Un prince pas charmant

Lucie jeta un dernier regard au miroir dans l’entrée, ses boucles blondes débordant déjà de son chignon, avant de descendre en vitesse les marches de la résidence. Elle était en retard. Très en retard. Son collier à plume tressautait contre sa poitrine et lui rappela qu’elle avait oublié sa veste. L’été s’étirait sur ses derniers jours, mais elle était frileuse. Tant pis, elle n’allait pas faire attendre son rendez-vous plus longtemps.

La jupe rabattue sur ses cuisses, elle fonça au restaurant à côté de chez elle. Une brise fraîche rythma ses foulées, les arbres se ployaient sur son passage comme pour l’encourager. Elle, la fille à chats, célibataire depuis le jardin d’enfants, et toujours la tête dans des univers extraordinaires, avait accepté d’aller à un premier rencard ! Sa meilleure amie lui avait fait répété trois fois. « Mais tu le connais au moins ce type ? » Non, Lucie l’avait rencontré en ligne sur une application qu’elle avait téléchargé, parce qu’au fond, Lucie se sentait seule. Les longues soirées à faire la lecture à Bartholomiaou ne l’attiraient plus tant que ça, elle avait trente ans et voulait s’amuser ! Bon Dieu de bois ! Elle lâcha un rire gêné et défit son chignon. Les lumières du restaurant étaient toutes proches.

Une fois devant l’enseigne, elle hésita. Etait-il déjà là ? Comment allait-il la reconnaître ? Son cœur battait si fort qu’elle avait l’impression de faire une attaque. Elle dégaina son téléphone et lui envoya un message : « Je suis là ». Elle hésita sur la ponctuation, un point faisait un peu sinistre mais un point d’exclamation sonnait hystérique. Mieux valait ne rien mettre.
- Je me disais bien que c’était toi, tu n’étais pas obligée de courir !
La voix grave la fit se retourner et sa mâchoire dégringola jusqu’au sol. Théo était beau. Pas le genre à s’exhiber sur la couverture d’un magazine, mais on sentait tout de suite l’assurance qui émanait de lui. Sa grande taille obligeait quiconque à lever les yeux pour le regarder. Et si Lucie avait eu l’audace de lui tendre sa joue pour une bise, elle se serait frottée à une barbe de trois jours savamment taillée, ainsi qu’à quelques mèches de cheveux noires.
- Je ne voulais pas te faire attendre trop longtemps.
- Tu y feras plus attention la prochaine fois, dit-il avec un sourire.
Il lui tapota le nez. Une pichenette qui envoya la jeune femme au septième ciel. Elle essaya de se ressaisir et le suivit à l’intérieur du restaurant.

A peine arrivé, une serveuse se précipita sur eux : « C’est pour dîner ? Vous avez réservé ? » C’est vrai que le restaurant était plein à craquer. Le brouhaha de la foule s’entendait même depuis l’extérieur et si Lucie n’avait pas été à ce point distraite, elle l’aurait remarqué. De grandes tablées s’étaient installées au milieu de la pièce, réquisitionnant tout le mobilier. Les convives se passaient des bouteilles de vin tandis que les plateaux se succédaient pour apporter les plats. Théo tira à part la serveuse et lui glissa un billet dans le creux de la main. « On voudrait vraiment dîner ici », se contenta-t-il de dire. La serveuse hocha la tête et les mena à une table repoussée dans un coin plein de verdure. Les couverts sales étaient encore dressés. Elle appela son collègue pour l’aider à débarrasser.
- On aurait pu aller ailleurs, ce n’est pas très grave.
- La flemme de chercher un autre endroit, se contenta de répondre Théo.
D’emblée, il commanda deux cocktails et plongea dans le menu en jetant des regards nerveux à la grande tablée.

Lucie se trémoussa sur sa chaise, sa pince à cheveux dans la main. Elle n’aurait pas dû l’enlever, on lui avait toujours dit qu’un chignon lui allait mieux. Etait-ce pour ça qu’il ne lui avait fait aucun compliment ? Elle se sentait ridicule avec ses breloques en plume et sa petite jupe d’intello. En face, Théo arborait une belle montre au poignet et son t-shirt affichait le logo d’une grande marque. Il sentait bon aussi… sûrement un parfum cher.
- Tu es très élégant, tenta-t-elle avec son plus beau sourire.
- Merci, je prends beaucoup soin de moi, se contenta de répondre Théo, avant de pousser un soupir.
Un éclat de rire général avait agité les autres clients. Entre les couverts qui s’entrechoquaient et un gamin qui pleurait dans sa chaise haute, le couple était gâté.
- Le bruit t’agace ?
- Je pensais que tu aurais choisi un restaurant plus calme, j’avoue.
Mince, pesta intérieurement Lucie. Elle aussi faisait maintenant les gros yeux aux convives de la grande table. Pour qui se prenaient ces gens ? Ils ne s’entendaient presque pas parler. Et Théo qui s’était enfermé dans le mutisme… Lucie rassembla son courage à deux mains pour démarrer la conversation.
- Je pense que je vais prendre les pâtes au saumon, mon amie m’a dit qu’elles étaient délicieuses.
- Tu devrais plutôt prendre la salade au thon. Le gluten le soir ce n’est pas terrible, tu vas avoir le ventre gonflé.
- Oh c’est vrai tu as raison, je n’avais pas pensé à ça…
Elle prit une gorgée de son cocktail, un truc à l’ananas et au rhum. L’alcool manqua de la faire s’étouffer, mais elle retint sa quinte de toux, les larmes aux yeux.
- Moi je vais partir sur les gnocchis à l’épinard, poursuivit Théo, imperturbable.
- Il n’y a pas de gluten dans les gnocchis ?
- Aucune idée.
Il leva la main pour appeler la serveuse et lui fit signe de venir.
Lucie se tassa un peu plus sur sa chaise, séduite par le moindre de ses gestes. Jamais elle n’aurait osé interpeller quelqu’un comme ça. Son estomac criait famine, une salade ne lui conviendrait sans doute pas, mais qu’était donc un plat de pâtes face à l’amour ?

Mon dieu. C'est horriblement, tristement réaliste x3
On sent l'intérêt à sens unique ^^" Je pense qu'à sa place, je serais restée avec Bartholomiaou, qui en plus est une célébrité dans le quartier !

J'ai vraiment ri devant le comportement de Théo ! (Je pense que je l'aurais envoyé sur les roses à la place de Lucie xD).

Sinon bah c'est trop cool, super fluide bref 20/20, c'est pépite ! <3

Les pâtes au saumon  

Situation tristement réaliste ^^"

J'aime pas Théo. Fuis Lucie ! Fuis et retrouve Bartholomiaou.

Lucie aurait du rester avec son chat son date est horrible

C'est super bien écrit, ça se lit vraiment tout seul ! Et la ref à Bartholomiaou, que demander de plus