La chambre

J’ai mal à la tête.

Aie.

J’ai l’impression que mon corps ne répond plus, que le moindre de mes muscles s’est transformé en coton.

Purée, est-ce que je n’aurais pas abusé de ma session de gym hier ?

En vrai je ne me rappelle pas avoir fait de sport hier. De fait je ne me rappelle pas de grand chose.

Je n’entends rien, le silence est presque assourdissant. J’essaie de regarder ce qui se passe, mais la pièce est plongée dans l’obscurité la plus totale.

C’est là que cela me frappe en pleine figure. Ce n’est pas la lumière qui est éteinte et la pièce particulièrement sombre, mais moi qui ne voit plus rien. Et là c’est la peur qui me prend les tripes. D’un coup j’ai du mal à respirer.

- Y’a quelqu’un ?

Je me lève d’un coup, en envoyant valser la couverture, et c’est là que soudain je ressens le froid qui m’attrape. Mes pieds sont nus, contre le carrelage tout aussi gelé que le reste.

- J’ai besoin d’aide….putain….y’a quelqu’un ? Je vois rien !

Qu’est-ce qu’il m’arrive ? Je n’ose pas m’avancer, ni faire le moindre pas par peur de tomber, mais je ne peux pas rester non plus planté là. Les secondes passent, et toujours personne qui vient m’aider. Je tends l’oreille pour écouter mais seul le bruit de ma propre respiration, ainsi que du sang qui cogne à mes tempes me parvient. En me levant, je n’ai pas vraiment amélioré mon mal de tête, et j’entendrais presque un sifflement à présent.

J’ai soif également, la gorge dans un état de telle sécheresse que je ne rappelle pas avoir eu, même après mes pires nuits de bringue.

J’ai l’impression que la douleur se réveille dans mon corps, un peu plus à chaque minute qui passe.

Finalement après un moment, je parviens à faire un pas. Ma main est encore sur le montant du lit, au pied de celui-ci. Autant l’utiliser pour me guider, et peut-être me repérer ensuite. Repérer, c’est vite dit. Déjà que je ne suis même pas sûr de savoir où je suis.

Après avoir atteint la fin de la barre, je tends un bras hésitant en avant. Le pas suivant est de s’avancer sans me tenir, et je finis par y arriver. Un pas, puis un autre. Ca semble marcher, pour l’instant il n’y a rien devant moi, alors rassuré par ce succès je m’avance encore.

Bam !

- Putain !

Ma main vient de heurter quelque chose, et mon genou ne tarde pas à suivre, alors que je percute ce qui semble être une table, ce qui provoque un tintamarre metallique.

- Y’a quelqu’un bordel ? Venez m’aider !

J’ai presque envie de pleurer, et les larmes qui me montent aux yeux. Après quelques essais, je parviens enfin à m’agripper à un rebord. Et je m’y agrippe comme jamais, alors que je parviens à me redresser.

Sous mes paumes, une surface metallique. A tatôns, je trouve rapidement ce qui semble être une bouteille. Peut-être quelque chose à boire ? Non, il s’agit plutôt de ce qui semble être un bol ? Et vide de surcroit. En continuant ma progression, je tombe soudain sur un trou, à la surface lisse. En y laissant glisser mes doigts, je découvre un tuyau qui remonte, quelque chose qui semble se déplacer….

Un robinet ? En est-ce un, vraiment ?

En actionnant ce qui semble être un levier, j’entends enfin le bruit de l’eau qui coule, et je laisse échapper un soupir de soulagement. Je ne réfléchis pas, je me jette sous le filet d’eau pour en boire le plus possible.

Après de longues gorgées, je me redresse enfin. L’eau dégouline sur mon menton, sur ma peau, et ma chemise. Mais peu importe, je me sens déjà mieux. Alors que je fais une pause pour reprendre mes esprits, je réfléchis durant un moment.

Est-ce que je suis dans une cuisine ?

Quoique, une cuisine avec un lit me semble plutôt improbable.

J’essaie de chercher encore un peu, mais soudain un sifflement de vapeur, ou en tout cas qui y ressemble, me fait sursauter. Je lâche un cri. En me retournant, j’entends que je renverse quelque chose. Un bruit de verre cassé se fait entendre à mes pieds, et encore une fois je lâche un juron. Mon coeur bat à mille à l’heure.

