La painpauté
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment : -35%
Philips Hue Kit de démarrage : 3 Ampoules Hue ...
Voir le deal
64.99 €

Aller en bas
Asuka
Asuka
Messages : 22
Date d'inscription : 16/07/2022
Localisation : Île-de-France

TAMBOUR À MAIN Empty TAMBOUR À MAIN

Sam 29 Oct - 23:55
Le soir du 29 octobre, Viviane émergea du supermarché, sa veste de caissière à la main. Elle manqua de heurter le caddie d’un client, qui protesta dans un juron :
— Regarde un peu où tu vas, grande perche !
Après sa journée de travail, Viviane n’avait plus le cœur à discuter, alors elle continua sa route.
Les dernières voitures quittaient le parking et les lampadaires s’illuminaient un à un, dans les avenues. Une bourrasque désagréable souleva les déchets dispersés sur le bitume. La jeune femme frissonna.
— Il est hors de question que j’enfile ce torchon, trancha-t-elle.
Sa veste en polaire rouge, fournie par le supermarché, avait absorbé une bonne partie d’une brique de crème fraîche liquide. Un peu maladroite, Viviane avait empoigné l’achat d’un client pour le scanner. La pression avait transpercé l’emballage déjà défectueux, et tout le liquide blanc s’était écoulé sur son haut. L’incident s’était produit dans l’après-midi, lui affligeant une déplaisante sensation de crème qui colle au T-shirt. À présent, la jeune femme devait se rendre à la laverie automatique de sa ville. Elle n’avait pas les moyens d’avoir sa propre machine à laver, et l’envie de nettoyer sa veste à la main lui manquait.
Viviane pénétra dans la laverie, après avoir constaté que personne ne s’y trouvait. D’ordinaire, une file d’attente s’amassait jusqu’au dehors, due à la panne de quatre machines sur six.
— Ça va aller vite, aujourd’hui, se rassura-t-elle.
Elle vérifia le bon fonctionnement de la machinerie, et sélectionna son programme. À la borne de paiement, elle régla la somme nécessaire aux trente minutes de lavage. Pour tuer le temps, Viviane s’installa sur un des sièges à disposition et surfa sur le Web.
Un bourdonnement incessant lui fit lever la tête. Une grosse mouche noire apparue dans son champ de vision, et la jeune femme s’agita dans tous les sens pour chasser l’insecte. Ce dernier alla se poser plus loin, sur une machine hors-service dégoulinante de lessive. Viviane grimaça en constatant la fuite. De la mousse dégouttait de la machine à laver pour venir s’écraser sur le sol, aux carreaux blancs salis par le temps.
— Ces gérants sont même pas foutus d’entretenir leurs machines…
Comme pour justifier ses paroles, une des LED au plafond se mit à clignoter. Dépassée, la jeune femme se replongea dans son article du Parisien. Elle fit abstraction du vent qui se déchaînait sur la porte, et qui faisait rentrer un air glacial à l’intérieur de la laverie.
Le compteur affichait dix minutes restantes, lorsqu’un homme débarqua en claquant la porte derrière lui. Il était de forte corpulence, et respirait de manière agitée et laborieuse. Du gras pendait de son ventre,  débordant de son haut serré plein de taches. Sa veste grande ouverte dévoilait un torse poilu et un cou crasseux. Il tenait de ses mains boudinées un vieux sac de sport, rempli à ras bord. L’homme ignora la présence de Viviane, il posa son sac sur une des machines. Méfiante, la jeune femme étudiait ses moindres faits et gestes. Son instinct lui criait de déguerpir d’ici, mais elle ne pouvait pas abandonner son polaire.
L’individu s’efforça de mettre en marche les machines hors-services. Il finit par se résigner, et utilisa la machinerie à côté de celle de Viviane. Dans un grognement, il versa le contenu de son sac sans prendre le temps de sortir ses vêtements un à un. Une masse de tissu s’engouffra dans le tambour, tandis que la veste de Viviane effectuait toujours des mouvements circulaires à côté.
Au bout d’un moment, il retira sa veste, et balança le vêtement en cuir sur le hublot de sa machine. Quand il s’installa sur une chaise en face de Viviane, le siège émit un pénible grincement. La jeune femme eut l’impression que le plastique était sur le point de se fendre en deux.
