La painpauté
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Speafox
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Date d'inscription : 26/02/2023

S'arrondissent les racines des sens - la rencontre Empty S'arrondissent les racines des sens - la rencontre

Dim 26 Fév - 16:02
Deux quarts de lune avaient terminé leur course lorsque Caissa mit enfin un terme au supplice de Flinn. Il n’avait qu’envoyé un seul signe, l’image de la mare aux fleurs à son Zenith. Un lieu isolé de la fièvre des grands réseaux, où les angiospermes prenaient une retraite bien méritée à l’abri des flâneurs habituels. Une jungle de lianes à traverser pour lever le voile sur le tourment final.

A mesure que l’ombre du jour se flétrissait lors de sa progression lacunaire, de nouvelles épines venaient s’implanter dans le ventre de Flinn. Liane après liane il tentait de se remémorer de nouveaux fragments de souvenirs pour comprendre ce qui avait pu le pousser à provoquer cette rencontre aujourd’hui. Et dans le film qu’il montait, la moiteur de la journée d’été semblait coller plus que jamais et mouiller les dernières onces d’embarras qu’il travaillait à dissimuler. Une ultime branche trembla devant lui et un puits de jour inonda soudain sa rétine : il était déjà là.

Assis au bord de l’eau, les paupières mi-closes, il attrapait les rayons d’un soleil triomphant dans sa plus belle heure du jour. Son masque d'indifférence était tombé et ici il semblait plus détendu que jamais. Une fleur d’aubépine encadrait délicatement sa boutonnière verte et accordé aux doux clapotis de l’eau, la lumière d’un sourire venait percer ses traits de porcelaine. Rien n’était plus effrayant que de ne pas découvrir là l’hostilité qu’il avait tant redouté pour cette rencontre.

Un pas devant l’autre. Les brindilles avaient décidé de se mettre à craquer pour annoncer son arrivée et les herbes folles s’agitaient sous le poids de sa nervosité. Alors, sorti de sa transe, Caissa l’avait tout simplement invité à s'asseoir près de lui au bord de l’eau. Près du rocher qu’il lui avait désigné au bord des flots azurs, les herbes choisirent d'ondoyer. L’air moite frémissait des effluves du gardénia, trop heureux d'accueillir ces deux êtres.

- Ta boussole à eau a l’air de fonctionner à nouveau.

Ce constat de Caissa arrondit les petits yeux surpris de Flinn qui se dirigèrent alors vers le petit objet qui pendait à son cou. Le maître de l’élégance qui se tenait devant lui l'avait fait craquer en morceaux deux semaines plus tôt et notait à présent avec désinvolture sa réparation. C'était lui qui était à présent déboussolé.

- Oui, ah ça oui, rougit Flinn qui tentait de contenir ses balbutiements. Ce n’était pas grand chose, oui, je l’ai réparé ce matin. Je, ouais, oui, c’était facile en fait. J’ai juste eu besoin de faire remonter quelques bulles dans l’hydrolat de Marguerite que j’avais fait distiller dans la marmite de Ruis. Trois calculs en fractionnel plus tard j’ai fait tourner le mécanisme. Enfin, euh bref, il fonctionne mieux sans la sève que j’avais testé la dernière fois en tous cas. Oui, merci en un sens, je crois.

Un sourire franc indiqua à Flinn que Caissa s’amusait de ses phrases à bascule. Il le regardait en face et cherchait à déceler encore une once de fragilité dans son regard. Ses traits rieurs continuaient d'arrondir encore un peu plus la forme des herbes qui leur léchaient les hanches.

- Je ne suis pas sûr de saisir comment cela fonctionne rétorqua calmement, mais tu as l’air de vraiment bien t’y connaitre. Cela fait longtemps que tu répares les objets ?

- On peut dire ça oui. Petite pousse ma mère m’empechait toujours d’aller m’aventurer dans les bois aux écorces sauvages pour récolter des matériaux. Je trouve ça fascinant ce qu’on peut réussir à créer d’utile quand on regarde vraiment les phénomènes. Regarde par exemple la semaine dernière j’ai trouvé une nouvelle façon de mesurer le temps à partir de la rosée et de l’écorce de sureau que j’ai récolté près du marais des prêles. Leur mécanique est fascinante.