- Qui est là ?

Une odeur étrange me parvient soudain, quelque chose d’acide qui s’infiltre dans mes narines, et que je ne parviens pas à identifier.

- Que faites-vous debout ?

La voix me fait bondir, littéralement. Elle est comme feutrée, un accent que je n’ai jamais entendu, et je dois admettre qu’elle est comme différente….?

- Qui êtes-vous ? Où suis-je ? Je n’y vois rien, qu’est-ce qui m’arrive ?
- Accrochez-vous à moi, je vais vous expliquer.

Je tends les mains avec hésitation, sans trop savoir ce qui m’attend. Des mains prennent les miennes, et je sursaute.

- Qu’est-ce que….?

Ma première pensée est que la personne qui me tient porte des gants. Au lieu de la peau chaude, la sensation est froide, râpeuse. Et ce qui me crispe d’un coup, c’est le contact avec quelque chose de plus dur, et de plus acéré.

- Faites attention où vous mettez les pieds, réplique l’inconnu d’une voix monotone, la substance que vous avez renversée risque de vous blesser, la peau des humains est trop sensible pour la supporter.
- La peau des….humains ? De quoi est-ce que vous parlez ?
- Evidemment, nous n’en avons pas accueilli depuis longtemps, nos installations ne sont pas adaptées, veuillez nous pardonner cet inconvénient.

D’un geste décidé, je rejette sa main et j’attrape son bras. Mes doigts effleurent sa peau toujours aussi froide, toujours aussi rugueuse et parfois irrégulière, comme s’il avait des protubérances étranges.

Mes mains atteignent enfin son visage. Je sens un souffle sur ma peau, gelé.

C’est la dernière chose que je ressens avant de m’écrouler.

Salut,

J'aime bien ton texte, surtout la fin !
Juste une question, comment ton personnage a-t-il compris qu'il était aveugle ?

Bonne soirée

Salut !

Merci beaucoup pour ton commentaire. **

Ta remarque est intéressante, cela m'a fait beaucoup réfléchir. J'avoue que j'ai choisi la solution de facilité. Je me suis vaguement imaginée que quelqu'un qui voit, malgré le noir complet, verrait encore comme des lumières en fermant les yeux, et que du coup une personne dont les yeux ne fonctionnent plus n'aurait pas cela - du point de vue médical je ne sais pas trop. Mais ne nous mentons pas, j'ai surtout passé dessus vite fait puisque je n'avais que mille mots. Mais du coup en y repensant, je me dis qu'effectivement c'est sans doute trop rapide, et que j'aurais du amener cela autrement (est-ce que cela aurait pu être la créature qui lui aurait dit ?).

Quoi qu'il en soit, merci vraiment ! **

Bravo pour ton texte ! il se lit très bien, bon rythme, bonne utilisation de la consigne.

Un peu rapide la réflexion de la cécité : je pense que ça aurait pu être amené un peu plus tard/au fur et à mesure.
Et là c’est la peur qui me prend les tripes. : un peu rapide

En me levant, je n’ai pas vraiment amélioré mon mal de tête, et j’entendrais presque un sifflement à présent. : phrase tombe un peu à plat je trouve

J’ai soif également, la gorge dans un état de telle sécheresse que je ne rappelle pas avoir eu, même après mes pires nuits de bringue. : un peu trop alambiqué comme phrase

J’ai l’impression que : skip

Le pas suivant est de s’avancer sans me tenir, et je finis par y arriver. : l'étape suivante

Ma main vient de heurter quelque chose, et mon genou ne tarde pas à suivre, alors que je percute ce qui semble être une table, ce qui provoque un tintamarre metallique. : action trop découpée et le rajout du bruit casse le rythme

J’ai presque envie de pleurer, et les larmes qui me montent aux yeux.: en trop le presque et le "qui" je pense

Après quelques essais, je parviens enfin à m’agripper à un rebord. Et je m’y agrippe comme jamais, alors que je parviens à me redresser. : confus dans l'ordre des actions

ou en tout cas qui y ressemble, : trop de précautions prises dans l'incertitude du personnage qui ne voit rien, trop d'enrobages

soudain : trop de soudain

Merci pour ta participation !