Mascarade

Je ne sais pas du tout si mon texte représente bien l'émotion que j'ai choisi. Mais je me suis amusée quand même   Bonne lecture !


MASCARADE

Rose se réveille en sursaut. Quelqu’un tambourine à la porte de son appartement. C’est la police. Ils ont une nouvelle difficile à lui annoncer. Rose se lève prestement et enfile sa robe de chambre. En nouant la ceinture du peignoir, elle s’observe dans la glace : un sourire victorieux relève les coins de sa bouche.
Sonne son heure de gloire !
D’un pas léger, elle s’engage dans le couloir qui mène à l’entrée. Les policiers sonnent une deuxième fois. Elle sait qu’il s’agit de la police, ça ne peut être qu’eux ! Rose se prépare à les accueillir, elle ravale son euphorie, coiffe ses bouclettes d’un geste de la main et prend son air le plus digne. Ils ne sauront rien.
Rose coince la clé dans la serrure, et tourne vers la droite. La porte s'ouvre, elle reconnaît l’inspecteur. Ce matin, une policière qu’elle n’a jamais vu l’accompagne. Ils présentent une mine sombre.
Elle hoche gravement la tête, en guise de salut.
- Entrez, je vous en prie.
- Bonjour madame Martin. J’imagine que vous savez pourquoi nous sommes là ?
Oh oui, elle sait ! Elle sait si bien, et si fort, que des papillons dansent dans son ventre, que son cœur pulse, comme un fou dans sa poitrine. Son sang circule plus vite, sa tête est plus légère. Les genoux flageolants, Rose les mènent au salon. Un petit salon, juste comme il faut, pour le confort de deux époux à la retraite.
En réponse à la question, Rose hoche la tête. Elle essuie une larme invisible sous ses yeux.
- Nous sommes vraiment désolée, madame Martin.
Rose tremble. Comme il est dur de ne pas laisser éclater cette émotion délicieuse, rampant partout en elle.
- Oh. Oh non, alors c’est bien vrai ! George il… vous ne l’avez pas retrouvé ? Interroge-elle des trémolos dans la voix.
- Nous l’avons retrouvé, commence l’inspecteur. George est mort.
Les yeux de Rose s’écarquillent. Elle le sait, bien sûr qu’elle le sait. Il l’est forcément. Mais l’entendre de la bouche de cet homme, voilà une sensation bien différente. Une larme roule le long de sa joue ridée.
- Il n’a pas souffert ? Dites-moi qu’il n’a pas souffert ?
Rose se félicite pour ses talents d’actrice. George a souffert. Plus qu’ils ne l’imaginent. Presque en chuchotant, l’inspecteur annonce :
- Nous l’avons trouvé dans le canal, les bras et les jambes ligotés. Il… flottait à la surface de l’eau. Nous pensons qu’il s’est noyé.
Rose place les mains sur son cœur.
- Oh mon dieu, c’est-c’est terrible ! Je ne sais pas quoi dire... Comment ça a bien pu arriver ?
- L’enquête le déterminera, madame Martin.
L’inspecteur échange un regard avec sa collègue. Il se racle la gorge.
- Le moment est mal choisi, mais nous aurions quelques questions à vous poser. Vous permettez ?
Rose baisse les épaules.
Elle les mène si bien bateau, s’en ai cocasse ! Persuadés d’avoir affaire à une petite vielle, dépitée par la disparition soudaine de son mari, pas une seconde, ils n’ont remis en question ses paroles.
« Oh je vous en prie, faites quelque chose, retrouvez mon George ! » déclarait-elle au commissariat deux jours plutôt. Rose bloqua le rire qui montait dans sa gorge. C’est elle, la coupable, elle qui a ligoté George. Elle qui a glissé un somnifère dans sa soupe.
Rose inspire profondément.
- Je ne sais pas si je suis capable de répondre à vos interrogations maintenant, mais je veux bien essayer.
Elle leur tourne le dos, et fait trembler ses épaules.
- Un instant s’il vous-plaît.
Il lui faut toute sa volonté pour continuer sa mascarade et gommer la fierté qu’elle sent refluer.
- Madame Martin ?
La policière pose une main sur son épaule. Rose fait semblant de sursauter. Elle colle les mains contre ses lèvres. Ils ne doivent pas voir son sourire. Elle se mord fort les joues et leur fait face.
- Allons-y, dit-elle les yeux baissés.
Elle les suit alors qu’ils la mènent jusqu’à son fauteuil.
Rose espère quand même qu’ils n’en ont pas pour trop longtemps. Benoît l’attend pour aller au restaurant, dans la ville à côté. Ah Benoît ! Un homme charmant, tout à fait comme il faut. Grand mais pas trop. Des yeux bleus, mais pas trop. Quelques dents jaunes, mais trop. Et surtout, le plus important, sa moustache voluptueuse. En somme, l’homme idéal. Et c’est là que George posait problème.  A presque 80 ans, Rose ne pouvait se permettre d’attendre la mort de son mari avant de se jeter dans les bras du séduisant Benoît. Et puis, honnêtement, elle n’en pouvait plus de George, il lui manquait deux dents, il fallait le laver, l’habiller et le promener tous les dimanches. Oui finalement, à bien y réfléchir, elle lui rendait service à ce bon à rien.
- Madame Martin, votre mari avait-il des ennemis par hasard ? Est-ce que quelqu’un qui lui en voulait ?
- Pas… Pas que je sache.
- Et vous, vous ne soupçonnez personne ?
- Non, bien sûr que non.
Les joues rouges, Rose pense à Benoît. C’est pour lui qu’elle a fait tout ça. Elle ne regrette rien, au contraire, Rose se sent libre. Pour la première fois, depuis longtemps.

