Le pendu de la mansarde

J'ai tiré les cartes de la Tempérance, de l'Impératrice et du Pendu. J'ai jeté mon dévolu sur le pendu, qui représente l'attente, le sacrifice, la prévoyance et l'intuition.
835 mots.
Spoil alert : trop de contexte, pas assez de pendu xD

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Arthur laissa choir son gros sac à ses pieds. Le parquet ancien protesta sous ce poids soudain, et sa plainte partit en échos contre les murs boisés. La maison, aussi grande que vide, était vieille. Elle sentait le vieux, geignait comme un vieux, se ridait comme un vieux.

Autour d'Arthur, les déménageurs s'activaient à entreposer meubles et équipements flambants neufs.

Pourquoi diable avait-il fallu que ses parents décident de migrer dans un endroit pareil ? Tu verras, après quelques travaux, ce sera magnifique ! Et le jardin est si vaste ! La belle affaire... Ils n'accordaient pas le même sens derrière "quelque travaux", de toute évidence. Leur tante - vieille, elle aussi, et un peu folle de ce qu'il avait pu comprendre - aurait pu leur léguer autre chose que ce tas de pierre et bois vacillant perdu au milieu de nulle part.

— Alors ? demanda une voix près d'Arthur. Tes impressions ?

Son père posa un carton par terre et s'étira le dos.

— Super, répondit Arthur, morose.

Aveugle à son sarcasme cuisant, un grand sourire étira les lèvres de son père.

— Ah, tu vois ! Allez, va vite choisir ta chambre ! Je crois qu'il n'y a que l'embarras du choix.

Il reprit son carton et disparut dans une pièce du rez-de-chaussée. Arthur souffla, songeant qu'il y avait davantage l'embarras que le choix. Délaissant son sac, il emprunta l'escalier qui s'offrait à lui. La rampe en bois ciselée aurait mérité un bon coup de cirage, et les marches grincèrent si fort qu'elles recouvrirent les paroles des déménageurs. L'étage ne fut qu'une succession de portes.

Arthur les poussa les unes après les autres, mais ne trouva que des pièces dénudées ou pourvues de mobilier drapé. Il jeta son dévolu sur la plus spacieuse, dont la fenêtre donnait vue sur le jardin. Un groupe de statues ébréchées grandeur nature y étaient laissées à l'abandon, dans les hautes herbes. Le garçon s'en détourna.

Des craquements au plafond répondirent à ceux du sol sous ses pieds. Arthur fronça les sourcils et leva le nez. De l'extérieur, il n'avait pas remarqué de deuxième étage.

La porte de sa chambre s'ouvrit si brusquement qu'elle claqua contre le mur, amochant l'horrible tapisserie. Arthur poussa un petit cri aigu et recula contre la fenêtre. Il n'y avait rien ni personne dans le couloir. Pas le moindre courant d'air ne se faufilait entre les murs. Son calme retrouvé, l'adolescent s'aventura prudemment dans le couloir vide. Il ne perçut rien d'autre que le remue-ménage des ouvriers en bas. Étrange, d'une étrangeté qui le mettait mal à l'aise.

Tout au bout du corridor, une petite porte qu'Arthur n'avait pas vue grinça sur ses gonds. Sa plainte dura une éternité, le temps qui lui fallut pour s'ouvrir entièrement. Les genoux d'Arthur flageolèrent. Il fut pris de la furieuse envie de détaler, d'attraper ses parents et mettre tout le monde dans le camion direction la ville, loin de cette fichue maison. Mais une autre voix, celle de la raison, lui rappela que les monstres et fantômes n'existaient pas. Qu'il faisait jour, qu'il n'était pas seul, et que tout ici était si ancien que ce n'était pas surprenant que les portes ne tiennent plus fermées.

Que risquait-il à aller voir, quand il n'avait rien d'autre à faire ? Peut-être que la vieille tante avait laissé quelques objets de valeur dans cette dernière pièce.

