Fille de gang sans les yeux

Peut-on mourir de douleur ? Actuellement, c’est mon souhait le plus cher.

Le cri qui s’échappe de mes lèvres me brûle la gorge, enflamme mes poumons. Il m’est impossible de savoir si le sang que je crache se mêle à celui coulant de mes yeux. Où plutôt de ce qu’il en reste.

Le souvenir de la lame entrant millimètre par millimètre dans mes orbites se rejoue en flash dans mon esprit tandis que je suis jetée au sol. Des milliers de petits cailloux râpent sur ma peau nue. Le froid de novembre m’englobe dans son manteau glacé.

Ils sont venus, comme promis. Mon père n’a pas écouté leur mise en garde et j’en paye le prix.

Me tortillant sur le parterre granuleux, je tente de m’enfuir. En vain. L’un de mes tortionnaires m’agrippe par les cheveux, me forçant à me redresser malgré mes plaintes.

- Tu as intérêt à nous dire tout ce que tu sais, sale traînée !

Son haleine putride est si proche de ma bouche qu’il met possible de deviner son dernier repas. Je pourrais même compter le nombre de cigarettes qu’il s’est enfilé.

Pourquoi est-ce que j’accorde de l’importance à ça ? Sans doute pour oublier que ces hommes, le gang rival de mon père, viennent de me priver d’une partie de mon être.

Il ne me sera plus jamais possible d’admirer le soleil se lever ; de voir le doux sourire de ma mère en descendant prendre mon petit-déjeuner ; de m’évader dans la peinture pour oublier mon quotidien pourris emplis de crimes, de meurtres et de sauvageries. Je n’ai pas choisi de naître en tant que fille d’un trafiquant d’armes, alors pourquoi m’enlever les rares plaisirs que la vie pouvait m’offrir ?

Malgré les menaces de l’homme, aucun son hormis celui de la douleur et du sang, ne sort de ma bouche. Subitement, je me sens projetée en arrière. Le type vient de me lâcher, me renvoyant dans les graviers. Les minuscules cailloux viennent se nicher dans mes plaies, s’enfonçant tels des parasites alors que je tente de m’éloigner de mon agresseur. Rampant au sol, baignant dans un voile plus noir que le pire de mes cauchemars, j’ignore s’il m’est possible de m’échapper.

C’est alors que ma main rencontre quelque chose. Tâtant la mystérieuse apparition, je crois durant quelques secondes être tombée sur une arme. L’horreur se mêle à une nouvelle douleur lorsque cette chose se pose sur mes doigts, les écrasant un par un. Le craquement de mes os se répand de chaque fibre de mon être, paralysant mes muscles et coupant ma respiration.

Ce n’est pas une arme, mais une chaussure.

Quelle sombre idiote ! Dans le choc de m’être fait arracher les yeux, j’en ai oublié la présence des autres hommes.

- Ma pauvre enfant, me susurre à l’oreille une voix grave et rocailleuse. Voici un bien triste spectacle pour une femme telle que toi. Si seulement tu t’étais révélée plus utile, peut-être aurais-tu pu échapper à ce destin.

Cette voix. Comment ne pas la reconnaître ? Il s’agit de Sergio, chef du gang rival de mon père et mon nouveau bourreau.

Lorsqu’il retire son pied de mes doigts, j’ai à peine la force de ramener ma main contre ma poitrine. Est-ce des larmes qui coulent de mes orbites vident ? Ou simplement le reste de sang qui servaient autrefois à faire fonctionner mes yeux ?

Après tout, quelle importance ?

- Qu’avez-vous fait de ma mère ? Où est mon père ?

Ce qu’il me reste de voix est si faible que je manque de m’évanouir à chaque mot. Je sens peu à peu mon esprit partir.

Personne ne me répond.

