La quête de Ren

— Retourne au village ! Ordonnais-je à ma cousine.

— Je veux venir avec toi ! Supplia-t-elle en me faisant ses yeux d’ourson.

Osham savait vraiment bien s’y prendre avec moi.

— Pas cette fois ! C’est bien trop dangereux pour que tu m’accompagnes.

— S’il te plait...

— Inutile d’insister ! Criais-je en me relevant.

Je venais de prier, pendant de longues minutes, Seth, le plus grand des dieux ! En l’implorant pour qu’il me donne la force et le courage nécessaire POUR affronter le seigneur Reeve. Pour ça, il me fallait rallier les autres villages à ma cause.

Et tout ça …. À cause de la lâcheté de mon père qui refusait catégoriquement de résister. Comment peut-on être aussi stupide ? Si seulement, j’étais chef du village, les choses seraient bien différentes. Il n’y aurait plus les troupes de ce satané Reeve pour piller Ayoum ainsi que les autres villages.

Osham essuya ses yeux tout en reniflant bruyamment. Elle ramassa mon carquois posé sur le sol à côté de la statue du dieu. Ma cousine me le tendit en m’adressant un grand sourire. Dans ses prunelles, brillait toute l’admiration qu’elle avait pour moi. C’était bien la seule que je réussissais à tolérer. Elle était toujours de mon côté.

— Si jamais mon père me cherche, dit lui que je suis parti à la chasse.

Elle acquiesça d’un signe de tête.

— Je prierai la déesse Vaana pour qu’elle te protège, dit-t-elle en sortant une amulette de son sac en tissus.

Je ne pus m’empêcher d’éclater de rire ! Comme si une vulgaire déesse pouvait me protéger ! Seul Seth en avait la force et le pouvoir. Tout le reste n’était qu’histoire de bonne femme.

Je me mis tout de même à la hauteur de ma cousine. Elle se hissa sur la pointe des pieds pour atteindre ma tête. Mon os de cerf finement taillé dans mes cheveux lui donnait du fil à retordre. Après plusieurs tentatives, elle parvint à m’attacher l’amulette au cou.
En voyant sa mine réjouie, j’esquissa un sourire.

Je ne croyais pas en ces grigris, mais cela ne me coûtait rien de l’accepter. En signe de reconnaissance pour ses gentillesses à mon égard. Ainsi, je ne lui devrais plus rien.

— Ren, tu pourras m’offrir ton os pour mon anniversaire ? Demanda-t-elle soudainement.

Je me redressais subitement, comme si je venais de ressentir une piqûre.

— Jamais de la vie ! M’écriais-je un peu trop brusquement.

Cet os représentait tout pour moi. Il était le symbole de mon courage, de mon passage de l’âge adulte en tuant mon premier cerf ! Habituellement, les guerriers chassaient pour la première fois à l’âge de 18 ans. Moi, j’avais deux ans d’avance sur les autres.  

— N’oublie pas ce que je t’ai dit pour mon père, dis-je en lui tapotant le haut de la tête.

Je tournais les talons sans me retourner.

**
*

L’auberge du Dragon se tenait enfin devant moi.

Deux jours que j’attendais que les autres chefs de village m’accordent une audience. Personne ne souhaitait mettre en colère mon paternel ! J’étais prêt à renoncer, quand discrètement une fille m’avait passé un bout de papier.

Rendez-vous à l’auberge du Dragon hurlant. Ce soir à minuit.

Une bien étrange façon de faire ! La curiosité était bien plus forte que le reste. Je me demandais ce qu’elle attendait de moi et pourquoi tout ce mystère.

Brusquement, un homme barbu éjecta de force un homme. L’inconnu se releva difficilement, avant de retomber à nouveau la tête sur le sol… Le tavernier referma hâtivement la porte de son établissement.

Je soufflais pour calmer les battements de mon cœur. C’était la première fois que je me retrouvais dans un tel lieu.

Je passais par-dessus l’homme qui ronflait bruyamment.

En entrant à l’intérieur, instinctivement, je mis ma main sur l’étui en cuir. À la moindre menace, j’avais mon couteau.  

Sur les murs de pierre des têtes d’animaux trônaient fièrement, de grandes tables de bois un peu partout et surtout des femmes en petite tenue servaient les clients.

Je scrutais la pièce de fond en comble à la recherche de la fille. Il ne me fallut pas longtemps avant que je la vois dans le fond, en train de boire dans une timbale bien trop grande pour ses fines mains.

Je m’avançais vers sa table en évitant de justesse de me prendre une chaise en plein visage. Je serrais les poings d’énervement. Deux hommes se battaient brutalement. Normalement, j’aurais fait payer ce geste, mais là, le temps m’était compté. Père comprendra que je lui ai menti pour aller dans d’autre village. Habituellement, je pouvais partir pendant des jours, mais jamais plus de trois.

— Tu voulais me voir ! Dis-je à la fille.

— Tout les deux nous avons un but commun ! Prendre les armes contre le seigneur Reeve, chuchota-t-elle en jetant un coup d’œil aux environs.

— Aucun village ne veut bouger le petit doigt, dis-je en m’asseyant.

— Ah ça, je ne le sais que trop ! S’écria-t-elle. Mon père a bien trop peur que notre village soit entièrement anéanti s’il participe à une rébellion. Du coup, il préfère continuer à se faire piller plutôt que de tout perdre.

— Ton père est le chef du village ?

Elle sourit avant de faire un signe de tête.

— Nous devons unir nos forces contre ce tyran.

— Malheureusement impossible d’y parvenir seuls.

— Qui te dis que nous sommes seuls ? Nous sommes quelques-uns près à tout risquer pour retrouver la liberté.

Je la fixais surpris.

Ainsi, je n’étais pas le seul à vouloir se battre.

— J’en suis ! Dis-je avec enthousiasme.

— Parfait ! Sache que tu dois renoncer à l’honneur en nous rejoignant. Dans notre cercle seul notre but compte. Et sois prêt à donner ta vie si nécessaire pour la cause.

Bien sûr que j’acceptais. Je pensais pareil, tant que je parvenais à mes fins qu’importe si je devais mentir ou tuer... Et pour ce qui concerne la mort…. Elle ne me faisait pas peur ! Ma mère était morte en me donnant le jour, alors si pour protéger mon village, je devais à mon tour faire le sacrifice de ma vie et bien qu’il en soit ainsi !