- lupinae
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Date d'inscription : 07/10/2021
Age : 30
Localisation : Basse Normandie
"Tu as tort"
Dim 25 Juin - 15:45
742 mots !
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— Ce n'est plus tolérable !
La voix de Ren tonna dans toute la maison. Les poings serrés, il fixait son père Olen avec des éclairs dans les yeux. Le chef tourna à peine le nez vers lui.
— Réagis, bon sang ! hurla-t-il encore face au manque de répondant dont il était sujet.
— Que veux-tu que je réponde ? Je n'ai pas à me justifier, tout comme je ne suis pas en pouvoir d'y faire quoi que ce soit.
Ren avisa l'épée à deux mains fixée au mur de la pièce.
— Tu es un guerrier ! Nous sommes des guerriers ! Nous étions les meilleurs, autrefois !
Olen jaugea son fils, le front plissé. Ses épaules carrées se voutaient au-dessus de la vieille table. Les muscles de ses bras saillaient sous sa peau brunie par les longues journées au soleil. Toute cette puissance contenue dans une carcasse fragile, toute cette puissance laissée à l'abandon révoltait Ren.
— Tu n'es pas un guerrier, statua Olen. Que connais-tu à la guerre ? Que sais-tu des vrais combats ? Tu n'es qu'un enfant.
Son père désigna ses cheveux, où se logeait un os de cerf, d'un geste du menton. L'ornement n'aurait pas dû s'y trouver avant au moins deux années encore.
— J'ai déjà laissé passer trop de choses. Garde tes suggestions pour toi, gamin.
— Je ne suis plus un gamin !
— Alors prouve-le.
— Donne-moi dix bons hommes et je saurai défaire ce chien qui nous saigne !
— Ce n'est pas être un homme, ça, dit sombrement Olen. Être un homme, c'est savoir quand il s'agit de garder l'épée au fourreau. C'est être maître de soi et combattre pour ce qui est juste.
Ren se renfrogna. Il alla s'asseoir en face de son père, les poings sur la table. Le morceau de ramure qui tenait ses cheveux en place formait comme une couronne autour de sa tête. Il choisit de baisser d'un ton :
— Combattre pour la liberté des nôtres n'est pas juste, selon toi ?
— Dis-moi en quoi nous ne sommes pas libres.
Le sang monta une nouvelle fois au visage du garçon.
— Tu plaisantes ?
— Pas du tout.
— Cet homme nous vole impunément ! Il s'approprie le fruit de notre travail, menace nos familles à chaque instant. Ils nous laisserait mourir de faim si les circonstances l'exigeaient !
— C'est vrai. Mais ce moment n'est pas encore venu. Tu n'as pas répondu à ma question : en quoi ne sommes-nous pas libres ? Nous empêche-t-on d'aller et venir ? De prier nos dieux ? De bâtir nos maisons ?
— Non, mais...
— Fils. Il faut parfois savoir ravaler sa fierté au bénéfice de la sécurité des nôtres. Nous leur donnons une part de nos récoltes, en échange de quoi nous ne sommes pas attaqués.
— Ils ne nous attaqueraient pas s'ils nous craignaient ! Si nous les éliminions les premiers !
Olen eut un reniflement de dédain.
— Tu n'es pas en état de comprendre, grommela-t-il. Tu ne réfléchis pas.
Tu n'es qu'un lâche, pensa amèrement Ren. Il n'était pas le seul à le penser ; les hommes parlaient. Pourtant, personne ne se décidait à agir. Tous des lâches. Olen soupira et se redressa. Il dominait Ren d'une bonne tête.
— Va, tire tes flèches dans la tête de ces hommes, dit-il. Et lorsqu'ils reviendront avec une armée pour nous anéantir en représailles, tu te souviendras de ma mise en garde. Tu regarderas les tiens brûler avec dans le ventre le bûcher du désespoir et du remord. Cela surpassera toutes les leçons que tu n'écouteras jamais, toutes les punitions que je pourrais t'infliger.
