Tempête de sable

Il fait chaud. J’ai chaud. Non, je cuis sur place. Ça y est, mon heure est venue, je le sens dans mes tripes. Il ne me reste plus qu’une gourde pleine. Ma voiture est ensablée. Mon portable est mort. Rien ni personne ne pourra me sortir de cette galère. Ma seule chance : n’avoir pas trop dévié de ma route et tomber sur l’oasis que je visais, avant la tombée de la nuit.

La tête enturbannée dans un foulard et mes yeux à l’abri derrière mes lunettes, je sors de l’habitacle surchauffé. L’atmosphère est étouffante dehors, elle me brûle la gorge et les poumons à chaque respiration. J’ai l’impression de me consumer de l’intérieur. Vite, une gorgée d’eau. Ça ne change pas grand-chose. Quoi qu’il en soit, c’est partie pour la randonnée des enfers !

Je n’entends que le bruit de mes pas sur le sol, le souffle du vent sur le sable et les battements de mon cœur, mis à rude épreuve. Rien à l’horizon. Rien qu’une étendue d’un bleu trop éclatant et une mer beige parsemée de rocs sombres. Je marche pendant des heures sous le soleil ardent, avec pour seule compagnie les grains de sable qui percutent mes chaussures, mon pantalon et ma boussole. Ils s’immiscent dans les interstices de mes vêtements. Il faut que je boive. Oh non, c’est ma dernière gorgée ! Et ça gratte. Ça gratte, comme si j’avais des miettes de pain coincées dans le gosier. Ça gratte de plus en plus et j’y vois de moins en moins ! La plainte des vents emplit mes oreilles, je ne perçois même plus le tambourinement dans ma poitrine ! Oh mon dieu… Un mur tourbillonnant s’élève dans mon dos, masque le ciel, me paralyse d’effroi. Une tempête de sable me fonce droit dessus !

Ne pas paniquer. Trouver un endroit en hauteur où il y aura moins de sable. Se cacher derrière un rocher  pour se protéger d’objets qui pourraient être charriés par le vent. Et attendre. Attendre que passe la fureur des éléments. Ma langue est pâteuse. J’ai la tête qui tourne, une nausée de tous les diables et du sable plein les yeux. Les bourrasques sifflent dans mes oreilles, c’est insupportable, mon cerveau va exploser ! Et j’ai si chaud ! Je vais crever là !

Une trouée dans les rafales. Un miroitement au loin. Non, pas si loin. Juste en bas de la butte. Cette ombre dressée au milieu de nulle part, c’est un arbre ? Il y en a d’autres ? Une oasis ? Mon oasis ? C’est inespéré ! Et… et les vents semblent l’épargner !

Je cours. Je cours comme si ma vie en dépendait. Ma vie en dépend. Le vent me fouette, me pousse, me tend des embuscades. Qu’il aille se faire voir, je ne perdrai pas mon objectif de vue ! Aïe ! Il m’a tordu la cheville, ce con ! Pas grave : je dévale la pente, droit sur l’oasis. Arrivé en bas, je suis exténué, éreinté. Mais en vie. Et de la tempête, ne reste qu’une brise. Je vais enfin boire.

Mais quand j’ouvre les yeux, ce n’est que pour constater l’immensité de mon désespoir. Il n’y a rien. Les arbres ? Des pierres. L’eau ? Une illusion. Un mirage. J’abandonne. Là, allongé sous le soleil de plomb, je laisse le sable m’ensevelir dans ma dernière demeure.

— Tu as fait preuve de courage, pour arriver jusqu’ici.

Quoi ?

Une femme, devant moi. Une femme magnifique, au sourire serein et au regard bienveillant. De longs cheveux d’un bleu pâle tombent dans son dos et une robe fluide ondule autour de son corps à la peau claire. D’où sort-elle ? Que fait-elle accoutrée ainsi dans le désert ? Elle ne va pas survivre dix minutes ! Pourtant, la chaleur et la sécheresse ne la gênent pas. Elle ressemble à une fée. Non, à un ange. Une déesse. La déesse des rivières. La chaleur me fait délirer, c’est sûr.

D’un mouvement gracieux, elle s’agenouille devant moi, pauvre hère moribond, et repousse mes cheveux collés sur mon front. Je revis.

— Tout va bien.