Ce n'était pas une énième chambre ; c'était un escalier. De vieilles marches fissurées et branlantes qui grimpaient vers l'inconnu. Arthur discernait de la lumière en haut. Avec un peu plus d'assurance, il monta jusqu'à ce qu'il s'avérait être un immense grenier. Les combles devaient couvrir la même surface que l'étage entier du dessous et débordait de malles et autres boîtes. La plupart dégorgeaient de vêtements des années d'avant-guerre, avec des perles blanches aussi grosses que son pouce. Une véritable caverne d'Ali Baba.

À chaque pas, une épaisse couche de poussière s'envolait. Elle ressemblait à un nuage de paillettes lorsqu'elle passait au travers la lumière des lucarnes perçant la toiture inclinée. Arthur s'approcha d'une cassette en bois laquée qu'il souffla avant d'ouvrir. Il y découvrit un jeu de cartes illustrées, impeccables ; du tarot. Il en tira une.

— Le pendu, lut-il à voix haute. Génial... 

Un grincement répondit au mot, derrière lui. Ce n'était pas du bois, ni des gonds mal huilés.

Arthur se retourna et se sentit vaciller.

Un homme se balançait doucement au bout d'une corde, attaché par un pied. Sa peau grisâtre, macabre, et son visage marbré de mauve étaient ceux d'un mort. Il ouvrit des yeux blanc vitreux, et de sa bouche sortit une voix enraillée et caverneuse :

— Tiens, tiens... J'ai comme l'intuition que ton existence future sera pleine de vilains compromis, mon garçon. Il faudra faire preuve de patience...

Un sourire tout en gencives noires et nécrosées s'offrit à Arthur. Il poussa un cri, déchira la carte, et l'horrible vision s'évapora. Alors qu'il dévalait les marches, le rire saccadé du pendu le poursuivit.

Très sympa ce texte, à la fois assez flippant et plutôt comique ! Il aurait bien convenu pour l'atelier d'Halloween celui-là

Après, j'ai juste une petite interrogation : "Aveugle à son sarcasme cuisant, un grand sourire étira les lèvres de son père.", pourquoi aveugle à la place de sourd, alors qu'Arthur vient de parler et que donc son père a entendu le sarcasme ? C'est juste une petite confusion, ou est-ce que j'ai mal pigé ce passage ?

Pas mal du tout ce petit texte ^^ Mais oui, pas assez de pendus ! xD

"Elle sentait le vieux, geignait comme un vieux, se ridait comme un vieux." Non mais tes comparaisons, j'adore celle-là x3

J'ai juste repéré une phrase où la tournure ne m'a pas semblée correcte (mais je pense que c'est juste parce que tu as manqué de temps pour relire, juste une étourderie: "Arthur s'approcha d'une cassette en bois laquée qu'il souffla avant d'ouvrir." J'aurais plutôt dit "sur laquelle il souffla avant de l'ouvrir".

Très bien sinon, comme d'habitude ! ^^

Coucou,
J'ai beaucoup aimé ton texte ! J'aime bien ton style d'écriture, les descriptions étaient pas mal La fin fait peur, j'aimerai pas être à la place d'Arthur !
Mais oui on aurait aimé voir plus de pendus !

Coucou ! Tu décris bien l'ambiance de la maison.
"Pas assez de pendu" mais est-ce qu'on veut le voir plus souvent ? xD

C'est un tarot hanté ? Avec l'esprit des cartes ? ^^

J'aime beaucoup ton texte

"Elle sentait le vieux, geignait comme un vieux, se ridait comme un vieux.", Meilleure phrase ever J'ai vu que Michi l'avait déjà relevée mais je voulais la reprendre elle m'a fait trop rire xD C'est super intéressant comme texte et comme toujours, très bien écrit Je me pose aussi la question maintenant, c'est un tarot maudit qui matérialise les arcanes ? Ça offrirait un énorme potentiel s'il y avait une suite Je serais curieuse de savoir si Arthur serait assez courageux pour s'en servir. Ou si quelqu'un d'autre pourrait manipuler les cartes pour lui faire vivre l'enfer... Mais visiblement même détruire la carte ne suffit pas à se débarrasser des créatures, ça m'a filé des frissons Bref tout ce pavé pour dire, j'ai adoré. Bravo

Wow les frissons sur la fin... Tellement bien amené, et cette ambiance... Trop forte Lupi, bravo !