Ren fixa son père. Il avait tort. C'était bien pas fierté qu'il restait aussi inactif ; en s'aliant avec leurs voisins, ils seraient capables de résister à ces envahisseurs. Créer des pièges, des guet-appens et missions expéditives : tout ceci serait réalisable si tous s'unissaient. S'il était chef, il restaurerait la grandeur de leurs terres, ferait trembler leur envahisseur. S'il était chef, ils n'auraient plus à céder leurs ressources. Dans un avenir proche, Ren en était persuadé : le grain ne leur suffirait plus. Que prendraient-ils, alors ? Leurs enfants ? Leurs femmes ? Cette liberté que lui décrivait son père n'était qu'en suspens.
D'un bon, Ren se leva et quitta la maison. Il ne resterait pas un instant de plus dans cette situation.
Quitte à en mourir.
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— Ce n'est plus tolérable !
La voix de Ren tonna dans toute la maison. Les poings serrés, il fixait son père Olen avec des éclairs dans les yeux. Le chef tourna à peine le nez vers lui.
— Réagis, bon sang ! hurla-t-il encore face au manque de répondant dont il était sujet.
— Que veux-tu que je réponde ? Je n'ai pas à me justifier, tout comme je ne suis pas en pouvoir d'y faire quoi que ce soit.
Ren avisa l'épée à deux mains fixée au mur de la pièce.
— Tu es un guerrier ! Nous sommes des guerriers ! Nous étions les meilleurs, autrefois !
Olen jaugea son fils, le front plissé. Ses épaules carrées se voutaient au-dessus de la vieille table. Les muscles de ses bras saillaient sous sa peau brunie par les longues journées au soleil. Toute cette puissance contenue dans une carcasse fragile, toute cette puissance laissée à l'abandon révoltait Ren.
— Tu n'es pas un guerrier, statua Olen. Que connais-tu à la guerre ? Que sais-tu des vrais combats ? Tu n'es qu'un enfant.
Son père désigna ses cheveux, où se logeait un os de cerf, d'un geste du menton. L'ornement n'aurait pas dû s'y trouver avant au moins deux années encore.
— J'ai déjà laissé passer trop de choses. Garde tes suggestions pour toi, gamin.
— Je ne suis plus un gamin !
— Alors prouve-le.
— Donne-moi dix bons hommes et je saurai défaire ce chien qui nous saigne !
— Ce n'est pas être un homme, ça, dit sombrement Olen. Être un homme, c'est savoir quand il s'agit de garder l'épée au fourreau. C'est être maître de soi et combattre pour ce qui est juste.
Ren se renfrogna. Il alla s'asseoir en face de son père, les poings sur la table. Le morceau de ramure qui tenait ses cheveux en place formait comme une couronne autour de sa tête. Il choisit de baisser d'un ton :
— Combattre pour la liberté des nôtres n'est pas juste, selon toi ?
— Dis-moi en quoi nous ne sommes pas libres.
Le sang monta une nouvelle fois au visage du garçon.
— Tu plaisantes ?
— Pas du tout.
— Cet homme nous vole impunément ! Il s'approprie le fruit de notre travail, menace nos familles à chaque instant. Ils nous laisserait mourir de faim si les circonstances l'exigeaient !
— C'est vrai. Mais ce moment n'est pas encore venu. Tu n'as pas répondu à ma question : en quoi ne sommes-nous pas libres ? Nous empêche-t-on d'aller et venir ? De prier nos dieux ? De bâtir nos maisons ?
— Non, mais...
— Fils. Il faut parfois savoir ravaler sa fierté au bénéfice de la sécurité des nôtres. Nous leur donnons une part de nos récoltes, en échange de quoi nous ne sommes pas attaqués.
— Ils ne nous attaqueraient pas s'ils nous craignaient ! Si nous les éliminions les premiers !