Sa voix m’évoque le chant d’une cascade, ses doigts ont la fraîcheur d’un lac par un bel après-midi d’été. Je plonge dans l’eau et file comme une torpille. Des jambes s’agitent. Je les attrape et tire de toutes mes forces. Mon petit frère boit la tasse. Moi, j’émerge et j’éclate de rire. Joueur, il m’arrose et débute une bataille d’eau d’une férocité enfantine.

Nos parents nous appellent pour le goûter. Et après, on ira jouer aux explorateurs dans le bois, derrière la maison. Le soleil caresse mon visage encore mouillé. La brise me rafraîchit. Mes tartines ont un goût de liberté. Ce sont les meilleures vacances de ma vie ! À la différence de ce trek horrible dans le Sahara, que j’ai planifié sur un coup de tête !

Pardon, quoi ? Quel trek ? Quel Sahara ? J’ai treize ans !

Non ?

Une voix envahit les cieux, résonne jusque dans ma poitrine.

— L’heure du choix est venue. Tu peux rester ici pour le reste de ton existence, ou reprendre le cours de ta vie.

Des grains de sable crissent sous mes dents. Une chaleur d’enfer me brûle le dos. Une soif insupportable me prend la gorge.

Mon frère se lève de table.

— Tu viens ? On va jouer !

Il court vers la forêt. La forêt ombragée. Fraîche, Humide.

Je le suis.

Je ne m'attendais pas du tout à cette fin, j'ai commencé à comprendre avec le souvenir d'enfance. La mort qui revêt l'apparence d'une jolie dame que j'ai d'abord prise pour une sorte de déesse de l'eau qui viendrait secourir ton personnage. Au final c'est super triste Mais c'est tellement beau. C'est super bien écrit. J'étais super émue ^^" Ta plume est toujours aussi géniale Usagi Bravo à toi, j'ai vraiment adoré !!

Bon, il faut croire que je ne suis jamais pessimiste sans raison ^^" J'ai tout de suite interprété la dame comme la mort ^^" le simple fait que le perso "voit" quelqu'un d'autre relevait de l'hallucination ! Une fin somme toute intéressante !

J'ai beaucoup aimé ton texte ! Comme Lupi dès que j'ai vu la dame, j'ai compris que ça sentait mauvais
Mais j'aime bien la fin, avec le souvenir d'enfance, c'est très beau.
Bravo à toi !

Bravo pour ton texte ! Il est vraiment chouette, de l'idée, du vocabulaire, du rythme, c'est très bien. Rien à te reprocher tu me soules.
Merci pour ta participation !

Sayuri.K a écrit:Je ne m'attendais pas du tout à cette fin, j'ai commencé à comprendre avec le souvenir d'enfance. La mort qui revêt l'apparence d'une jolie dame que j'ai d'abord prise pour une sorte de déesse de l'eau qui viendrait secourir ton personnage. Au final c'est super triste Mais c'est tellement beau. C'est super bien écrit. J'étais super émue ^^" Ta plume est toujours aussi géniale Usagi Bravo à toi, j'ai vraiment adoré !!

Merci, je suis contente que ça t'ait plu ^^ à la base, je voulais en faire une déesse de l'eau et puis c'est parti en cacahuètes XD

lupinae a écrit:Bon, il faut croire que je ne suis jamais pessimiste sans raison ^^" J'ai tout de suite interprété la dame comme la mort ^^" le simple fait que le perso "voit" quelqu'un d'autre relevait de l'hallucination ! Une fin somme toute intéressante !

Tu m'as démasquée ^^'
Merci, je suis conque ça t' ait plu ^^

Azulys a écrit:J'ai beaucoup aimé ton texte ! Comme Lupi dès que j'ai vu la dame, j'ai compris que ça sentait mauvais  
Mais j'aime bien la fin, avec le souvenir d'enfance, c'est très beau.
Bravo à toi !

Merci il a failli s'en sortir pourtant, mais... Non. Parce que je suis un monstre.
Contente que le texte t'ait plu ^^

Admin a écrit:Bravo pour ton texte ! Il est vraiment chouette, de l'idée, du vocabulaire, du rythme, c'est très bien. Rien à te reprocher tu me soules.
Merci pour ta participation !

Merci beaucoup ^^ moi aussi je t'aime 8D