La painpauté
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
-45%
Le deal à ne pas rater :
Four encastrable Hisense BI64213EPB à 299,99€ ( ODR 50€)
299.99 € 549.99 €
Voir le deal

Aller en bas
avatar
Raccoon
Messages : 1
Date d'inscription : 29/10/2022

Le quatrième étage et demi Empty Le quatrième étage et demi

Dim 30 Oct - 0:01
Le quatrième étage et demi

Certaines histoires sont faites pour être racontées, d’autres pour être transmises. Mais certaines sont des mises en gardes. Des histoires pour faire peur souvent, et éloigner les curieux. Seulement, il ne faut pas oublier qu’elles ne sont pas toutes des contes sans fondement. Parfois, il vaut mieux les écouter pour ne pas courir à la catastrophe.
Il y a cette histoire qui se raconte dans un petit lycée. Une histoire qui se raconte ? Non, pas vraiment. Jamais personne ne l’évoque. Pas un élève. Pas un professeur. Personne. Et pourtant, tous les pensionnaires de l’établissement la connaissent. Tous connaissent l’histoire du quatrième étage et demi.
Tous les trois ans, une fois toutes les promotions de l’établissement renouvelé, deux élèves accéderaient au quatrième étage et demi. Cet étage n’existe pas. D’ailleurs, qui voudrait d’un demi-étage ? Le bâtiment s’arrête au quatrième étage, juste en dessous du toit. Escaliers et ascenseurs ne vont pas plus haut. Mais lorsque les conditions sont réunies, le quatrième étage et demi fait son apparition.
Jérémy connaît cette histoire. Il la connaît comme tous les élèves du lycée. Et pourtant, personne ne lui en a jamais parlé. Il ne sait pas comment il connaît cette histoire, mais il ne s’est jamais posé la question. Il ne pense jamais à cette histoire et s’il y pense, il n’en croit pas un mot. Le quatrième étage et demi n’est qu’un conte, une histoire sordide. Jérémy n’y croit pas, pas plus qu’il ne croît aux mises en gardes.
S’il y croyait, il aurait sûrement réfléchi à deux fois avant d’entrer dans cet ascenseur.

C’est une matinée d’automne comme les autres. Il fait beau, trop chaud pour la saison, foutu dérèglement climatique. Mais Jérémy n’y porte aucune attention. Il passe les grilles du portail comme tous les jours, s’arrête discuter avec ses amis comme tous les matins, et ronchonne sur les cours d’anglais de M. Jacques comme tous les mardis.
Ses amis sont nombreux mais il le sait, aucun d’entre eux ne compte vraiment. Oui, ça l’embêterait de perdre Tom, son camarade de foot. Et si Hugo lui tournait le dos, les longues heures de cours deviendraient encore plus longues. Mais ce ne serait pas une grosse perte. Jérémy reste avec eux par convenance mais en vérité, il se moque bien du nombre d’amis qu’il peut avoir. Tout ce qui l’intéresse, c’est de ne pas finir seul. Seul comme le guignol qu’il était au collège.
Il entend plus qu’il n’écoute la conversation en cours. De toute façon, ce n’est pas eux qui vont parler de quelque chose d’intéressant. À la limite, ils évoqueront peut-être la triche à mettre en place au prochain contrôle. Mais même ça, c’est sans intérêt.
La sonnerie retentit dans la cour, annonçant le début d’une nouvelle journée insipide de cours. Une journée que Jérémy pourrait passer à faire tant de choses plus utiles. Malgré tout ce que peuvent lui dire ses parents, il n’est pas dupe. Le bac ne sert à rien pour devenir footballeur professionnel. Seuls ses entraînements quotidiens le rapprochent de son rêve.
Ses amis partent en premier, lui les suit de près. Il entre sans grande conviction dans le hall. L’imposant escalier qui mène aux trois étages supérieurs semble bien trop fatiguant mais il n’a pas le choix. Du moins, s’il respectait les règles.