Il se sentait absurde. Tout comme les émotions qui l’avaient envahi jusqu’ici, il avait déversé ses mots en un flux de rapides saccadées qui tranchaient avec cet univers si paisible dans lequel baignait Caissa. Encore cette fichue moiteur environnante. Son sublime bourreau ne le quittait pas des yeux et dans son élégance habituelle il découvrait encore et toujours plus cette fragilité qui le troublait. Que cachaient ses yeux rieurs habituellement si charismatiques et sûrs d’eux ? Il prit une grande inspiration.

- Je ne comprends pas, continua Flinn. Tu parles beaucoup habituellement, les gens du campus t’aiment pour ça. Je sais que j’ai vu ce que je n’aurais jamais dû voir et je dois te présenter mes excuses. Te voir pleurer m'a écorché le coeur. Maintenant que c’est fait, s’il te plait, par la mémoire de mes ancêtres les grands feuillages, libère-moi d'un doute. Que faisons-nous ici ?

Tremblement infime, d'une mare spectatrice qui retient son souffle.

- Tu as raison. nous devrions discuter davantage. Je voudrais apprendre à te connaître en réalité, parce que je t’ai beaucoup observé. Et je dois dire que tu m’intrigues, tu as beaucoup de talent et tu n’es pas aussi transparent à mes yeux que tu ne pourrais le penser.

Les sourcils de Flinn se froncèrent, son trouble se confirmait. Lui qui était habituellement si vide se sentait soudain aussi chamboulé qu'un saule secoué par l'automne. Les douces feuilles de primevère alentours se mirent à caresser ses jambes pour le rassurer. Si les particules de vapeur d'eau autour d’eux s’agitaient, ils ne le remarquaient surement déjà plus. Le bleu de leurs regards commençait peu à peu à fusionner dans le reflet du lac, leurs miettes d'émotions prenaient racines.

Flinn se délectait d’une nouvelle fragilité offerte par la nuque exposée de cet homme pale où des racines de cheveux venaient sepenter jusque dans le creu de son dos. Sans s’en rendre compte les lianes de ses angoisses étaient devenues une bulle d’attraction où l’ensemble des éléments capturés par ses sens savouraient leur rondeur.

- Non, tu n’es pas prêt à découvrir à quel point je suis transparent. Tu es incroyable et j’aimerais être digne de pouvoir devenir ton ami. Mais je ne suis encore personne.

- Si cela peut me permettre de voir davantage à travers toi, répondit-il pensif, alors je suis prêt à prendre le pari de ta transparence. Regarde cette mare de cristal, elle est si claire. J’y ai cueilli ma première rose blanche et c'était la plus belle.

Ce fut la dernière touche d’une première complicité naissante. De ses bribes, tout à découlé. Ensemble, face au rivage aux couleurs chatoyantes, les graines avaient semé de nouvelles roses aussi blanches que leurs peaux lovées dans l’herbe folle. Ensemble, ils ont laissé s'enrouler les racines des âges autour de leurs corps crépitants. Ensemble, ils avaient aussi accepté en silence de tenter l’impossible d'une rencontre interdite et de porter leur regards vers cet horizon lointain où les angiospermes environnants célébraient la fin du Zénith.

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S'arrondissent les racines des sens - la rencontre Empty Re: S'arrondissent les racines des sens - la rencontre

Ven 3 Mar - 17:03
Très joli texte ! très poétique, avec un ton particulier. Très beau, bravo !

qu’envoyé un seul signe :envoyé qu'un seul signe

progression lacunaire : pas compris

Liane après liane il tentait de se remémorer de nouveaux fragments de souvenirs pour comprendre ce qui avait pu le pousser à provoquer cette rencontre aujourd’hui. : un peu trop lourd je pense

Rien n’était plus effrayant que de ne pas découvrir là l’hostilité qu’il avait tant redouté pour cette rencontre. : un peu trop lourd, surement la double négation

C'est un très beau texte !



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