Olen eut un reniflement de dédain.
— Tu n'es pas en état de comprendre, grommela-t-il. Tu ne réfléchis pas.
Tu n'es qu'un lâche, pensa amèrement Ren. Il n'était pas le seul à le penser ; les hommes parlaient. Pourtant, personne ne se décidait à agir. Tous des lâches. Olen soupira et se redressa. Il dominait Ren d'une bonne tête.
— Va, tire tes flèches dans la tête de ces hommes, dit-il. Et lorsqu'ils reviendront avec une armée pour nous anéantir en représailles, tu te souviendras de ma mise en garde. Tu regarderas les tiens brûler avec dans le ventre le bûcher du désespoir et du remord. Cela surpassera toutes les leçons que tu n'écouteras jamais, toutes les punitions que je pourrais t'infliger.
Ren fixa son père. Il avait tort. C'était bien pas fierté qu'il restait aussi inactif ; en s'aliant avec leurs voisins, ils seraient capables de résister à ces envahisseurs. Créer des pièges, des guet-appens et missions expéditives : tout ceci serait réalisable si tous s'unissaient. S'il était chef, il restaurerait la grandeur de leurs terres, ferait trembler leur envahisseur. S'il était chef, ils n'auraient plus à céder leurs ressources. Dans un avenir proche, Ren en était persuadé : le grain ne leur suffirait plus. Que prendraient-ils, alors ? Leurs enfants ? Leurs femmes ? Cette liberté que lui décrivait son père n'était qu'en suspens.
D'un bon, Ren se leva et quitta la maison. Il ne resterait pas un instant de plus dans cette situation.
Quitte à en mourir.
Lady_Lian, Daikitumichi, Sayuri.K et Yoomise aiment ce message
- Sayuri.K
- Messages : 315
Date d'inscription : 08/10/2021
Age : 29
Re: "Tu as tort"
Dim 25 Juin - 18:55
Très bel atelier Lupi, j'ai vraiment aimé! La sagesse d'Olen face à la fougue et l'impatience de son fils se ressentent parfaitement dans leur échange. A titre personnel, j'ai trouvé Olen assez laxiste sur la fin du texte, limite inconscient. Est-ce qu'il va vraiment laisser Ren partir faire la guerre tout seul à 16 ans ? Ça peut pas bien finir ça xD
lupinae aime ce message
Re: "Tu as tort"
Dim 25 Juin - 23:27
Bonsoir, bravo pour ton texte ! J'ai tout simplement adoré ! La sagesse d'Olen face à son fils impatient. Dans un sens les deux non pas tout à fait tort. Je me croyais vraiment dans l'histoire et la plume est vraiment belle et fluide à lire. Encore bravo !
lupinae aime ce message
- Daikitumichi
- Messages : 209
Date d'inscription : 07/10/2021
Age : 32
Localisation : Aix-en-Provence
Re: "Tu as tort"
Lun 26 Juin - 16:11
Coucou Lupi, un très bon texte, comme d'habitude, plusieurs fois j'ai eu envie de gifler Ren, signe que tu l'as très bien caractérisé xD Tu montres en plus très bien en quoi la situation n'est pas si simple ^^
Bravo pour ce texte !
Bravo pour ce texte !
lupinae aime ce message
Re: "Tu as tort"
Ven 7 Juil - 15:57
Bravo pour ton texte ! Il est bien écrit, dynamique, on sent le caractère de Ren à travers ses dialogues et je trouve que tu dépeins bien le père.
face au manque de répondant dont il était sujet. : un peu lourd
c'est savoir quand il s'agit de garder l'épée au fourreau : confus, c'est savoir garder l'épée dans son fourreau
Merci pour ta participation !
face au manque de répondant dont il était sujet. : un peu lourd
c'est savoir quand il s'agit de garder l'épée au fourreau : confus, c'est savoir garder l'épée dans son fourreau
Merci pour ta participation !
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