La dernière épreuve

Le cœur de Nita battait la chamade. Le rythme effréné se répercutait dans son corps entier ; elle sentait son sang pulser dans ses veines. Vite. Trop vite. Elle prit une grande inspiration qu’elle espérait discrète malgré tout. Raté, le tremblotement de ses poumons ne semblait pas avoir échappé à Lohan. Merde.

Pinçant les lèvres, Nita ne détourna pas pour autant le regard ; le poing de son adversaire se serra. La jeune femme haussa un sourcil qu’elle voulait moqueur et détailla ostensiblement Lohan de la tête aux pieds. Elle devait refouler son appréhension. Alors comme ça on a les pétoches cher Lohan ?

L’intéressé eu un rire piquant ; il voyait clair dans son jeu.

— Silence ! Intima une voix grave et autoritaire.

Leur professeur les toisait d’un regard dur.

— Vous connaissez les règles, reprit-il. Battez-vous. Tous les coups sont permis. Le premier à déclarer forfait ou perdre connaissance sera éliminé et pourra dire adieu à la première place du classement et à son poste au sein de la Milice Impériale.

Nita et Lohan lancèrent un dernier regard à l’arène. Un cercle lumineux dessiné à même le sol métallique occupait la majeur partie de la salle dont les murs était ostensiblement vierges. Au milieu du cercle se trouvaient ça et là diverses armes. Plusieurs couteaux et poignards, un javelot, et même une arme à feu.

— Tenez-vous prêts. À mon signal… partez !

Nita et Lohan posèrent un pied à l’intérieur de l’arène à l’unisson. Instantanément, la salle dénudée disparu, laissant place à une jungle épaisse. Nita dû se forcer à se rappeler qu’il s’agissait d’un décor de réalité virtuelle, tant l’illusion était parfaite. Elle sentait la chaleur écraser son corps et même les inspirations qu’elle prenaient étaient chargées d’une humidité à vous étouffer. Pas le temps pour ça.

Nita détala aussi vite qu’elle le pu en direction d’un regroupement d’armes blanches qu’elle avait repéré, maintenant dissimulé parmi la végétation. Il ne lui fallu pas plus de dix secondes pour tomber dessus. Ainsi que sur Lohan.

Loin de sembler surpris, le jeune homme ramassa un poignard et le lança avec force dans sa direction. Nita n’eut d’autre choix que de tomber au sol. L’impact réveilla une vieille douleur au niveau de ses côtes… ainsi que sa colère. Par chance, une courte épée gisait à ses pieds et elle s’en empara. Lohan était déjà sur elle. D’un geste maladroit, elle tendit son bras armé dans sa direction. Le jeune homme s’effondra sur elle avec un grognement douloureux, son attaque à mains nues mise à mal. La petite épée avait heurté son flanc, l’avait-elle touché ? Sans réfléchir, la jeune femme lâcha son arme et tâtât les côtes de Lohan. Sa main rencontra instantanément une tâche chaude et humide. Il saignait. La panique s’empara d’elle :

— Lohan ?

Elle maudit sa voix tremblotante.

Le jeune homme releva la tête et vint river son regard à celui de Nita. Ses yeux bleus glaçants la sondèrent. Leurs visages étaient si proches. Le regard de Lohan dévia vers ses lèvres. Nita détourna la tête, les joues légèrement rougies. Reprends-toi, idiote !

Elle se força à éloigner de lui la main qui tentait inconsciemment d’épancher sa blessure. Tous les coups sont permis. Tous les coups sont permis.

Alors qu’elle fit mine de ramasser sa courte épée, la main de Lohan se saisit de son poignet et l’immobilisa.

— Tu as déjà fait assez de dégâts comme ça, petite fille.

Nita vit rouge. Il trouvait le moyen de plaisanter et de l’insulter à la fois. Elle détestait le surnom qu’il avait pris pour habitude de lui donner. Ils n’avaient que quelques années d’écart, et, même si elle restait la plus jeune du groupe de recrues, elle était majeure depuis plusieurs mois déjà.

Nita se débattit mais Lohan était plus fort. Il envoya l’épée voler au loin. Ils devraient donc se battre à mains nues désormais. Tant mieux, c’était sa spécialité. Dommage que ce fut aussi la sienne.

Gesticulant comme une anguille, Nita parvint à passer son avant-bras entre eux et poussa contre la poitrine du jeune homme avec force. Il ne bougea pas d’un pouce :

— Tu crois vraiment que…

Son air supérieur disparu bien vite quand Nita remonta son brusquement son avant-bras pour le frapper à la trachée. Il toussa, émit un juron et allégea malgré lui la pression qu’il maintenait sur elle. Nita en profita pour tenter de s’extirper de sous son corps, mais Lohan se reprit vite et la fit basculer violemment sur le ventre. Le bras qui avait attaqué le jeune homme était désormais tordu dans le dos de Nita.

— On. Ne bouge. Pas, grogna-t-il.

La douleur transparaissait dans sa voix et elle comprit qu’il essayait de trouver le moyen de la battre sans trop souffrir. Elle devait se dégager.

À peine eut-elle esquissé un mouvement qu’il fit remonter son bras un peu plus haut dans son dos, lui arrachant un cri de douleur. De la terre humide envahit sa bouche et elle toussa.

Contre toute attente, Lohan relâcha la pression sur son bras mais prit soin de la plaquer plus fermement encore au sol de son corps. Le rouge monta à nouveau aux joues de Nita. Dire qu’elle n’avait jamais espéré le sentir contre elle de cette manière aurait été mentir. Mais ce n’était pas le moment bon sang !

Le visage de Lohan entra dans son champ de vision :

— Ne me dis pas que ça te plaît ? Railla-t-il.

Son souffle lui chatouillait la joue. Il voulait jouer ? Très bien. Nita arqua le bas du dos et fit onduler ses fesses dans une lente caresse. Lohan retint son souffle.

— Vu ce que je sens, on dirait bien que ça te plaît aussi, répliqua-t-elle.

Et sans laisser le temps à son adversaire de répondre, la jeune femme envoya violemment sa tête en arrière. Elle percuta le visage de Lohan de plein fouet. Le cri qu’il poussa lui laissa penser qu’elle lui avait probablement cassé le nez. Tous les coups sont permis, tous les coups sont permis.

— Putain Nita ! Jura-t-il.

Elle tenta à nouveau de se dégager. Au moment où elle pensait enfin réussir, la voix de Lohan lui parvint dans un murmure, tout proche de son oreille :

— Je suis désolé, Nita.

Avant qu’elle n’eut pu réagir, Lohan déposa un baiser sur sa pommette. La seconde d’après une douleur fulgurante la traversa. Un « pop » retentit dans tout son corps quand son épaule se démit. Elle sombra dans l’inconscience.