L’ascenseur est réservé aux personnes qui en ont vraiment besoin. Mais là, il n’y a qu’un garçon en béquille et aucun adulte pour surveiller. Il n’a aucune envie de se dépêcher d’aller en cours, mais un voyage en ascenseur, ça ne se refuse pas. Alors, il glisse entre ses amis et plonge presque à plat ventre dans la cabine au moment où les portes se referment. Le garçon grogne alors que Jérémy tape sans le vouloir dans une des béquilles. Il aimerait lui dire de partir et de respecter le règlement mais les portes se referment dans un souffle. Pour eux-deux, il est déjà trop tard.
Dans un petit sursaut, l’appareil se met en marche. Le bouton du quatrième étage est déjà enfoncé. Jérémy se contente juste de se remettre dans le bon sens. Le garçon à sa droite souffle d’agacement. Il n’y porte pas d’attention. Il n’ a pas pris l’ascenseur pour se faire des amis. Juste pour gratter un voyage gratuit.
La montée se fait sans un bruit. Le lycée n’a en effet pas le budget pour la musique typique de ce genre d’appareil. Et tant mieux car c’est le genre de chose qui insupporte Jérémy. Il n’a jamais pris cet ascenseur. En trois ans de lycée, il n’a jamais été assez blessé pour devoir le prendre. Aussi, il ne sait pas si le temps que met l’ascenseur à monter est normal. Enfin, pour lui, il l’est. Normal, mais excessivement long. Finalement, il en vient à se demander s’il va vraiment arriver plus vite que ses camarades qui prennent l’escalier. Il n’est pas inquiet, il n’y a pas de raison. Mais si Jérémy prenait plus souvent l’ascenseur, il aurait remarqué que l’ascenseur a mis quelques secondes de trop avant de sonner l’ouverture des portes.
À peine les deux portes séparées, un vent glacial s’engouffre dans l’appareil. Puis un crissement. Les portes semblent avoir du mal à s’ouvrir. Et en effet, elles n’ont pas l’habitude de s’ouvrir à cet étage. À première vue, c’est le quatrième étage. Du moins, ça le serait si toutes les fenêtres n’étaient pas barricadées. Le couloir est plongé dans l’obscurité. Seule la lumière de l’ascenseur éclaire les alentours.
L’escalier est rempli de cartons, de déchets, de morceaux de meubles. C’est un océan de détritus qui empêche d’atteindre l’étage inférieur. Quelques rayons de lumières filtrent à travers le velux du plafond. Pourtant, aucuns d’entre eux ne laisse de marque lumineuse sur le sol. De chaque côté, les portes coupe-feu sont fermées et séparent les salles de classe des deux garçons. Derrière, l’absence de lumière empêche de voir quoi que ce soit, malgré les minuscules fenêtres sur chacune des portes.
Les deux garçons le comprennent en même temps. Ils sont au quatrième étage et demi. Pourtant, aucun d’entre eux n’ose le dire à voix haute. Ce serait stupide.
Jérémy ose sortir sa tête pour regarder autour mais à part les portes fermées et le débarras dans l’escalier, il n’aperçoit rien de spécial. Ça ne dure pas plus d’une seconde et il rentre au fond de l’ascenseur aussitôt. L’histoire parle du quatrième étage et demi. Des deux jeunes gens qui s’y retrouvent sans le vouloir. Mais elle ne parle pas de ce qu’il se passe après. Ils arrivent dans un étage identique au quatrième étage à ceci près qu’il semble abandonné. Point. L’histoire ne va pas plus loin.
Le bouton du quatrième étage est toujours enfoncé. Mais il y a quelque chose d’anormal. Juste en dessous du bouton, il y a un deuxième bouton avec un quatre de gravé. Et Jérémy est sûr de lui, aucun ascenseur ne possède deux fois le même bouton. Et en effet, celui-ci non plus ne possède pas deux fois le même bouton. Sur celui d’enfoncé, à côté du quatre, un petit « . 5 » est désormais gravé.
