Trois ans d'absence

Voilà cinq jours que Luthan marchait, ses pas le guidant sur un chemin qu'il ne reconnaissait plus. 

Un craquement.

Un bruissement.

Le clapotis d'une flaque.

Luthan savourait le son de ses pas, seule perturbation dans un marais parfaitement silencieux. Il avançait les yeux fermés, tenté de ne jamais plus les ouvrir.

Ses paupières chaudes se desserrèrent, presque à regret, dévoilant un tronc noueux dont il devinait la couleur en dépit de la pénombre.

Sa maison était là. Juste derrière cet arbre.

Luthan inspira un grand coup, laissant l'humidité ambiante envahir ses poumons. L'air frais saturé d'eau lui faisait l'effet d'un cocon, le protégeant du monde extérieur et de ses intrigues.

Un pas de côté, les yeux du jeune homme se posèrent sur la grande bâtisse qu'il avait redouté autant qu'espéré retrouver.

Son chez-lui.

Une nouvelle inspiration, plus fébrile que la précédente.

À la lueur de la lune, dont les rayons éparses filtraient au travers des feuillages, il découvrit des murs décrépits ou se disputaient le lierre à la mousse. Les volets de bois, mangés par les mites, baillaient mollement, laissant la maison grande ouverte aux assauts de la végétation. 

Le jardin qui avait inspiré tant d'artistes par le passé, peintres comme poètes, n'était plus qu'une extension du marécage et ses allées autrefois débordantes de vie n'étaient plus empruntées que par les spectres d'une gloire révolue. 

C'est... paisible, songea Luthan avec soulagement. Il était chez lui.

Trois ans. Voilà seulement trois ans que le jeune homme était parti. Une éternité pendant laquelle la nature avait repris ses droits.