Qu'est-ce que je fous là ?

(désolée, il fait 1057 mots T_T)

Qu’est-ce que je fous là ? Mais qu’est-ce que je fous là, à cette terrasse avec ce fichu café noir ? Je n’aime même pas ça, je voulais juste crâner avec ma boisson d’homme. Enfin, faudrait-il encore qu’elle vienne. Qu’est-ce qui m’a pris de l’inviter à brûle pourpoint pendant la pause clope ? Moi qui n’avais pas fumé depuis deux ans, j’enchaîne les cigarettes depuis hier. C’est n’importe quoi. De toute façon, elle va me poser un… Elle est là !

Putain ce qu’elle est belle ! Avec ses longs cheveux blonds un peu négligés, ses joues rebondies bardées de taches de rousseurs et ses rondeurs aussi douces qu’un paquet de shamallow, elle me fait fondre.  Mais encore plus que le reste, ce sont ses grands yeux bruns qui me rendent fou.
Elle me regarde. Je souris comme un idiot. Merde ! Faut que je dise un truc. Un truc époustouflant, empli d’intelligence et de subtilité.

— Salut.

Bon. Au moins, je n’ai pas bafouillé.

Elle s’assoit, dans un geste fluide et gracieux. Elle est venue. Pour de vrai. Pour de vrai ? Qu’est-ce que je dois faire ? Ça fait si longtemps que je craque pour elle ! Mon cerveau tourne dans le vide et mon cœur bat trop fort. Elle va l’entendre la prochaine fois que j’ouvre la bouche !

— Salut. Ça va ?

Sa voix. Elle a la voix la plus mélodieuse au monde. Un peu aiguë, légère. Parfaite.

Elle a l’air décontractée. Si ça se trouve, elle n’a pas compris que je lui proposais un rencard. Est-ce que j’aurais dû lui tirer sa chaise ? Ça se fait encore ? Est-ce que les femmes aiment ce genre d’attention ? Est-ce qu’elle aime ce genre d’attention ?

— Oui je crois très bien et toi ?

Ce que je dis n’a déjà plus aucun sens. J’ai la gorge sèche. Vite, du café ! Ma tasse tremble entre mes doigts. J’ai les mains trop moites, je vais la faire tomber !

— Ça va.
— Tu as trouvé facilement ?

Note pour le futur : boire et parler en même temps est une très mauvaise idée, et crachoter dans sa tasse en sifflant comme un vieux soufflet ne donne aucun points de charisme.

— J’habite dans la rue derrière.

Ok, on reste calme. On reste calme. On reste calme ! C’est mon jour de chance, je connais le coin comme poche.

— C’est super ça ! Le quartier est chouette.

C’est fichu. Mon cœur va transpercer mes côtes et elle va se prendre une gerbe de sang dans la figure. Au lieu d’assister à la naissance d’un amour pur et sincère, les passants témoigneront dans la colonne des faits divers.

— C’est vrai. Tu le connais bien ?
— Très bien. Je vivais là quand j’étais petit. Je passais mon temps dans le parc, deux pâtés de maison par là.

Et là, c’est le drame. La scène se déroule au ralenti sans que je ne puisse rien faire. Et pourtant, j’en suis l’acteur principal.

Mu par le désir irrépressible de lui montrer que je sais de quoi je parle, je tends l’index dans la direction du parc. Et là, ma main percute ma tasse de plein fouet. Elle décrit une parabole digne d’un fantasme de prof de maths et explose en mille morceaux sur le trottoir.

Silence. Elle me regarde avec des yeux ronds. Du bon côté des choses, je ne l’ai pas éborgnée. Du moins bon côté des choses, je crois que je suis en train de me liquéfier sur place. Finalement, ce n’est pas mon cœur qui va me lâcher dans un spectacle issu d’un film d’épouvante, je vais juste couler sur le bitume et terminer dans le caniveau. Ça vaudra toujours mieux que la voir soupirer de dépit et m’abandonner à mon sort.

Ce qui arrive est bien pire que ça.