À côté de lui, le garçon en béquille commence à hyperventiler. Contrairement à Jérémy qui reste le plus calme et pragmatique possible, il est en train de faire une crise de panique.
- Ok. On reste calme. Ça va aller. Oh ! Calme toi !
Jérémy n’a aucune idée de comment il est censé gérer la crise de son camarade d’infortune. Quand ce dernier s’assoit en boule contre le fond et commence à gémir, Jérémy perd patience.
- Mais ferme-la ! C’est pas comme ça que tu vas aller mieux !
De colère, il martèle le bouton du quatrième étage. Malheureusement rien n’y fait. Le bouton du quatrième étage et demi reste enfoncé. Et si Jérémy espérait encore un miracle, ses illusions s’effondrent quand dans un bruit atroce l’électronique de l’ascenseur lâche. Le garçon se met à hurler de plus belle. Décidément, Jérémy est bien seul sur ce coup-là.
Il sait qu’il doit partir de cet étage rapidement. Mais avec l’escalier impraticable et l’ascenseur qui vient de lâcher, les solutions sont maigres. Toutes les fenêtres sont condamnées et même si elles ne l’étaient pas, une chute du quatrième étage est à prévoir. Si tant est qu’elles donneraient bien sur l’extérieur de l’établissement. Une porte de sortie, Jérémy n’en voit qu’une : l’ascenseur à l’autre bout du couloir.
Dans l’obscurité totale qui s’est formée, il n’a d’autres choix que de sortir son téléphone. Une fois la lampe torche activée, il se risque à sortir de l’appareil. Dans l’ascenseur, le garçon est toujours en boule en train de pleurer et de chuchoter. Jérémy sait qu’il ne pourra pas l’entraîner avec lui. Le mieux qu’il puisse faire, c’est de lui envoyer de l’aide une fois sorti d’ici. Il s’éloigne alors à pas de loup, laissant le garçon seul dans le noir le plus complet.
Jérémy ne peut s’empêcher de jeter sans cesse des coup d’œil derrière lui tous les trois pas. Pourtant, il n’y a pas un bruit. Même pas un bruissement qui trahirait une activité à l’étage du dessous. Mais Jérémy doute qu’il puisse y avoir un étage en dessous de lui. S’il s’arrêtait pour écouter convenablement autour de lui, il se rendrait aussi compte que les bruits du garçon de l’ascenseur ont complètement disparu.
Le couloir fait une quarantaine de mètres de long. Deux portes coupe-feu le séparent dans sa longueur. Et une dizaine de salle de classe se succèdent. Ces informations, Jérémy les connaît par cœur. Si le quatrième étage et demi est aussi identique au quatrième que l’histoire le raconte, il pourrait même s’y déplacer les yeux fermés.
La lampe torche du téléphone de Jérémy est faible, mais suffisante pour se déplacer sans risquer de heurter un obstacle. Arrivé à la première porte, il colle sa lampe à la vitre et observe de l’autre côté. L’épaisseur de la vitre empêche la majorité de la lumière de passer mais il perçoit les contours proches du couloir ainsi que la première porte. Il n’y a pas plus de lumière ce ce côté du couloir mais Jérémy prend cela comme une bonne nouvelle. À priori, tout est aussi calme que de son côté.
Après une grande respiration, Jérémy pousse l’un des battants de la porte. Le poids est tel qu’il doit momentanément ranger son téléphone pour pousser à deux mains. Il a déjà joué avec ces portes et leur poids n’a jamais été aussi important. Ce qui ne signifie qu’une chose : quelque chose la bloque de l’autre côté. En effet, une fois la porte suffisamment ouverte, quelque chose tombe au sol par l’entrebâillement. Quelque soit l’objet, il permet à Jérémy de lâcher la porte et de pouvoir passer par l’ouverture. Néanmoins, avant de passer, il ne peut s’empêcher de sortir son téléphone pour éclairer le bloqueur de porte.
