Immatriculation AA - 123 - BB

Les silhouettes imposantes qui se dessinaient à travers le judas de la porte ne présageaient rien de bon.

Nathan quitta son poste d’observation et enclencha la poignée de la porte à contrecœur.

La lumière artificielle du couloir pénétra dans son antre et l’éblouit un court instant. Les deux hommes en uniformes qui se tenaient désormais devant lui le jaugèrent de la tête au pied. Nathan avait parfaitement conscience de l’image qu’il devait renvoyer en cet instant : un geek dans toute sa splendeur. S’il ne souriait pas, peut-être parviendrait-il à cacher son hygiène bucco-dentaire plus que douteuse.

L’un des policiers avait la bouche ouverte, prêt à parler. En croisant le regard de Nathan, il se ravisa. A la place, il se tourna vers son collègue.

- T’es sûr que c’est là ?

L’intéressé désigna le numéro inscrit sur la porte.

- Appart 102. Tu sais pas lire ?

Le premier policier serra les dents mais ne répondit pas. Il toisa de nouveau Nathan.

- Monsieur Cramet ?

- Oui, répondit Nathan d’une voix mal assurée.

- C’est vous le propriétaire de la voiture immatriculé AA - 123 - BB ?

- Euh… Oui.

Le jeune homme commença à triturer ses mains, mal à l’aise.

- Eh bien, monsieur Cramet, vous êtes désormais l’heureux propriétaire d’un tas de cendre.

- Hein ?

- Des manifestants ont incendié toutes les voitures de la rue Victor Hugo, cette nuit.

La mâchoire du jeune homme se décrocha. Raté pour cacher son hygiène bucco-dentaire.

S’ensuivit une explication interminable sur les démarches à suivre pour déclarer le sinistre à son assurance et se faire rembourser. Le premier policier débita son discours d’une voix monocorde. Son collègue observait la scène en silence, un sourire étrange planant sur ses lèvres.

Une fois l’entrevue terminée, les policiers prirent congés de Nathan et lui tournèrent le dos. Alors qu’il s’apprêtait à fermer la porte, le jeune homme entendit le policier au curieux sourire dire à son voisin :

- Quel est le comble pour Monsieur Cramet ?

- Se faire cramer sa caisse, répondit son collègue du tac-au-tac.

Leur rire résonna un instant dans le couloir. Nathan sentit le rouge lui monter aux joues.

- Vous trouvez ça drôle ?

Les policiers se figèrent avant de se retourner vers l’objet de leur quolibet. Leurs lèvres s’étiraient toujours en un sourire moqueur.

- Disons qu’on essaie de dédramatiser la situation.

- Dédramatiser la situation ? répéta le jeune homme en haussant la voix.

- Oh, fais gaffe Nico, le gamin s’énerve.

L’ironie dans sa voix n’échappa pas audit gamin.

Non seulement des connards avaient incendié sa voiture mais en plus les flics se foutaient de lui. Nathan sentit la chaleur envahir son corps.

- Vous venez m’annoncer que des manifestants ont brûlé ma voiture et ça vous fait rire ?

Les policiers ne s’attendaient visiblement pas à ce qu’un asticot dans son genre leur tienne tête.

- Vous feriez mieux de vous calmer, monsieur.

Le premier policier se redressa en croisant les bras sur la poitrine. Dans cette posture, il faisait deux têtes de plus que Nathan. Ses mains, serrées autour de ses biceps, étaient telles deux massues prêtes à l’assommer.

A côté, son collègue laissa échapper un ricanement.

Ce rire trouva son écho dans les souvenir de Nathan. Il replongea brusquement des années en arrière, faisant à nouveau face aux brutes qui le martyrisaient à l’école.

A l’époque, il était trop faible pour se défendre. Mais maintenant… Maintenant il faisait partie de l’élite de son jeu en ligne. Et ça, ce n’était pas rien. Des gens l’idolâtraient. Il devait se montrer à la hauteur de leurs attentes.

- Sinon quoi ? Lança-t-il avec hargne, dardant son regard noir dans celui du policier.

Son persécuteur tira un carnet et un stylo de la poche de sa veste.

- Sinon je vous colle une amande pour outrage à agent, Monsieur Cramet. Je peux même vous convoquer au poste de police et dans ce cas, croyez-moi, le tas de cendre qui vous servait de voiture sera bientôt le cadet de vos soucis.
Nathan se décomposa. Toute chaleur déserta son corps. Il baissa la tête, vaincu.

Il était peut-être un surhomme dans son jeu en ligne mais il était encore loin d’être prêt à affronter les véritables démons de son monde.

Bien après leur départ, le rire des policiers continua de résonner dans le couloir. Ou bien était-ce les ricanements de ses anciens bourreaux qui revenaient le hanter ?

Nathan serra les poings.

Tous des connards !

Alors j'ai un peu honte de moi parce que j'ai ri à la blague foireuse des flics Je pense que la colère était ton émotion pour ce texte, on la ressent bien quand Nathan s'énerve contre eux et qu'il se sent pousser des ailes, même si c'est de courte durée. J'ai vraiment beaucoup aimé ton texte, l'idée est géniale! J'ai passé un super moment, merci à toi

Oui, la colère, je pense aussi.
Et je suis d'accord avec Sayuri, il y a une bonne dynamique. Le texte marche bien :-)
J'ai juste pas compris pourquoi le flic se demande au début s'il ne s'est pas trompé d'adresse.

Pour l'émotion je dirais la colère ! Au début je pensais à la peur jusqu'à ce qu'il s'énerve ! En tout cas, j'ai bien aimé ton texte. Et la petite blague cramet / cramé j'avoue m'a fait sourie
On sent bien l'injustice de la situation, pauvre Nathan ! J'ai trouvé que le texte était plutôt fluide et rythmé. Bravo

Merci pour vos retours !  

Pour l'émotion, c'était effectivement la colère.

Maelinn, concernant la réaction du flic au début qui pense s'être trompé d'adresse... Tu as mis le doigt sur une incohérence qui m'a échappée ! J'ai imaginé cette scène au début puis je me suis laissée entraînée par l'histoire sans réaliser que ça ne collait plus avec ce passage. Les aléas de l'impro

Bien marrant comme texte.
Par contre les policiers sont très impolis et pas du tout procédurier, ca ne me semble pas tres réaliste et sort un peu du texte. Les fonctionnaires c'est plus ce que c'était

Eh, mais j'ai juste adoré !
J'ai bien rigolé en tout cas ! Le texte est fluide, marrant, bien construit. Que dire de plus après tout ce qui s'est déjà dit ? Et bien te féliciter pour ton texte, car il est vraiment très bien !
Merci pour ce partage

J'hésite entre la peur et la colère pour l'émotion, mais la fin me fait plutôt penser à la colère.
La scène est plutôt bien décrite, les réactions de ton personnage et ses émotions sont bien retranscrites.
Bravo !

D'accord avec ce qui a été dit dans les messages précédents. J'ai apprécié lire ton texte. L'émotion est bien ressentie: la colère... de ne pas trouver les mots adéquats pour se défendre.

Contrairement à Yoomise l'impolitesse chez les policiers, les ricanements ça existe j'en ai déjà fait les frais sans raison et c'est pas très agréable.

un peu trop de: qui se dessinaient à travers le judas / qui se tenaient désormais devant lui / de l’image qu’il devait renvoyer / plus que douteuse./ Alors qu’il s’apprêtait à fermer la porte...
Facile à corriger et à réarranger hors atelier d'écriture.

enclencha la poignée de la porte à contrecœur: un peu maladroit

Texte très cool, agréable à lire.