La joie :-)

Joli texte. La joie contenue est bien décrite je trouve. Bravo :-)

Bon, autant y a des textes où il faut un peu se creuser les méninges pour comprendre l'émotion, autant le tien c'est limpide dès les toutes premières lignes ! 

Idée très intéressante et très bien racontée. On sent petit à petit la jubilation monter chez Rose, ainsi que ses "talents'' d'actrice être mis en évidence (j'ai pas pu m'empêcher de l'imaginer complètement surjouer la détresse en en faisant des caisses, tout en étant persuadée du contraire, et même si je ne suis pas sûr que ç'ait été ton idée de base, je trouve que ça apporte une côté encore plus exquis au texte   ).

J'ai juste quelques remarques à apporter. D'abord, ton texte est un gros pavé sans saut de ligne nulle part. Tout va bien, car l'écriture est très agréable, mais ça aurait vraiment pu gêner la lecture. Autre souci, le début : "Rose se réveille en sursaut. Quelqu’un tambourine à la porte de son appartement. C’est la police. Ils ont une nouvelle difficile à lui annoncer." : c'est littéralement la consigne de base, retranscrite quasi mot pour mot. Là aussi, ça va car ça colle plutôt bien avec la suite du texte, mais commencer par là, ça a de quoi surprendre. Et enfin : "Nous l’avons trouvé dans le canal, les bras et les jambes ligotés. Il… flottait à la surface de l’eau. Nous pensons qu’il s’est noyé." : il n'a pas vraiment pu SE noyer, s'il a été ligoté (à moins qu'il se soit fait ça lui même, avant de se jeter à l'eau en mode saucisson), il faudrait plutôt dire qu'il A ETE noyé, à mon sens. Mais ça, c'est un détail.

C'est marrant de voir une vieille dame génie du mal. Bravo pour ton texte

Diaboliquement entrainant !

Merci pour vos retours ^^
Céhah : oui tu as tout à fait raison pour le texte en bloc. Je ferai plus attention la prochaine fois, le pire c'est que je suis du genre à détester quand un texte n'est pas aéré mais j'y ai même pas pensé.
Ensuite pour ce qui est du début du texte comme je suis arrivée en retard à l'atelier j'ai pas tout à fait compris la consigne et je me suis dit que le texte devait impérativement commencer par les phrases de la consigne et non pas qu'il fallait le reformuler à ma manière
Enfin j'y avais pas du tout pensé pour la noyade c'est vrai qu'à y penser ça a plus une connotation d' "accident "

La vilaine ! J'ai beaucoup aimé ce que tu as écrit, je suis d'accord avec les précédents commentaires : c'était amusant comme tout, et la joie impeccablement retransmise !

Moi aussi je suis d'accord avec les commentaires précédents. 80 ans, elle a de la santé la dame pour encore tomber amoureuse de Benoît mais après tout pourquoi pas, il n'y a pas d'âge pour l'amour. Je comprends qu'à 80 ans, si elle voulait profiter de cet amour naissant, il fallait bien qu'elle agisse

Un bon moment de lecture, merci à toi