Moi qui adore les histoires d'horreurs, j'ai vraiment apprécié de lire ton texte. Et l'ambiance est bien métrisée.

Bravo à toi.

"Davantage l'embarras que le choix" mouhaha, une pépite celle-là.
J'ai beaucoup aimé et suis d'accord avec ton analyse, pas assez de pendu. Cela dit le contexte est toujours très bien amené, la tension monte crescendo et l'apparition du pendu est terrifiante. Des influences King dans tout ça ?

Merci pour tous vos retours ! Vous êtes super nombreux

Sisuki et Sayuri : Il se pourrait qu'il y ait une suite... Et oui, c'est une sorte de tarot maudit/ensorcelé où les arcanes sont incarnés si on prononce leur nom en tenant leur carte ^^ Le pendu fait peur, mais ça reste un bon gars, hein ! Il a même souri ! (j'ai déjà en tête l'Impératrice qui engueule Arthur pour avoir déchiré la carte du pendu - carte qui s'est réparée d'elle-même et le pendu qui refuse de réapparaître pendant un moment parce qu'il est vexé x3)

Dibacoli : hé bien pas du tout ! J'aime juste beaucoup les scène glauques en ce moment, j'ai besoin de sang et de violence x3 Mais ça aurait pu, ceci dit ^^ Je n'ai pas relu d'autre S. King depuis Cujo, et on ne peut pas dire que ce soit très horrifique...

Céhah : oui, effectivement, j'aurais pu simplement mettre "ignorant son sarcasme", mais je voulais montrer qu'en fait le père ne capte pas du tout que son fils est ironique ^^"

Michi : oui, effectivement, je n'ai pas spécialement pensé quand j'ai écrit ça x3

Tu as écrit une belle histoire

Coucou !

Ça commence comme un film d'horreur !
L'ambiance est bien réussie ^^ Vu le contexte et l'endroit, on s'attend forcément à du macabre, donc j'ai pas été étonnée des petits aspects "flippants", mais ils sont bien maîtrisés malgré tout
Arthur a eu une réaction tout à fait logique à la fin !

Étrange, d'une étrangeté qui le mettait mal à l'aise. J'imagine que c'est voulu, mais le "étrange" x2 fait peut-être un peu trop.

Je kiffe la fin, surtout la description du pendu ! ^^

Bravo

J'ai adoré ton texte ! La chute était trop bien ! J'adore ce pendu bien moqueur à la Willy Wonka ! On dirait un début de roman de Roald Dahl Bon, j'ai pas grand chose à redire, le texte est très bon. Donc je vais être obligée de pinailler


"La belle affaire... Ils n'accordaient pas le même sens derrière "quelque travaux", de toute évidence." : j'adore, l'humour que tu as glissé dans ce texte

"Aveugle à son sarcasme cuisant, un grand sourire étira les lèvres de son père" : il y a une répétition de père (oui, c'est le seul truc que j'ai relevé )

"Arthur souffla, songeant qu'il y avait davantage l'embarras que le choix." : encore une fois, j'ai bien ri en lisant ça


Bien joué pour ton superbe texte

tu casses les couilles, très bien bravo. Très bonnes descriptions, bien intriguant, bien flippant. On rentre bien dans l'histoire et elle se lit toute seule. Bon rythme.
Ne doute plus jamais de toi
bisou

Ça moi aussi j'ai adoré: "Elle sentait le vieux, geignait comme un vieux, se ridait comme un vieux." Je n'ai pas pu m'empêcher de faire un nouveau copier-coller. Super flippant, le pendu par un pied sa description c'était cool à lire