Sergio me lâche et le fracas de ma tête sur le sol me fait comprendre que ma fin est arrivée. Le précieux liquide continue à sortir de mon corps. Il glisse sur mes joues, sur mes lèvres et sur mes jambes en imbibant certainement le gravier. Dans ce chaos environnant, cette sensation est étrangement douce. Semblable à une caresse. La faucheuse vient-elle m’apporter un peu de tendresse avant de m’emmener ?

J’essaye de me laisser aller afin de partir sereinement. Malheureusement, la cruauté de la vie n’en a pas encore fini avec moi.

- Arrêtez ! Par pitié !

Maman.

La voix de ma mère me parvient, comme un son divin à mes oreilles.

Elle est en vie !

Le soulagement de l’entendre fait presque immédiatement place à une peur glaçante.

Que vont-ils lui faire ?

- Sergio, je t’en supplie ! Laisse ma fille tranquille, prends-moi à sa place !

C’est inutile maman, ma fin est proche. J’aimerais tant supplier cet homme à mon tour, mais la force me manque. M’étouffant dans mon propre sang, le cri déchirant de ma mère me fait bien plus mal que la lame qui m’a privé de la vue. En un sens, je remercie le type qui m’a fait ça. Ainsi, il m’est impossible de voir le visage, que je devine couvert de larmes, de la femme qui m’a mise au monde. Je n’aurais pas pu le supporter.

- Désolé, Ellia, entonne notre bourreau avec un sourire que je devine dans sa voix. Plus rien ne sert de supplier, la partie est finie.

Il a raison.

C’est ainsi que ma vie se termine.

Mais alors que mon dernier souffle passe doucement entre mes lèvres telle une caresse, j’entends le son caractéristique d’une détonation. Est-ce la balle du pistolet que je sens me transpercer le cœur ? Ou est-ce la douleur de ma mère qui fait écho à la mienne au moment où nos deux âmes s’envolent de cette terre ?

Aucune idée, je n’ai pas pu le voir.

Coucou ! J’aime bien ton texte, l’idée est vraiment chouette aussi
C’est bien écrit et il n’y a pas de redondance avec le « je ».

Juste quelques petites phrases un peu bizarres à mon avis :
« le reste de sang qui servait autrefois à faire fonctionner mes yeux » —> le sang qui coulait de mes yeux, tout simplement ?
« M’étouffant dans mon propre sang, le cri déchirant de ma mère me fait bien plus mal que la lame qui m’a privé de la vue » —> je pense que la phrase est incorrecte, et un peu lourde avec le gérondif au début et les « que » à la fin.

Mais sinon c’est super, ces petites coquilles s’enlèvent lors d’une réécriture alors il n’y a vraiment pas grand-chose à relever.

Bravo pour ton texte ! Il est très bien écrit, avec du bon vocabulaire et un bon rythme. Le souci pour moi, c'est que tu nous as sorti de l'ambiance/de la situation d'une nana qui se fait arracher les yeux, avec un peu trop de lyrisme.

Actuellement, c’est mon souhait le plus cher. : je trouve que ça casse l'ambiance surtout quand on lit la suite.

Pourquoi est-ce que j’accorde de l’importance à ça ? : effectivement les réflexions intérieures du personnages nous sortent de la scène alors que le reste est immersif. Jusqu'à "plaisirs que la vie pouvait m’offrir ?" je trouve que ce n'est pas utile.

Rampant au sol, baignant dans un voile plus noir que le pire de mes cauchemars, j’ignore s’il m’est possible de m’échapper. / Tâtant la mystérieuse apparition : les formulations me font sortir de la tension de la scène

Dans le choc de m’être fait arracher les yeux, j’en ai oublié la présence des autres hommes. : ne théorise pas trop les émotions/sentiments/pensées au risque de nous sortir du côté brutal de la scène.

Ou simplement le reste de sang qui servaient autrefois à faire fonctionner mes yeux ? : pas très beau

Le précieux liquide / Malheureusement, la cruauté de la vie n’en a pas encore fini avec moi. : un peu trop lyrique je trouve. Peut-être que c'est pour montrer son état second, mais je n'ai pas accroché à cette narration.

Merci pour ta participation !