La painpauté
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Amerylys
Messages : 1
Date d'inscription : 16/05/2024

Charlie VS Maurice Empty Charlie VS Maurice

Jeu 16 Mai - 22:16
Il me faut un bref regard en arrière, vers la nuit profonde et étoilée du désert, avant d’entrer, enfin, dans le tombeau que nous avons tant cherché. Prends-toi ça, Maurice ! Je serai la première ! Mais mon exultation est de courte durée. En passant les portes, je ne peux me départir de l’impression d’entrer dans ma propre tombe. Pharaon m’acceptera-t-il vraiment au cœur de ses secrets sans me garder auprès de lui pour le servir dans la mort ?
Mes pas résonnent dans l’antre sombre. Mon portable, promené sur les murs, me permet de discerner les hiéroglyphes gravés à même la roche. Le temps me presse, mais une intuition me fait m’en approcher. Mon égyptien antique n’est pas encore trop rouillé et je préfère prendre quelques minutes pour décrypter ces symboles plutôt que perdre des heures à errer si ce texte m’indiquait la route vers le cœur du dédale. Je peux toujours rêver… Ce serait trop simple, si c’était un plan.
Pourtant, à mesure que je traduis et comprends les hiéroglyphes, mon cœur s’accélère, comprenant que j’ai fait le bon choix. Le texte fait mention de nombreuses malédictions, dont il est sans doute déjà trop tard pour se préoccuper, conçue sans doute plus pour les pilleurs de tombe que pour une archéologue dans mon genre, venue dans une démarche respectueuse et de compréhension. Et aussi, un peu, pour me venger de Maurice et de ses traitements. En revanche, il met aussi en garde contre les pièges qui parsèment ce labyrinthe souterrain. Et me donne une précieuse indication pour échapper au premier : « Celui qui empruntera la voie du Nil subira les tourments de mille morts ». La voie du Nil conduira aux tourments… Ce Pharaon ou ses constructeurs avaient le sens de l’humour. Le Nil, la source de toute vie en Egypte, qui me conduirait pourtant à ma perte… C’est poétique. Mais je n’ai pas le temps de me perdre en rêvasseries philosophiques. Pour l’instant, je n’ai nul choix à faire : un seul couloir s’enfonce et se perd dans l’obscurité. Je m’y lance d’un pas décidé, sachant à présent à quoi m’attendre.

Il me faut de longues minutes avant d’apercevoir, enfin, la première intersection. Je m’y arrête, hésitante, me remémorant sans cesse cette phrase énigmatique : « Celui qui empruntera la voie du Nil subira les tourments de mille morts ». La voie de droite plonge dans les profondeurs du tombeau. Je la contemple, incertaine. Plus on descend, plus on a de chance de trouver de l’eau, sans doute… Mais celle de gauche… Des centaines de vaguelettes ornent ses murs, bien qu’elle reste plate. La voie du Nil. C’est elle, sans doute. Du moins… Je le crois ? Le cœur battant à l’idée de mal interpréter cette énigme qui sonne à présent comme une mauvaise farce, je prends ma décision. Il est trop tard pour faire machine arrière, et j’ai eu tous les avertissements nécessaires. Je scelle mon destin d’un soupir et m’engouffre dans le chemin de droite.
La pente est raide. Bien plus raide que je l’avais imaginé. Pour ne pas tomber, je laisse mes pieds, entraînés par leur élan, accélérer jusqu’à courir, mais c’est peine perdue. Bientôt je glisse, je tente de me ralentir en m’appuyant sur un mur mais il semble se dérober sous mes doigts, mes jambes se dérobent, je tombe, je roule sur le sol irrégulier sans parvenir à m’arrêter. Les aspérités des dalles de grès me cognent, me frappent et m’éraflent mains et jambes, tout tourne autour de moi. Et puis, soudain, tout s’arrête. Désorientée, je me relève, fais l’inventaire de mes blessures en bougeant un par un chacun de mes membres pour m’assurer de leur état. Je n’ai rien de cassé. Tout au plus quelques écorchures. Mais ma peau et mes vêtements sont couverts d’une poussière accumulée depuis des milliers et des milliers d’années. C’est pourtant le cas, dans une moindre mesure, de chaque portion de terre que je foule à chaque moment de ma vie, mais je n’ai jamais ressenti une telle révérence, un tel sentiment de sacré alors que j’effleure, d’un doigt tremblant, cette poussière que je suis la première à avoir soulevée depuis que des ouvriers anonymes, ou peut-être, le cortège funéraire de Pharaon, ont scellé le tombeau.
Je commence à relever mon téléphone pour éclairer la salle dans laquelle ma chute m’a précipitée et dans laquelle je discerne des colonnes qui font battre mon cœur d’archéologue un peu plus fort lorsque mes oreilles, affutées par la pénombre quasi-totale, se tendent. Avant même que le signal ne parvienne consciemment à mes pensées, mon ventre se noue, comprenant aussitôt le danger. Puis la connexion se fait et je comprends. Des bruits de pas. Un son régulier, reconnaissable entre mille dans le silence le plus parfait qu’il m’ait été donné d’entendre. Un son incongru, inexplicable : je suis censée être la première à pénétrer dans ce tombeau depuis des milliers d’années. Personne ne devrait être là. Mais je ne rêve pas ce son. Et là où il y a des bruits de pas humains, il peut y avoir danger. Je ne prendrai pas plus de risques que nécessaire. D’abord, disparaître, puis aviser.

