Les billes

Le grésillement d’un néon me réveilla brusquement. J’étais seul, dans l’obscurité la plus totale. Je pris une grande respiration, cette odeur mêlée de carton, de bois et de produits d’entretien ne ressemblait en rien à ce que je connaissais. Envolée la douce odeur de la lessive, du désodorisant des toilettes, celle du café le matin. Immobile, comme dans un cercueil, je cru un instant être paralysé. La réalité me sembla bien plus effrayante : J’étais attaché !

Mes doigts couraient sur les liens qui entravaient mes poignets le long de mon corps. Il s’arrêtèrent sur la partie crantée d’une tige de plastique. Des rilsans ! Il ne faisait plus aucun doute que j’étais pris au piège dans une boîte. Je poussais de toutes mes forces avec mes jambes, libres, sur la paroi qui me faisait face. Doucement elle se déformait, je serrais les dents. Elle se déchira enfin dans un bruit tonitruant. Pourvu que personne ne m’ait entendu. Cela avait au moins eu le mérite de rompre mes chaînes. Je portai machinalement mes petites mains à mon visage.

Mes yeux ! Mes yeux ! Mes magnifiques yeux !

De belles billes bien rondes, vertes, peintes à la main. Elles avaient disparu pour laisser place à deux grands trous béants ! J’étais furieux ! J’aurais volontiers pleuré si j’en avais été capable. Après tout, ils ne devaient pas être bien loin, il fallait absolument que je mette la main dessus ! J’avançais à genoux, tâtonnant chaque centimètre carré devant moi. Ma tête heurta un objet lourd qui s’avéra être une grosse caisse en bois. Je plongeai sans hésité mes bras à l’intérieur. Horreur. Il n’y baignait qu’un mélange informe de membres, bras, jambes, des têtes parfois roulaient sous mes doigts. Un réflexe de dégoût me poussa vers l’arrière et mon pied roula sur quelque chose, mon corps désarticulé s’écrasa sur le sol. Cette situation m’énervait au plus haut point ! Je me dirigeai en pestant vers ce qui avait causé ma chute et empoignai à pleine main le coupable : Un ciseau à bois.

Quel horrible engin de torture !

Une petite plaque métallique était fixée au manche par deux vis. J’essayai de la déchiffrer avec mes doigts… A-T-E-L-I-E-R… Le tintement d’une clochette suivie du grincement d’une porte interrompirent mon entreprise. Je rampais aussi discrètement que possible, me questionnant sur la nature de cet « Atelier » avant de tomber sur une autre boîte. En y réfléchissant bien, cela s’apparentait plus à un gros bocal. Allais-je à nouveau risquer d’y plonger la main ? Après tout, je n’allais pas renoncer si facilement. Ma main tournait et retournait dans le fond de celui-ci où s’entassaient des dizaines de sphères de toutes tailles et de toutes matières. Des yeux ! Les miens étaient forcément là !

Malheureusement, mon indiscrétion avait attiré l’hôte de cet atelier. Et, alors que j’étais encore penché par dessus le bocal. Une énorme main velue et calleuse attrapa mon corps entier. Désespéré, je m’abandonnais à l’inévitable sort qui m’était promis. C’est alors que la voix chaleureuse d’un vieil homme se fit entendre : « À nous deux maintenant mon bonhomme ! Je vais te réparer. »

j'adore le vieux !

J'ai adoré ! J'ai assez vite capté le coup du jouet mais ça m'a permis de m'amuser sur les scènes suivantes. Surtout le "MES YEUX !!! J'étais furieux", du génie. Merci pour ce texte, Tanu !

Même si on capte avant la fin le coup de la marionnette, l'idée reste vraiment excellente. Et pour le reste je vois pas grand chose d'autre à dire, ça se lit très bien, c'est très fluide, bravo !  

Personnellement, contrairement aux autres, je n'ai compris qu'à la fin du texte qu'il s'agissait d'une marionnette lol.
J'ai apprécié l'ambiance horrifique de ton récit.
Bravo !

Très amusant comme concept, bravo !
Ca m'a fait penser à la scène dans Toy Story 2, lorsque Woody se fait réparer

bravo pour ton texte ! j'ai vraiment adoré, je comprends pourquoi tu disais entre être fier. Très bonne idée et très bonne exécution.

Envolée la douce odeur de la lessive, du désodorisant des toilettes, celle du café le matin. : casse un peu l'ambiance je trouve.
La "grande respiration" est un peu lourde aussi.

Cela avait au moins eu le mérite de rompre mes chaînes. : pas trop compris comment le fait de casser la paroi au-dessus de lui libère ses mains

Malheureusement, mon indiscrétion avait attiré l’hôte de cet atelier. Et, alors que j’étais encore penché par dessus le bocal. Une énorme main velue et calleuse attrapa mon corps entier. : tu nous sors du "je" avec ces actions

Merci pour ta participation !