Les griffes

Ploc. Ploc. Ploc.

Le son agaçant et entêtant d’une goutte d’eau me tire de mon sommeil. Je porte la main à mon front en grimaçant. Punaise, ce que j’ai mal… La sensation d’avoir le crâne comme dans un étau qui se resserre inexorablement me fait souffrir. Le bourdonnement dans mes oreilles également. Je me masse les tempes. En vain. Me faisant violence, j'essaie d’ouvrir les yeux. Mais, je fais face à l’obscurité. Pas une seule raie de lumière. Ma gorge s’assèche. Les battements dans ma poitrine deviennent plus lourds et plus rapide. Une main glacée remonte de la pointe de mes pieds jusqu’à mon estomac. Elle agrippe mes tripes et me les tord. Elle est là. Je la sens montée. La crise de panique.

Inspire. Expire.

Inspire. Expire.

Inspire. Expire.

Ce n’est rien… ce n’est forcément rien. Je suis tout simplement dans une pièce… humide à en croire le clapotis de l’eau et de l’odeur qui règne. Si je sors, je trouverai forcément de la lumière. Oui. C’​​​​​​​est évident. Oui. Oui. Est-ce que c’est vraiment normal de n’en voir aucune source ? Tais-toi ! 

Je me suis retenue juste à temps de hurler. Une main plaquée sur la bouche. Je ne sais pas où je suis. Ni comment j’y ai atterri. Peut-être que je ne suis même pas seule. Bien que je ne ressente pas de présence. Comment tu le saurais ? Tu ne vois rien. Oui. Oui. C’est juste. Il pourrait très bien y avoir quelqu’un. Avec des lunettes de vision nocturne par exemple ! Merde !! 

Inspire. Expire.

Inspire. Expire.

Inspire. Expire.

J'essaie d’effectuer les exercices de respirations que j’ai appris étant enfant. Réellement. Mais, c’est très compliqué. J’hyperventile. Mes mains se posent au niveau de mon cœur. À croire qu’il effectue le sprint de sa vie. Peut-être est-ce sans doute le cas. Je me concentre sur la sensation de mes mains qui tapotent à un rythme lent au-dessus de mon cœur. Essayant de lui imposer le même tempo. Visualisant ma respiration, je m’efforce de reprendre le contrôle. Ou du moins un semblant.

Un compte à rebours se lance dans mon esprit. Et lorsqu’il tombera à zéro, je pourrais enfin trouver le moyen de sortir d’ici.

Ploc. Ploc. Ploc.

Mon cœur n’est pas aussi calme qu’il le devrait, ma respiration c’est un peu apaisée, mais reste tout de même saccadée. Ce n’est pas le mieux, toutefois, je vais devoir faire avec. 
Je pose les mains de part et d’autre de moi. La surface n’est pas lisse, mais rugueuse. De la roche ? En me redressant, je tourne la tête de gauche à droite. Essai de me focaliser sur les sons. Le “ploc” incessant de l’eau résonne. C’​​​​​​​est léger, mais perceptible. Ça m’étonnerait que je sois réellement dans une pièce finalement. Une grotte ? Qu’est-ce que je pourrais bien faire dans une grotte ? Peu importe, concentre-toi pour sortir d’ici et fissa ! Oui. Oui.

Je me redresse sur mes jambes flageolantes. J’​​​​​​​avance lentement et à tâtons. Jusqu’​​​​​​​à ce que mes doigts rencontrent la surface rugueuse et froide de ce que je pense être de la roche. C’​​​​​​​est humide et même carrément mouillé par endroit. Je pousse un cri lorsque je marche dans une flaque. Je me rends seulement compte que j’ai les pieds nues. Merde. Je passe ma main sur celui-ci et porte celle-ci à mon nez. Je le fronce aussitôt. L’​​​​​​​odeur est nauséabonde. De l’eau croupi ! Pouah ! Allez, reprends-toi et avance bon sang ! 

Faire abstraction, faire abstraction… ouais. Comme si c’était facile.

Je longe la paroi à la vitesse d’un paresseux sous calmant, trop peureuse de buter sur un obstacle et de finir face contre terre. 

Ploc. Ploc. Ploc.

Je ne sais pas depuis combien de temps j’erre dans cette obscurité. Longtemps. Ou pas. Je ne sais pas. Je sais juste que la fatigue commence à s’emparer de moi. La migraine ne m’a pas quitté. L’​​​​​​​infime raie de lumière tant espérée ne s’est toujours pas pointée. L’​​​​​​​espoir s’envole doucement, mais sûrement. Seul le bruit du goutte-à-goutte m’accompagne. Et la brise. Attend. La quoi ? La brise ?!
Je me redresse vivement, n'ayant pas remarqué que j’avais commencé à me courber en avant. Je cesse de bouger et même de respirer. Serait-ce vrai ? Je ne délire pas ? C’est bien la caresse du vent que je sens sur mon visage ! Merde… Des sillons chauds dévalent mes joues devant cette constatation. Si je sens du vent, c’est qu’il doit forcément il y avoir une sortie pas loin ! C’est obligé !
Une émotion puissante enfle en moi, me galvanise. Je perds toute notion de sécurité. Je me redresse, garde une main sur la paroi et me met à marcher plus vite. Presque à courir. Même si les coupures sur mes pieds me font grimacer. Je m’en fiche. L’​​​​​​​adrénaline et l’espoir ravivés me portent. Me donnent des ailes ! Je vais sortir ! Oui, je vais sortir ! 

Ploc. Ploc. Ploc.

Non. Ce n’est pas possible. Est-ce un rêve ? Un cauchemar ? Je ne sais pas. Ça ne peut pas être réel. Je refuse que cela le soit. Pitié. Pitié non. Les larmes dévalent mes joues sans plus aucune retenue. Je m’écroule à genoux, les bras entourant mon buste. L’​​​​​​​herbe fraiche caresse ma peau nue. Chatouille la plante de mes pieds. Le vent fouette mon visage, fait virevolter mes cheveux sur mon visage. La chaleur du soleil réchauffe ma peau glacée. Il est là. Putain, il est là ! Je le sens ! Il me picote la peau. Réchauffe mes os transit de froid ! Mais je ne le vois pas ! Pourquoi ? Mon Dieu…

Je les ouvre en grand. Je me sers même de mes mains pour ouvrir en grand mes paupières ! Rien. Le vide. Le néant. Le noir. La solitude. Les griffes glacées de l’horreur et de l’angoisse s’emparent de moi. Elles les plantent en moi et me tirent vers les ténèbres. Pitié. Aidez-moi !

Super !