Les corneilles

Bonne lecture, aucune idée sur l'émotion que ça donne ou pas c'est dur de se juger ^^


Il y eut une pression supplémentaire. Une seule. Et je compris toute la portée de mon erreur. La force surhumaine qui m’avait animée jusqu’à lors, portée par une colère furieuse, bourdonnante et insatiable, m’avait convaincue de mon invincibilité, mais... Il n’en était rien. Je sentis toute la haine viscérale et destructrice, engendrée ces années durant, se déchirer comme un vulgaire morceau de papier à l’instant même où mon poignard lui transperça la chair. Comme si elle n’avait jamais existé. Comme si nous ne nous étions jamais disputés. Comme si tout n’avait été qu’un mauvais rêve. Et comme s’il venait de se dissiper.  

Ses jambes flanchèrent. Je le vis vaciller.

- Liam..!

Son prénom m’échappant, je lâchais mon arme pour lui venir en aide. Il bascula de tout son poids contre moi et, l’enveloppant de mon bras, je le serrais aussi fort que je le pouvais. Je le serrais contre moi, contre ma poitrine, contre mon cœur battant… Contre mon âme. Ainsi plaquée contre lui, je sentais de nouveau son parfum et sa sueur. Un mélange d’odeurs qui invoqua de brutaux souvenirs de nos jours heureux. Ils me heurtèrent avec la force d’une cavalerie au galop et mes yeux se brouillèrent d’impuissance. La situation m’avait complètement échappée. Tremblante, je n’eue bientôt de cesse que de répéter son nom, Liam, Liam, Liam… encore et encore. Je voulais l’empêcher de partir, je voulais le ramener à moi. Mais il glissait, il tombait, il m’échappait. Je le sentais.

- Non, non, non, s’il te plait…

Ce qui aurait dû être un cri de désespoir ne fut qu’une sorte de murmure, un secret, entre lui et moi. Encore un. Bloqué dans ma gorge trop serrée, pleine de sang et asséchée par la poudre.

Je me sentais défailli. Je ne sus plus supporter le poids de son corps : doucement, je l’accompagnai jusqu’au sol, là, au milieu des gravats, au milieu du feu, des cris des combattants encore en joute. Puis, à mon tour, je m’écroulais sur son torse. Comme nous l’aurions fait en riant si nous étions restez sagement chez nous, nous chatouillant sous le cerisier aux corneilles. Mais aucun de nous ne riait. Au lieu des caresses, mes mains agitées et ensanglantées se posèrent sur son visage crispé de douleur pour l'obliger à me regarder.

- Je ne voulais pas, je n’ai jamais voulu…répétais-je, je te jure.

C’était faux. Du moins en partie. Nos destins nous avaient mené précisément à cet instant, à ce duel final. Nous le savions tous les deux.

- Tu… as gagné, ma belle, répondit-il, un sourire en coin.  

Ces quelques mots, dits avec la douceur d’une rosée du matin, firent l’effet d’une bombe : quelque chose d’invisible, mais puissant, heurta mes tripes. Je fus prise d’une violente quinte de toux, qui m’obligea à m’éloigner de son corps pour libérer un premier caillot de sang, avant que vienne une série de spasmes incontrôlables. Comment pouvait-il me dire cela ? J’avais envie de vomir. J'avais gagné ? Comment osait-il ? Ce crétin…

Toutes les protections mentales que j’avais su garder jusqu’à lors cédèrent et je sentis ces putains de larmes prendre mes joues d’assaut. J'étais ridicule. C'était moi qui venait de provoquer tout ça et pourtant... Ça ne pouvait pas se terminer ainsi. C’était impossible.

Sans crier gare, j’abattais un poing serré sur sa poitrine, ramenant mon visage au-dessus du sien.

- Tu ne peux pas mourir ! Lui ordonnais-je.

Je vis alors ses yeux s’écarquiller, puis de nouveau ce sourire narquois se dessiner sur sa bouche. Celui des premiers jours. Celui qui m’avait séduite aux Jardins des Ondines.

- Idiot, ça te fait rire ?!

Il ne répondit pas, mais je vis ses yeux se détourner des miens, tandis que ses dents pleines de sang se montraient un peu plus encore.

- Alors c’est ça ?! M’écriais-je. Tu vas me laisser ici ? Tu vas laisser ta femme seule, dans ce monde ? Je te l’interdis ! Tu n’es qu’un lâche ! Un lâche !

Cette fois-ci, je l’assénais non pas d’un, mais d’une dizaine de coups de poings. Je voulais qu’il se relève, qu’il se batte, comme il l’avait toujours fait. Même si cela devait encore être contre moi.

Mais il ne répondit pas. J’étais impuissante. Que devais-je faire ? Lui mettre une claque ? L’embrasser une dernière fois ? Je ne savais plus. Et comme souvent dans ce genre de circonstances, j’éclatais dans de nouveaux sanglots. Après l’avoir combattu, frappé, poignardé, voilà que je m’affairais à le noyer sous mes larmes de veuve éplorée.

J’avais tout gâché.

- Je suis désolée… lâchais-je, comme si cela allait changer quelque chose. Tu entends ? Je suis…

- Emy, non, me coupa Liam, une main posée sur sa plaie béante. Pas ça.

Surprise, je me redressais légèrement. La blessure ruisselait.