Malgré l’angoisse que me procure l’idée de me retrouver sans lumière dans le noir absolu d’un tombeau ancien, je sais pertinemment que mon téléphone me rendrait par trop repérable. Je coupe ma lampe et me laisse engloutir par les ténèbres avant de progresser lentement en direction du bruit. Même dans le noir, je ne peux m’empêcher de rougir de honte devant le spectacle que je dois donner, à avancer mains en avant, m’arrêtant à chaque pas pour tâter le terrain autour de moi, avec la grâce d’un canard ivre, sans doute. Malheureusement, si le vide sous mes mains offre peu de surprises hormis une colonne de temps à autres, que je contourne prudemment, il en est tout autrement du sol à mes pieds, rugueux, recouverts de… de trucs qui roulent sous mes pieds. Un craquement morbide alors que mon pied gauche s’enfonce dans quelque chose de solide. Je ne veux pas savoir de quoi il s’agit. Trois pas après, mon pied droit cogne de nouveau contre quelque chose, qui s’envole avec un tintement cristallin et tinte de nouveau lorsqu’il retombe, plusieurs mètres plus loin, poursuit sa course avec un roulement métallisé, avant de s’arrêter plus loin encore contre un obstacle quelconque qui le fait sonner aussi clair que toute une batterie de cuisine. Moi qui espérais passer inaperçue, j’en suis pour mes frais. Les supporters d’une équipe de foot auraient été plus discrets après une victoire. Après cela, je me fais plus petite encore, mais si la personne ou la chose qui marche devant moi dans ces corridors devait en vouloir à ma vie, elle est sans doute déjà là, à me guetter, sachant pertinemment où je me trouve. Rien ne se produit.
Soudain, un peu plus loin, une faible clarté m’éblouit, après tout ce noir. Une ombre gigantesque se dessine sur un mur, tremblante et cauchemardesque. Pétrifiée par cette vision d’horreur, je convoque tout ce que je sais de la mythologie égyptienne pour savoir quel genre de démon m’attend dans cette direction et bloque l’accès à la porte que je distingue de plus en plus nettement afin de savoir si je peux espérer une mort rapide ou si mon agonie sera lente et accompagnée de mille tourments. Mais après avoir osé faire quelques pas supplémentaires, je pousse un soupir de soulagement. Et d’exaspération.

