Apoline - Le Chaos

- Apoline ! Je peux savoir ce que tu fais ?

Penchée sur un immense échiquier en marbre, la jeune fille aux boucles dorées, sursauta, manquant de tomber à la renverse. Son équilibre rétabli, elle se redressa, droite comme un i. Son visage trahissait sans peine sa surprise. On venait encore de la prendre la main dans le sac.

- Père ! Je vous jure que je ne faisais que regarder, s’empressa-t-elle de se justifier alors que l’homme entrait dans la pièce.
- Regarder, dis-tu ?

Le père d’Apoline avait les traits tirés de quelqu’un qui travaille trop. Toutefois, les mots de sa fille l’amusèrent et ravivèrent la malice dans son regard. Il s’approcha à son tour de la rambarde qui surplombait l’échiquier géant et observa calmement la scène. L’analyse fut rapide.

- J’ai pourtant l’impression que cette pièce n’était pas là tout à l’heure, reprit-il. De qui somme nous en train de parler ? Dit-il en récupérant un document posé sur le pupitre du jeu de plateau.
- Je vous assure-
- Oh ! S’exclama-t-il de plus en plus amusé. Pierre Gambsy, 35 ans, employé comme assistant dans un cabinet de notaire. C’était déjà lui il y a deux semaines. Je me trompe?

Apoline ne put masquer sa gêne plus longtemps. Le sang afflua dans ses joues et jura avec le blanc de sa peau. Ce n’était pas la première fois qu’on l’attrapait en train de fouiller dans le bureau de son père. Mais c’était plus fort qu’elle, lorsqu’elle était passionnée par un cas, le devoir d’agir prenait le dessus sur la raison.
Plusieurs fois déjà elle s’était levée en pleine nuit pour trafiquer le jeu de Pierre. Quelque chose en lui l’avait interpellée et elle s’était prise d’affection.

Les yeux rivés au sol, Apoline cherchait l’argumentaire qu’elle pourrait utiliser pour sa défense. C’était plutôt délicat, elle venait de chambouler toute la stabilité de la vie de Pierre. Et il fallait maintenant en assumer les conséquences.

- Je vous jure père que j’ai agis pour le bien de ce garçon, commença la petite blonde.
- Je n’en doute pas ma chérie. Mais je doute qu’il voit la perte de son emploi comme une bonne chose dans sa vie. Voyons ce que nous pouvons faire pour atténuer la situation.

L’homme fit signe à Apoline de s’approcher. Il coiffa en chignon ses cheveux longs et aussi brillants que ceux de sa fille et s’attela à résoudre la situation.

- Il mérite mieux que ce travail d’assistant, râla Apoline campée sur sa position.

Elle était jeune, et loin d’être prête d’assumer ce rôle qui incombait à son père depuis si longtemps. Mais celui ci ne doutait pas qu’elle saurait prendre la relève un jour. Maîtriser le destin des hommes n’était pas une compétence innée et cela nécessitait beaucoup de patience et de compassion. Apoline avait toutes ces capacité, cependant elle oubliait souvent que les humais étaient fragiles et émotifs.

- La dernière fois, tu as fait en sorte que sa copine le quitte, si ma mémoire est bonne ?
- Elle le trompait, répondit la jeune fille.
- Pierre à donc perdu, sa fiancée, sa sœur est plutôt malade et il est endetté auprès de sa banque récapitula l’homme en lisant sa fiche. Ne crois tu pas que garder son travail l’aurait aidé à surmonter tout cela?

Apoline tenta de contrôler ses émotions, mais une fois impliquée, elle ne pouvait plus s’arrêter. Son père le savait, les sourcille froncés, elle était à de doigts d’imploser, avide de partager sa vérité.

- Ce travail ne lui apporte rien de bon ! Il n’a aucun temps libre pour lui. Il commence à 8h, est obligé de conduire plus de deux heures par jours pour se rendre au bureau, se fait traiter de tous les noms par son patron et rentre chez lui à 20h. Il n’a le temps de voir ni sa sœur malade, ni sa fiancée qui le trompe avec le voisin, car il n’est pas assez présent, récita Apoline.

- Comme beaucoup d’autres humain, acquiesça son père, l’incitant toutefois à continuer son raisonnement.
- Changer d’emploi est la solution ! Mais il est trop peureux pour le faire de lui même, jugea la jeune fille. J’ai donc décidé de lui donner un petit coup de pouce.
- En introduisant le chaos dans sa vie ?
- En introduisant le changement !

Le rire tonitruant de l’homme fit trembler les murs. Il reposa la fiche sur la tablette et serra sa fille contre lui. Elle se réfugia volontiers dans les bras de son père, preuve du son jeune âge, et marmonna dans son épaule.
- Ce n’est pas drôle ! Ce Pierre est bouché !
- Oh, ma chérie tu en verras d’autres ! Pour cette fois ci, laissons Pierre gérer la vie avec l’événement que tu viens d’y introduire. Toutefois, à l’avenir pense à ne pas trop t’acharner sur eux.
- Compris Père, pas trop de Chaos. Même si c’est pour leur bien.