Je ne sais pas où je suis

10 ans après tout le monde, je me décide à faire cet atelier ^^' Je l'ai fait en conditions réelles (ie en une heure trente, sans trop savoir où j'allais et en passant plus ou moins la consigne à la trappe. Désolée XD).

Je ne sais pas où je suis. Et pourtant, je reconnais chaque centimètre carré que je vois. Le clapotement de mes pas dans les flaques d’eau croupie. Les branches tordues qui essayent d’agripper mes vêtements. Les nappes de brume où se cachent des racines sournoises. Les effluves végétales, dans mon nez et sur ma langue, l’humidité sur ma peau et dans mes poumons. Tout me ramène à ce songe. Ce songe que je vis toutes les nuits.

Aujourd’hui, c’est différent : je ne dors pas. Je l’ai trouvée. Je l’ai enfin trouvée, cette forêt qui hante mon sommeil, et il ne m’a suffi que d’un regard pour le comprendre. J’ai laissé ma voiture sur le bas côté, tant pis pour mes grands-parents qui m’attendent avant dîner. Je dois savoir pourquoi je rêve de cet endroit, même si j’ai froid, même si je m’y perds.

J’y vois mal, le couvert des arbres me cache le ciel et empêche la lumière de toucher le sol. Est-ce qu’il fait encore jour ? Je ne sais même pas quelle heure il est. Mon téléphone est bloqué sur 16h34 depuis que j’ai passé les premiers troncs. Je réalise très bien que ça devrait me faire réagir, que je devrais mourir de peur et faire demi-tour pour me sauver en courant et en hurlant. Impossible. Il y a quelque chose au fin fond du marais, derrière le brouillard, qui m’attend. Qui m’appelle. Heureusement que la lampe de mon portable fonctionne encore !

Merde, ça devient vraiment dur d’avancer. L’air est trop lourd. J’ai l’impression de respirer de la flotte ! Est-ce qu’on peut se noyer à l’air libre ?

Faut que je m’arrête, je suis hors d’haleine. Juste deux minutes. Qu’est-ce qui m’arrive ? Ce n’est jamais comme ça dans mes rêves ! Pourquoi ma gorge fait un bruit aussi rauque ? Je n’aime pas ça, pas du tout ! Et pourtant, je l’entends à peine : le sol spongieux et la mousse des arbres avalent tous les sons.  Je dois me remettre en route, je n’ai pas envie de moisir ici. Mais plus j’avance, plus je me sens mal. J’ai la tête qui tourne. Mon cœur tambourine sur mes côtes. Et ce silence ! Il est assourdissant. Insupportable. Je n’entends même pas un bruissement de feuille, un craquement de branche, un souffle de vie. Mes oreilles en bourdonnent si fort que je n’arrive même plus à marcher droit. Vite, il faut que je trouve ce pour quoi je suis là.

Je cours, je n’ai pas le choix, sinon je ne la verrai pas. J’arrive à peine à respirer. Là ! Cet arbre fracassé à la carcasse mangée par la fange ! Si je le contourne et que je continue, elle sera juste là !

J’accélère et des couleurs étranges apparaissent au milieu du gris verdâtre. Elles dansent devant mes yeux, du rose, du jaune vifs, lumineux, trop lumineux. Les silhouettes des arbres se déforment, les contours des flaques s’estompent, j’ai de la boue plein le visage et goût immonde dans la bouche. Je suis tombée ? Je suis tombée. Des râles sourds résonnent jusque dans mon crâne. Je ne suis pas seule ? Mon sang se glace. Je suis frigorifiée. Je ne suis pas seule !

Malgré mes poumons à l’agonie, je retiens mon souffle. Plus rien. Je suis seule. C’est encore pire. Ces râles, ils sortent de ma gorge. Je tousse, je tousse si fort que je m’étouffe. J’ai respiré de l’eau quand je me suis effondrée. Je n’arrive même pas à me relever. C’en est trop. Je veux rentrer chez moi. Non ! Je ne vais abandonner si près du but ! Allez, debout !

Je récupère mon téléphone dans la boue. L’écran est noir, et la lumière, éteinte. Il a définitivement rendu l’âme. Heureusement, j’y vois encore assez pour mettre un pied devant l’autre. Je me tords la cheville, une fois, deux fois, cent fois. Quand soudain, la brume se lève sur une minuscule clairière.

Oh mon dieu, elle est là ! Fière, imposante. Menaçante jusque dans ses moindre débris. La maison, que dis-je, le manoir en lambeaux que je vois toutes les nuits sans jamais parvenir à y entrer. Ses fenêtres brisées plongeant dans les ténèbres réveillent mon avidité. L’air est moins lourd, j’arrive de nouveau respirer sans encombres. Où est la porte ? Je n’ai qu’une envie : me précipiter à l’intérieur. La réponse est là, je le sens. Mais je savoure aussi l’instant et l’excitation d’enfin tout découvrir.
Je suis les murs en ruine à pas de loups et l’énorme battant de bois moisi se dévoile au détour d’un amas de pierres effondrées. L’adrénaline fuse le long de mes bras et de mes jambes et cette fois, je ne peux pas tenir. Je me précipite sur le perron. Un frisson descend le long de mon dos quand je pose ma main sur l’énorme anneau de métal rouillé. La porte s’ouvre dans un grincement de tous les diables. Moi, j’exulte !

L’intérieur est plongé dans l’obscurité. Je sens un regard sur moi. Un mouvement dans l’ombre. Un murmure au creux de mon oreille. Mon estomac se tord. Ma poitrine se bloque. Mes jambes se figent. Mon cœur s’arrête.

Je hurle.

J'apprécie le rythme !
Joli rythme, ça donne un élan grandiose à la suite => (...) Mais plus j’avance, plus je me sens mal. J’ai la tête qui tourne. Mon cœur tambourine sur mes côtes. Et ce silence ! Il est assourdissant. Insupportable. (...)

Perso, j'enlèverai le "malgré". Parfois, tu utilises des mais/malgré qu'on peut juste enlever, ça garde la consistance de ton rythme (à mon avis, hein) => Malgré mes poumons à l’agonie, je retiens mon souffle.

Petite répétition => L’écran est noir, et la lumière, éteinte.

Ça, là. C'est trop bon ! => Oh mon dieu, elle est là ! Fière, imposante. Menaçante jusque dans ses moindre débris.

Voilà voilà ! Bref, a+

Merci pour ton commentaire ^^
Oui, tu as raison, il y a plein de mots de liaisons qui ne sont pas nécessaires. Je travaille là-dessus, mais mes premiers jets en sont encore truffés ^^'
Contente que tu aies trouvé des passages qui t'ont plu malgré tout ^^

Hello ! Bravo pour ton texte ! Il se lit très bien, tu rends bien compte de la tension avec les phrases courtes/ ! / ? C'est bien rythmé, les descriptions sont très bonnes.

Juste :

Je réalise très bien que ça devrait me faire réagir, que je devrais mourir de peur et faire demi-tour pour me sauver en courant et en hurlant. : marche mieux, non ?

Et je suis d'accord pour les mots de liaison relevés par Citerne

Merci pour ta participation !