Lettre à Léon

Mon petit Léon,

Bonjour mon cœur, tu as bien dormi ? Tu profites bien de tes vacances ? Au fait, tu trouveras accompagnée de cette lettre une surprise bien emballée. J’espère qu’elle te plaira. Et je le mets sur papier qu’elle n’appartiendra qu’à toi ! (Tu peux te servir de cette lettre comme preuve contre Fanfaron.) Comment va notre boule de poil d’ailleurs, il n’a pas trop grossi ? Bref, Léon, si je t’écris cette lettre, ce n’est pas pour renouer avec l’ancien temps. C’est que, comment dire, je ne peux malheureusement pas vraiment te parler. Mais je peux écrire, je peux encore t’écrire. On est déjà fin octobre comme tu le sais. J’espère que tu ne m’en voudras pas trop, mais je ne pourrais pas être là pour Noël. Je penserai fort à toi. Déjà douze ans, le temps passe à une vitesse. Tu es grand maintenant. Léon, si je t’écris cette lettre, c’est qu’il y a quelque chose qu’il faut que je te dise. Au fait, dis à maman de ne pas m’attendre pour le dîner. Je n’ai pas pu la prévenir. Disons que j’ai quelques complications. Mais je voulais passer te voir avant. Léon, je pense qu’il est temps que tu saches. Et que j’arrête de tourner autour du pot. J’aimerais juste que tu l’apprennes par moi. Bon, voilà. Ta mère attend un bébé. C’est une fille. Oui, tu vas avoir une petite sœur. Et comme tu le souhaitais, on l’appellera Blanche. Elle occupera ta chambre, si ça ne te dérange pas. Je t’embrasse fort.



L’homme marche entre les pierres, un bout de feuille entre les doigts. Il pleut. Un parapluie dans l’autre main. L’homme lit une à une les épitaphes. Puis, il s’arrête devant une tombe et y dépose sa lettre qui prend l’eau. « Bonne nuit mon petit. »

Les gouttes de pluie frappent et dégoulinent sur le pare-brise, puis sont balayées par l’essuie-glace.