Jérémy retient un cri d’horreur. À ses pieds, c’est un corps sans vie qui vient de passer par la porte. S’il avait pris un petit-déjeuner, celui-ci serait ressorti sur les baskets de Jérémy. Et accessoirement sur le visage livide de l’élève au sol. Jérémy comprend très vite ce qu’il s’est passé. Et il refuse de finir comme ce jeune homme. Non, lui, il s’en sortira.
Il enjambe alors le corps sans vie et continue sa route. Il refuse de prendre le temps de se sentir mal. Pas si sa vie en dépend. Il se met presque à courir dans le couloir. Il ne regarde même pas les portes sur lesquelles les numéros sont identiques au quatrième étage, du moins, à ceci près que la mention « . 5 » est toujours présente.
En moins de cinq secondes, il se heurte à la deuxième porte coupe-feu. Dans son dos, un craquement sinistre retentit. Quand il se retourne, la lampe braquée devant lui, les frissons dans son dos grimpent jusqu’à ses épaules. La porte s’est refermée d’un coup sec, tranchant littéralement en deux le corps du pauvre jeune homme décédé. Mais ce n’est pas ce que remarque Jérémy. Derrière la petite vitre, deux yeux le fixent sans détour.
Il l’en faut pas plus pour que Jérémy se rue à nouveau vers la sortie. Il se jette littéralement sur la porte coupe-feu. Celle-ci résiste bien moins que la précédente et le jeune homme s’effondre au sol. Au loin, il entend un nouveau bruit. Un souffle suivi d’un bruit de succion. Toujours au sol, le regard qu’il lance lui apprend que la porte s’est rouverte. Mais les yeux ont disparu. Loin de le rassurer, Jérémy se met à ramper avec force.
L’ascenseur n’est plus qu’à quelques mètres. Le jeune homme se redresse aussi vite que possible. Il passe devant l’escalier tout aussi encombré que celui à l’autre bout du couloir sans un regard. Ses yeux sont braqués sur le bouton d’appel de l’ascenseur. Un dernier pas en avant et il l’atteint. Il le matraque littéralement. Après quelques secondes interminables, le rond lumineux s’allume enfin.
Plus qu’à attendre que l’ascenseur arrive. Mais Jérémy n’a pas ce temps. Il se colle dos à la porte et éclaire les environs. Et ce qui l’angoisse le plus se produit. Derrière la porte qui s’est refermée, deux yeux brillent derrière la vitre. Incapable de regarder autre part, il prie pour que l’ascenseur arrive au plus vite. Et lorsque enfin les portes s’ouvrent dans son dos, les yeux glissent le long de la vitre. Puis, c’est la porte coupe-feu qui commence à s’ouvrir.
Jérémy recule par l’interstice en train de s’agrandir. Sans attendre que les portes finissent de s’ouvrir, il clique avec force sur la fermeture des portes. Heureusement pour lui, l’appareil arrête l’ouverture et reprend aussitôt la fermeture. Il en profite pour appuyer sur le bouton du rez-de-chaussée et s’appuyer contre le fond de l’ascenseur. Au moment où les portes se referment enfin, Jérémy a tout juste le temps d’apercevoir une dernière chose. Deux yeux qui brillent.
La descente de l’ascenseur fait retomber toute la pression du jeune homme. Avec celle-ci, son corps le lâche et il glisse le long de la paroi. Il n’ aucune idée de ce qu’il vient de se passer mais il s’en fiche. Tout ce qui compte, c’est qu’il a survécu et que tout est fini. Mais quand les portes de l’appareil s’ouvrent, ses espoirs disparaissent à tout jamais.
Si personne ne parle jamais du quatrième étage et demi, c’est sûrement parce qu’il ne laisse jamais personne repartir.
Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum