A l'ombre de la tour

Lou s’empressa de descendre de sa voiture et s’enfoncer dans le vieux centre. Le couchant d’avril tiédissait l’atmosphère flegmatique des lieux, en contraste avec la tempête qui renversait toutes les pensées à l’intérieur de sa tête. Elle avait chaud sous son foulard ; de petites cloques naissaient déjà sur ses talons là où frottait le cuir de ses chaussures flambant neuves. Ses paumes devenaient moites au contact de la lanière du petit sac à laquelle Lou s’accrochait.
Partout ses yeux voltigeaient. Allait-elle apparaître à l’angle de cette rue ?
Ellie se trouvait là, quelque part. Lou venait de recevoir un texto avec la photo de sa propre voiture légendée Ce chassie me dit quelque chose... Elle répondit avec une prise de la devanture du chocolatier.
Le ping-pong photographique dura plusieurs minutes, où Lou ne put s’empêcher de revenir sur ses pas. Déchirée entre l’appréhension et l’impatience, la jeune fille sursautait à chaque alerte de message et piochait son téléphone d’une main tremblante.
Tu es vraiment belle.
Lou se sentit défaillir. Elle s’obligea à garder les yeux vers le sol, ignorant les remparts médiévaux qui abritaient la cour de l’office de tourisme. Le seul endroit d’où elle pouvait l’apercevoir sans être vue.
Je crois que tu t’es trompée de personne.
Non non.
Alors que Lou remontait la route vers le petit parking, l’idée de s’enfuir la saisit. Son cœur était au ras de l’implosion. Chaque pas la rapprochait un peu plus d’Ellie, la sulfureuse et extravagante Ellie. Les troncs des arbres en cage lui servirent de cachette, à deux pas de l’ancienne herse.
Lève les yeux.
Lou ne voulait pas lever les yeux, pétrie d’angoisse. Et si elle bafouillait ? Si elle ne trouvait rien d’intéressant à dire après toutes ces longues discussions écrites ? Si elle se rendait ridicule ? Et si...
Le soleil bas coiffait la tourelle d’un halo de feu aveuglant, découpant la silhouette assise avec nonchalance sur le rebord de pierre. Au fond de Lou, ses entrailles se liquéfièrent et, prise de panique, elle fit mine de ne rien avoir vu et fonça vers la volée de marches qui redescendaient sous la tourelle.
- Trouvée ! lança Ellie dans son dos.
Lou n’eut d’autre choix que de se retourner et d’accueillir la présence enivrante d’Ellie, qui embrassa chacune de ses joues. Elle inspira le meilleur parfum qu’elle ait jamais senti.
- Je ne reconnaissais absolument aucun des endroits que tu me montrais, du coup, je suis restée ici, dit Ellie. La vue était belle du haut de la tour.
- Oui, je n’en doute pas, répondit timidement Lou, fascinée par les mèches arc-en-ciel d’Ellie dans lesquelles s’empêtrait la lumière.
- Bon, où on va ? Je suis une vraie touriste, ici !
- Suis-moi, se contenta de dire Lou en attrapant la main d’Ellie.
- Bien, cheffe !
A mesure que les heures s’écoulaient et que Lou guidait Ellie à travers les petites rues et passages méconnus, ses silences se firent de plus en plus rares. Elle retrouvait cette aisance qui caractérisait tant leurs échanges depuis des semaines. Leurs péripéties s’achevèrent au cœur de la nuit, sur le parvis de la basilique.
- J’adore cette ville. Elle te ressemble, déclara Ellie.
- Ah bon ?
- Elle est simple, calme, fleurie, élégante... Comme toi.
Lou sentit le rouge lui monter aux joues. Elle en oublia ses talons lacérés.
- Je pense au contraire qu’elle est comme toi, répliqua-t-elle avec une assurance qui l’étonna. Elle est vive et sonore le jour, elle bouge, a du caractère et embaume le pain frais et les crêpes. Elle reste lumineuse même après le soir.
Les spots de la basilique, censés mettre en valeur les bas relief de l’architecture, illuminaient les yeux clairs d’Ellie. Lou eut l’envie soudaine de s’enterrer.
- C’était un endroit fait pour nous deux, alors.
Ses cheveux, son visage, toute Ellie s’effaça quand Lou ferma les yeux. Ne restèrent plus que son parfum et le contact chaud de ses lèvres sur les siennes.

Eh bien, mon amour, tu as écrit un très joli texte <3
Une raison de plus — s'il en fallait une ! — pour avoir envie de devenir ta femme.

"Lou eut l’envie soudaine de s’enterrer."

J'ai lu l'enterrer. :') je comprenais pas. Très beau texte et j'adore l'échange de photos au début.

Bonjour,

J'ai bien aimé ton texte et on sent bien le stress de la narratrice.
Je trouve que l'échange de photos du début est une bonne idée.

super texte

hello ! Très fluide, bien écrit, elles sont toutes les deux bien campées, c'est bien rythmé.

tiédissait l’atmosphère flegmatique des lieux : un peu lourd

au ras de l’implosion : au bord de l'implosion

Merci pour ta participation !