Ce que j’ai vu n’était que l’ombre de quelqu’un de bien plus insignifiant qu’un démon – quoique, à force, il va sans doute finir par hanter mes cauchemars. Maurice. J’aurais dû me douter qu’il n’allait même pas me laisser cette victoire-là, qu’il allait, encore une fois, se débrouiller pour garder toute la gloire pour lui. Il est là, devant moi, à gâcher tout ce que j’ai pu ressentir d’excitation, toute l’aura mystique de ce tombeau et de ces couloirs dans lesquels je croyais être la première. La torche qu’il agite a dû créer cette ombre qui m’a tétanisée, tandis qu’il lit les inscriptions entourant la porte. Il est tellement concentré qu’il n’a pas prêté attention au vacarme que j’ai produit en progressant jusqu’à lui, à moins que la vieillesse n’ait fini par détériorer son ouïe. Peu importe. Avant même que je n’aie pu me décider à m’avancer dans la lumière et lui dire tout ce que j’ai sur le cœur depuis si longtemps, il engouffre sa main dans la serrure de la porte et pousse un hurlement qui me glace les entrailles. Il tombe à la renverse, le bras droit en sang, gémissant et se tenant le bras droit, lequel semble désormais s’arrêter net au niveau du poignet, la main engloutie et à jamais perdue dans la serrure de la porte… Qui est en train de s’ouvrir.
La lumière de la torche tombée auprès du vieillard éclaire à peine l’intérieur, mais les reflets d’or qu’elle arrache à ce qui se trouve derrière la porte m’arrachent, malgré moi, un « Oh » émerveillé. Le trésor est là, à portée de main, c’est certain. Je pourrais m’en saisir, disparaître. Maurice n’en a que pour quelques minutes, il ne pourra jamais révéler ma trahison. Ce ne serait que justice pour lui. Il est déjà livide comme un cadavre. Quitte à choisir une victime pour servir Pharaon dans la mort, autant que ce soit lui, non ? J’avance malgré moi en pleine lumière, les yeux rivés sur la porte, comme ensorcelée, lorsqu’un gémissement me sort de cet envoûtement.
« Charlie… »
Je baisse les yeux sur le vieillard à mes pieds. Son visage est tourné vers moi, suppliant. Ses yeux, baignés de larmes, sont presque ceux d’un enfant, innocents et pleins d’espoir, alors qu’il se persuade que je vais lui venir en aide. Il répète mon nom, tend vers moi son bras d’où le sang coule encore, comme pour me le faire remarquer, au cas où je n’aurais pas suffisamment vu cette horreur. Je détourne les yeux. Son sang baigne déjà mes pieds alors qu’il m’appelle encore. Je m’arrête à deux pas de lui, mon visage comme aimanté par son agonie, mais derrière ces portes, le trésor m’appelle. Il est là, si proche… Je vais sans doute me haïr pour le restant de mes jours, mais je fais un pas de plus, et un deuxième, et encore un autre alors que, désormais derrière moi, Maurice crie de plus en plus fort, me supplie de ne pas l’abandonner là. Me promet monts et merveilles pour me convaincre de le ramener en haut. Je serre les dents, avance encore.
« Charlie, je vous en prie ! Allez-vous vraiment abandonner votre vieux maître à son sort ?
Je m’arrête, piquée au vif, à l’instant où j’allais franchir les portes.
— Maître ? Un maître sait quand son heure est venue, je siffle. Il sait quand s’effacer. Vous êtes fini. S’il n’y a que la mort pour vous forcer à laisser place à la jeunesse, alors soit. Profitez de vos derniers instants en faisant, pour une fois, ce que vous étiez censé faire. Vous éteindre doucement en sachant qu’un élève reprendrait le flambeau. »
Puis, sans plus le regarder, sans plus l’écouter, je passe les portes et dois plisser les yeux pour ne pas être éblouie par les monceaux d’or et de pierres précieuses qui tapissent les murs, le sol. Des tas démesurés. Il y en aurait pour toute une vie à détailler chacun de ces objets antiques, à étudier chacun d’eux et, seule, je sens que je ne pourrais jamais tous les remonter. Mais le temps court, de toute façon : bien que, loin sous la surface, il me soit impossible de déterminer le moment précis où l’aube poindra et où l’équipe se réveillera, commencera à descendre à son tour, je sais qu’il n’y en a plus pour très longtemps. Je ne pourrais pas m’accaparer tout ce trésor, même si je le voulais. Mais je peux prendre ce qui me revient de droit. Ce qui me serait revenu de droit si Maurice n’avait pas, une nouvelle fois, fait preuve d’un égoïsme et d’une vanité à toute épreuve, me niant même le privilège d’être la première à pénétrer dans ce tombeau antique. Il ne sera plus là pour me nier la moindre victoire. Cette découverte sera la mienne.

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Charlie VS Maurice Empty Re: Charlie VS Maurice

Jeu 30 Mai - 11:41
Bravo pour ton texte ! J'ai beaucoup aimé le début avec "En passant les portes, je ne peux me départir de l’impression d’entrer dans ma propre tombe."
La phrase : "Le texte fait mention de nombreuses malédictions, dont il est sans doute déjà trop tard pour se préoccuper, conçue sans doute plus pour les pilleurs de tombe que pour une archéologue dans mon genre, venue dans une démarche respectueuse et de compréhension." est un peu lourde, je pense qu'on s'y perd même si on saisit le propos général.
Tu as tendance à faire de longues phrases de la sorte, qui perdent leur force au fur et à mesure.
Mais bravo pour ton vocabulaire !

Merci pour ta participation !
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