Elle éclate de rire.


Qu’est-ce que je fous là ? Mais qu’est-ce que je fous là, vissée sur ma chaise en plastique, en face de mon collègue le plus coincé ? Je suis une bonne poire, voilà ce que je fous là ! Quand un type timide et mal à l’aise me demande de sortir avec lui, je suis incapable de dire non. C’est le drame de ma vie. En plus, ça commence très mal : il me saoule avec sa clope au bec. J’essaie d’arrêter, moi ! J’imagine que c’est ma punition pour avoir craqué et fumé en douce entre deux réunions.

— Tu as trouvé facilement ?

Et voilà qu’il s’étouffe. Ça t’apprendra à boire un espresso quand t’as l’habitude du chocolat chaud. Je ne supporte pas les types qui essaient de se donner un genre. Heureusement qu’il ne m’a pas tiré ma chaise !

— J’habite dans la rue derrière.

Mais pourquoi je lui ai balancé ça ? Mon cerveau est passé en mode automatique, ou quoi ? J’espère qu’il ne l’a pas pris pour une invitation !

— C’est super ça ! Le quartier est chouette.

Mon grand, tu serais plus convainquant si tu n’avais pas l’air sur le point de me vomir sur les baskets.

— C’est vrai. Tu le connais bien ?

Autant faire la conversation.

— Très bien. Je vivais là quand j’étais petit. Je passais mon temps dans le parc, deux pâtés de maison par là.

Un geste maladroit. Un bruit de porcelaine brisé. Qu’est-ce qui s’est passé ? Je n’ai vu qu’un bolide blanc raser ma joue.

Il… Il a balancé sa tasse par terre ? Je l’angoisse tant que ça ? Oh mon dieu, il a l’air si paniqué !  J’en peux plus, je vais pas tenir. Non, ce n’est pas bien. Je ne dois pas… Trop tard. J’éclate de rire.

— Désolé. Je ne t’ai pas fait mal ?

Il me dévisage de ses grands yeux affolés, comme s’il craignait que je m’enfuie. C’en est presque chou. Bon d’accord, c’est un peu chou.

— Tu m’as loupée de justesse.

Ma blague – pourtant pas terrible – le fait sourire. Ah tiens ? Je n’avais jamais vu cette petite fossette sur le côté de sa joue, lui qui est toujours si sérieux.

— Mince, il me faut une autre tasse dans ce cas.

Je pouffe. Non, je glousse ! Lui, il reprend du poil de la bête. Et moi je me retrouve sans voix.

Quelqu’un peut me dire d’où sortent les papillons qui s’agitent dans mon ventre ?

Usagi, c'est trop génial !! Déjà la narration, mais juste parfaite. J'adore ton humour et tes punchlines, je me suis régalée. La tasse qui décrit une parabole digne d'un fantasme de prof de maths... Magique Aussi, faire les deux points de vue de ta scène c'est trop cool comme idée ! Là j'étais partie pour un roman complet, trop frustrée de ne pas avoir la suite xD Sans doute mon texte préféré depuis mon début de lecture tardif des textes de l'AE. Merci pour ce moment

Sayuri.K a écrit:Usagi, c'est trop génial !! Déjà la narration, mais juste parfaite. J'adore ton humour et tes punchlines, je me suis régalée. La tasse qui décrit une parabole digne d'un fantasme de prof de maths... Magique Aussi, faire les deux points de vue de ta scène c'est trop cool comme idée ! Là j'étais partie pour un roman complet, trop frustrée de ne pas avoir la suite xD Sans doute mon texte préféré depuis mon début de lecture tardif des textes de l'AE. Merci pour ce moment

Merci, contente que ça t'ait plu ^^
J'ai aucune idée de la suite, je laisse ça, euh, à l'imagination du lecteur XD

Hello !
Texte très bien, narration top, sentiments des personnages bien rendus.

tu serais plus convainquant si tu n’avais pas l’air sur le point de me vomir sur les baskets. : phrase un peu alambiquée/lourde.

Merci pour ta participation !