Assassarbre

Par une nuit sans lune, Eléa décida d’aller explorer la forêt adjacente à sa nouvelle maison. Cela faisait plusieurs semaines qu’elle vivait là et n’avait jamais osé y mettre les pieds. Ses camarades l’avaient bassinée pendant des heures sur la dangerosité du bois de cette petite ville. D’après eux, des fantômes occupaient les lieux et n’appréciaient pas y être dérangés. Mais Eléa ne croyait pas aux spectres et voulait prouver à ces idiots qu’ils étaient effectivement bien idiots.
Elle avait apporté une lanterne qu’elle s’empressa d’allumer à l’orée du bois. Elle craqua une allumette ce qui éclaira son visage d’une lumière chaleureuse qui contrastait avec l’aspect lugubre de la forêt.
Sans réfléchir, elle dépassa le premier arbre et s’enfonça dans les bois. Les arbres étaient décharnés et les racines ressortaient si bien qu’Eléa trébucha à plusieurs reprises. Elle dut bien éclairer ses pieds pour éviter les chutes. A mesure qu’elle avançait, la sol était de plus en plus humide. Ses converses étaient loin d’être imperméable et ses pieds étaient trempés. Elle entendait le bruit d’éponge caractéristique à chaque fois qu’elle posait le pied. La lanterne commençait à peser et la seule chose effrayante qu’elle avait vécu était la destruction de ses baskets fétiches. Alors elle décida qu’elle était restée bien assez longtemps. Elle prit rapidement un selfie avec son smartphone et fit demi-tour.
La brume s’était levé pendant sa marche. Elle ne voyait plus à un mètre alors elle avança droit devant elle. Après tout elle n’avait jamais bifurqué donc elle retrouverait vite son chemin. Après plus d’un quart d’heure de marche, son front cogna une branche trop basse et le choc la fit s’étaler sur le humus froid et humide. Elle se retourna tant bien que mal et toussa pour recracher la terre en décomposition. En se portant la main au front elle sentit le liquide poisseux qui s’écoulait de celui-ci. Du sang. Elle qui voulait prouver que le bois était inoffensif, elle aurait l’air fine demain au collège. La jeune fille jura et se releva.
Son téléphone avait été fracassé mais par chance la lanterne était indemne. Elle la ramassa pour tenter d’éclairer son chemin. Quelle idée de parcourir une forêt, un soir de nouvelle lune. Cette chute l’avait déboussolée et elle ne savait plus par où aller. Son cœur s’accéléra, semblant frapper sa colonne vertébrale et son sternum tour à tour. Eléa dût se rendre à l’évidence. Elle était perdue, en sang, seule, et oui, elle avait peur.
Eléa déambulait entre les arbres, s’arrêtant contre leurs écorces rugueuses pour reprendre son souffle tout en s’y écorchant les mains. C’est là qu’elle comprit. Le mal de cette forêt ne venait pas des fantômes mais des arbres eux mêmes. Elle voyait des branches qui transperçaient la brume, des racines qui dépassaient du humus et des troncs qui semblaient apparaître de nul part. L’odeur putride du humus était de plus en plus forte et Eléa en eut un haut le cœur. Elle rendit son dîner. Le goût acide du vomi se mêla au goût métallique du sang et celui de décomposition du humus. Elle cracha pour tenter d’atténuer ce cocktail affreux.
Eléa continua son chemin, toujours à tâtons quand la brume commença à se lever, laissant apparaître une grande bâtisse. Les ruines d’une bâtisse plus exactement. Une bâtisse assassinée. Assassinée par des arbres qui l’avait transpercée tels des poignards. Ses volets étaient clos comme le seraient les paupières d’un cadavre et la porte ouverte telle la bouche béante d’un défunt. Les arbres avaient occis cette maison comme ils allaient l’occire.
Eléa défaillit. Sa tête cogna le sol. Et tout fut noir.
Le lendemain ses camarades sauraient qu’ils avaient eu raison et elle tort. Le bois était dangereux.

La personnification de la forêt, j'ai adoré !
C'est progressif, on ne s'en rend pas tout de suite compte et c'est à la fin qu'on rassemble les quelques phrases qui annonçaient le final.

Merci pour cette lecture !

Yo !
Bravo pour ton texte ! Très plaisant à lire, tu fais monter la tension petit à petit et les descriptions sont bonnes.

occupaient les lieux : vu qu'on parle de fantômes, peut-être essayer un vocabulaire un peu plus flippant

Elle se retourna tant bien que mal et toussa pour recracher la terre en décomposition. : attention au sens de la chute pour pas se contredire

Les ruines d’une bâtisse plus exactement. Une bâtisse assassinée. Assassinée par des arbres qui l’avait transpercée tels des poignards. : et le deuxième "assassinée" est en trop je pense

Merci pour ta participation !