- Ne t’excuse pas pour avoir poursuivi tes rêves, me dit-il. Tout est ma faute. J’ai voulu suivre les miens, je suis le seul responsable. Je pensais… Je pensais…

Il fit une grimace qui ne laissait pas aucune place à l’interprétation. Liam souffrait. Il souffrait par ma faute.

- Je pensais bâtir un monde meilleur pour nous… pour notre enfant.

- Je sais…

- Celui-ci était foutu. Pourri jusqu’à la moelle. Il fallait tout recommencer, tout recommencer… tu comprends ?

- Tu te trompes… réussis-je à gémir avec difficulté. Ce monde n’est pas si mal.

- Je le sais, maintenant. Grâce à toi, Emy… Tu t’es battu pour le sauver, tu as tout sacrifié pour le protéger… Tu es allée jusqu’à affronter mon armée… m’affronter, moi.

- Mais qu’est-ce que tu racontes ?!

- S’il y a encore des gens comme toi Emy, alors il y a de l’espoir. Je le vois maintenant. Je n’aurais pas dû me lancer dans cette folie. Nous aurions profité des jours de pluie, ensemble. A l’abri. Une famille… Alors c’est moi qui suis désolé et… Emy ?

Il eut une nouvel fois ce sourire agaçant.

- Je t’aime. Et je t’ai toujours aimé. Même dans les pires moments. Surtout dans les pires moments…

Comme la victime d’une prophétie déjà écrite, je sus qu’il s’agissait là de ses derniers mots : je vis, dans son regard, un voile obscur s’installer, puis disparaitre pour ne laisser que du vide. Son esprit s’en était allé avec la Mort. Au loin, quelque part, je le savais, la pluie commençait à tomber tandis que résonnait le chant d’une envolée de corneilles, toutes deux venues l’accompagner.  

La pluie, le chant d’une envolée de corneilles… et une partie de mon âme.

Le texte est beau, mais j'aimerai bien en savoir un peu plus sur les raisons qui poussent ce couple à se battre. Le type a voulu dominer le monde et massacrer tout le monde. Sérieux c'est que ça ? Une bonne épouse doit accepter les hobbies de son chéri.^^

Pour le coup je suis comme Héléna, j'aimerais en savoir plus. Qu'est-ce qui pousserait deux époux qui ont l'air de s'aimer à se battre en duel jusqu'à la mort de l'un des deux ? C'est très intriguant ! J'aime bien leur échange en tout cas, les sentiments sont très présents. J'ai trouvé qu'une métaphore de ta scène ne marchait pas trop, celle qui essaie de mettre un peu de poésie là où il n'y en a pas forcément besoin "les mots dit avec la douceur de la rosée du matin". Petite répétition du chant de l'envolée des corneilles aussi à la fin, mais ce sont des détails ^^ Dans l'ensemble c'est une très bonne scène que j'ai apprécié découvrir bravo à toi et merci pour avoir partagé ton texte avec nous !

Très beau texte ! Juste un petit bémol de mon côté : puisque Liam est en train de mourir, ses phrases ne devraient pas être hachés et courtes ? Parce que sans contexte autour, les dialogues ont l’air d’être ceux de deux personnes en parfaite santé. Sinon un grand bravo !

Hello, bravo pour ton texte !
J'ai bien aimé la situation et les émotions qui sont placées, après oui, comme les autres, j'ai été un peu déstabilisée par le manque de contexte. A mon avis, il ne faudrait pas grand chose de plus, juste pour que le lecteur puisse se situer. Sinon le reste j'ai vraiment adoré, bravo encore et merci =)

Bonjour à tous !

Merci beaucoup pour vos retours, j'attendais de voir s'il y avait d'autres lectures avant de vous répondre

J'avoue que la raison qui pousse le couple à se battre m'intrigue moi aussi en vérité, c'est même ce qui m'a donné envie d'écrire cette histoire que je découvrais en même temps que je l'écrivais ^^ J'ai évidemment tout comme vous imaginé le genre de conflit qui les opposait, mais sans avoir de vraies certitudes. Du coup ce que tu dis m'interpelle Rynn ! J'avoue que je ne sais pas si donner le contexte serait une bonne chose : j'avais l'impression que la force du texte se trouvait dans le fait de pas savoir et de "vouloir" savoir ?

Sayuri, la répétition de fin avec les corneilles était voulue, peut-être que ça ne marche pas autant que je pensais ? Je prends note pour la métaphore et je suis d'accord avec toi, elle est pas terrible.

Ambre_Roise ta remarque est très juste ! Un petit problème dû au fait que c'est un premier jet et qu'il n'y a pas vraiment eu de relecture. Liam est un peu trop bavard ahah.

hello ! Bravo pour ton texte ! Il est très bien écrit, à part quelques maladresses que je te mets ensuite. Par contre, je n'ai pas réussi à ressentir de l'émotion car je n'ai pas compris les enjeux derrière ce qu'il se passait et aussi, je trouve que Liam met beaucoup de temps à mourir (et comme dit Ambre, il sort de longs discours pour un mourant).

"Son prénom m’échappant, je lâchais mon arme pour lui venir en aide." : pas de lien logique entre les deux éléments de la phrase et le début est vilain.

Je ne sus plus supporter : Armadrielle m'a dit que c'était un belgicisme, mais ça n'empêche que ce n'est pas très beau.

Merci pour ta participation !