La mouche, de retour parmi eux, vint voleter près de lui. D’un mouvement de main, l’homme tenta de la faire partir mais elle esquiva ses gros doigts. Il attendit alors, les mains en l’air, le moment propice pour abattre l’insecte en l’écrasant contre ses paumes. Mais il rata sa cible, et la mouche prit de la hauteur pour atteindre le plafond. Hors de portée, elle faisait le tour de la laverie, excitée comme une puce.
— La prochaine fois, je t’éclate contre le mur ! pesta-t-il entre ses dents jaunes.
Viviane s’enfonça davantage dans son siège. Elle voulait disparaître sous terre, tellement les actions de l’homme la mettaient mal à l’aise. Les mains jointes, elle pria pour que le temps passe vite.
Les dernières minutes du programme de lavage furent longues. La lumière qui vacillait au dessus d’elle fatiguait sa rétine. Viviane n’arrivait plus à se concentrer sur l’écran de son Samsung.
Un bruit retentit derrière la vitre. Surprise, la jeune femme tourna la tête, et tomba nez à nez avec un homme à l’extérieur. L’individu, cagoulé et vêtu de noir, avait le visage collé à la vitre. Il la fixait de ses yeux noirs de jais, la langue pendante et dégoulinante de bave. Le cœur de Viviane s’emballa de plus belle. Sa réaction apeurée alerta l’homme présent dans la laverie, et le costaud prit conscience du malade mental qui l’observait dehors.
— Dégage d’ici, connard ! vociféra-t-il en s’écartant de sa chaise dans un grand bruit.
Il brandit son majeur en direction de l’individu et ce dernier, déconcerté par la présence d’un autre homme, disparut dans la nuit. Viviane poussa un profond soupir de soulagement.
— Merci monsieur, heureusement que vous êtes là.
À ces mots, un long bip sonore s’échappa de la machine de Viviane. Elle se précipita hors de la chaise en plastique, et faillit perdre l’équilibre sur le carrelage. Elle se rattrapa de justesse sur la machine à laver de l’homme. Sa veste, qui, jusque-là, recouvrait le hublot, était étendue au sol.
— Excusez ma maladresse, …
Viviane fut prise d’un haut-le-cœur. Une soudaine bouffée de chaleur envahit sa poitrine, et un frisson lui parcourut l’échine. Une main de femme, blanche, les ongles vernis de rouge, et ornée d’une bague à l’annulaire, tournoyait dans le tambour infernal. Viviane en avait la nausée. La vision de la jeune femme se brouilla, et elle vit les jointures du carrelage en double. Pendant un moment, elle s’arrêta de respirer. Le souffle coupé et la tête qui tourne, elle resta plantée devant la machine.
Les regards de la jeune femme et de l’homme se croisèrent. Les jambes de Viviane tremblaient. Tétanisée, il lui était impossible de décoller ses semelles du carrelage. Le visage de la jeune femme pâlit lorsqu’il lui fit face de toute sa hauteur.
— Putain, qu’est-ce que je vais foutre de toi maintenant ?
Les lèvres paralysées et la respiration saccadée, elle buttait sur les mots.
— Je… Je ne dirai rien ! Je vous le jure…
D’une main ferme, l’homme l’empoigna par le cou. Ses ongles crochus et répugnants s’enfoncèrent dans la chair de Viviane. Une puanteur émanait de son haleine, comme s’il pourrissait de l’intérieur. Par miracle, la jeune femme s’échappa de son emprise. Un liquide chaud s’écoulait de son pantalon tandis que les larmes humidifiaient ses joues. Elle n’y prêta pas attention, et se précipita vers la porte. Viviane entrevit une lueur d’espoir, elle avait foi en cette chance de s’en sortir. Mais dans la précipitation, elle glissa sur le carrelage crasseux et plongea tête la première sur une des chaises. Il y eut un bruit d’os qui se brisent, et des gouttelettes de sang furent projetées sur la baie vitrée.
Viviane perdit connaissance.


————————————-


Merci d’avoir pris le temps de lire mon texte !

Petite anecdote concernant le titre : le tambour à main est un instrument de musique mais dans ce cas-là, il est employé dans l’univers de la machine à laver  Very Happy

JOYEUX HALLOWEEN À TOUS !
Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum