suis dit que ça faisait un peu too much (mais ce n'est qu'un point de vue).
On sent vraiment l'état de sidération de Jared devant ce qui s'est passé. C'était une lecture glaçante à souhait

Merci Rynn et Ginevra pour vos retours ! En effet la crise cardiaque était sans doute "too much" mais je me suis dis que j'allais finir sur cette touche puisque c'est un texte sans "Background" ni suite (désolé Ginevra si tu t'attendais à ce que l'histoire se poursuive :/)
Content que la scène vous plaisent et que l'ambiance recherchée fasse son travail à merveille

Au plaisir !

Hello ! Bravo pour ton texte ! La scène s'enchaîne bien, c'est rythmé et je trouve que les dialogues sont chouettes.

- Après avoir donné sa réponse, le policier avait agrippé Jared par le col. : attention à suivre l'ordre de la narration pour ne pas risque d'embrouiller le lecteur.
- danse brutale n’avait rien arrangé pour préserver ce qu’il restait de sa condition physique : un peu compliqué ici, je pense qu'on peut énoncer cette idée plus simplement.
- son tee-shirt ainsi que son pull, avaient été découpés : attention à ne pas séparer d'une seule virgule un verbe de son sujet.
- légèrement plus âgé que son collègue et possédant une calvitie naissante, avait les mains dans les poches et soupira : je ne pense pas que ces détails soient bien placés/bien utilisés avec l'action.
- petits paragraphes pendant l'action : n'aide pas le rythme je pense, scène se déroule assez vite.
- pas d'émotion après la scène : je trouve aussi que la tristesse du policier/son désespoir ne sont pas assez développés.

Merci pour ta participation !